KERATOMETRIE ET LONGUEUR AXIALE, POUR LE CALCUL DE LA PUISSANCE DE L’IMPLANT INTRAOCULAIRE DES CANDIDATS A LA CHIRURGIE DE LA CATARACTE A LIBREVILLE

Mba Aki T1, Nnang Essone JF2, Assoumou PA1, Anyunzoghe E3, Agaya C4, Mve Mengome E1

1. Département d’Ophtalmologie, Université des Sciences de la Santé, FMSS, Libreville
2. Département de Physiologie, Université des Sciences de la Santé, FMSS, Libreville
3. Département d’Epidémiologie, Biostatistique et Informatique Médicale, Université des Sciences de la
Santé, FMSS, Libreville
4. Programme national de lutte contre la cécité au Gabon

Auteur correspondant : Mba Aki Tatiana
Adresse e-mail : mbatati4@yahoo.fr
Boite postale : 9183

Résumé

Introduction : La chirurgie de la cataracte est devenue une pratique courante au Gabon. Cette situation suggère la mesure systématique des paramètres biométriques nécessaires au calcul de la puissance de l’implant intraoculaire, ce d’autant qu’il n’existe pas de référentiels.

Objectif: Déterminer les valeurs moyennes de kératométrie (Km), de longueur axiale (LAm), et de la puissance des implants intraoculaires (Pm) des candidats à la chirurgie de la cataracte.
Population et méthodes: L’étude a concerné 1196 personnes devant bénéficier d’une chirurgie de la cataracte. Les valeurs de Km (Dioptrie, D) et de LAm (mm) pour le calcul de la Pm (Dioptrie, D) selon la formule Sanders, Retzlaff, et Kraff (SRK) ont été comparées à l’âge et au sexe (p < 0,05).

Résultats : Km était de 43,4 ±1,5 D, LAm de 23,3 ± 0,9 mm et Pm de 21,6 ± 2,2 D. Une corrélation existait entre LAm (r = -0,174; p = 10-4), Pm (r = 0,226; p = 0,0001) et l’âge. De même, Km, LAm et Pm variaient en fonction du sexe (p = 0,0001). A l’inverse, Km n’était pas corrélé à l’âge (p = 0,520).

Conclusion : Les v aleurs d e K, L A e t P r etrouvées d urant c ette étude pourraient servir de référence lors des campagnes de chirurgie de la cataracte à Libreville. Par ailleurs, ces données permettraient une gestion hospitalière adéquate des stocks de consommables en lentilles intraoculaires

Mots-clés : Kératométrie, Longueur axiale, Implant intraoculaire, Chirurgie, Cataracte

Summary

Introduction: Cataract surgery has become a common practice in Gabon. This situation suggests the systematic measurement of the biometric parameters necessary to calculate the power of the intraocular implant, especially since there are no reference systems.

Objective: To determine the mean values of keratometry (Km), axial length (ALm) and power of intraocular implants (Pm) of candidates for cataract surgery.
Population and methods: The study involved 1,196 people who would undergo cataract surgery. The values of Km (Dioptrie or D) and ALm (mm) for the calculation of Pm (D) according to the Sanders, Retzlaff, and Kraff (SRK) formula were compared to age and sex (p < 0.05).

Results: Km was 43.4 ± 1.5 D, ALm of 23.3 ± 0.9 mm and Pm of 21.6 ± 2.2 D. There was a correlation between ALm (r = -0.174; p = 10-4), Pm (r = 0.226; p = 0.0001) and age. Similarly, Km, ALm and Pm varied by gender (p = 0.0001). Conversely, Km was not correlated with age.

Conclusion: The values of K, LA and P found during this study could be used as a reference during cataract surgery campaigns in Libreville. In addition, these data would allow adequate hospital management of intraocular lens consumables stocks.

Keywords: Keratometry, Axial Length, Intraocular Implant, Surgery, Cataract

 

Introduction

La chirurgie de la cataracte est l’intervention chirurgicale la plus couramment pratiquée dans le monde [1]. Il s’agit d’une chirurgie exigeante dont le résultat réfractif postopératoire va dépendre de plusieurs paramètres, dont l’état oculaire avant la chirurgie, l’expérience du chirurgien [2] et le type de technique chirurgicale [3-6]. Un autre élément dont dépendent ces résultats est la nature du matériau [7], mais surtout la puissance de la lentille intraoculaire [8,9]. Concernant la puissance de la lentille intraoculaire (P), son calcul repose sur des formules mathématiques à partir des mesures biométriques [10,11]. La formule la plus usuellement utilisée est la Sanders, Retzlaff, et Kraff (SRK) basée sur la relation entre les variables physiologiques préopératoires [12]. Ces paramètres physiologiques sont, la longueur axiale (LA) en millimètres, la kératométrie (K) en dioptries (D), ainsi que la constance A, déterminée par le fabriquant de la lentille intraoculaire. La formule SRK est définie par P = A – 2,5 LA – 0,9 K [10,12]. Actuellement, des valeurs biométriques additionnelles telles que, la profondeur de la chambre antérieure, l’épaisseur du cristallin et le diamètre cornéen horizontal sont utilisés dans d’autres formules plus récentes [13].
La connaissance de la distribution de la biométrie oculaire d’une population de personnes opérées de cataracte d’une région donnée est utile car, elle permet une gestion hospitalière plus efficace des stocks de consommables en lentilles intraoculaires. Dans un contexte tel que le nôtre, où la chirurgie de la cataracte est fortement demandée, et du fait de la variabilité physiologique inter individuelle des données biométriques oculaires nécessaires au calcul de la puissance de l’implant intraoculaire, il est nécessaire d’avoir des données de références de ce type, ce d’autant plus que nous n’avons pas trouvé d’études à ce sujet. Ce travail a été initié d’une part, pour étudier la distribution des paramètres biométriques indispensables au calcul de la puissance de l’implant intraoculaire chez des sujets atteints de cataracte à Libreville, et d’autre part, dans l’optique de proposer comme données de référence lors des campagnes de chirurgie de masse de cette pathologie, les valeurs moyennes de K et LA obtenues durant la présente enquête.

 

Population et méthodes

Population

Il s’agissait d’une étude observationnelle, transversale et descriptive menée d’avril à septembre 2018 au CHU d’Owendo. Après obtention du consentement éclairé, tous les candidats à la chirurgie de la cataracte, sans distinction de sexe et âgés de plus de 18 ans étaient inclus. A l’inverse, les personnes incapables de maintenir la fixation oculaire, ainsi que celles ayant présenté des cornées irrégulières (mégalocornée, cicatrices, dystrophies) [10,14] et/ou des co-morbidités avec instabilité (hypertension, diabète, insuffisance rénale, cardiopathie majeure) et bilan pré opératoire incomplet n’avaient pas été recrutées.

Ce travail a été effectué selon les recommandations de la déclaration d’éthique d’Helsinki sur l’utilisation des êtres vivants [15].

 

Méthodes d’étude

Recrutement de la population

La population cible concernait toutes les personnes devant bénéficier d’une chirurgie de la cataracte, au cours d’une mission médico-chirurgicale à caractère humanitaire à Libreville, dont la durée était de 6 mois. Les patients étaient consécutivement recrutés au décours d’un examen effectué par un ophtalmologiste en salle de consultation au CHU d’Owendo. Ainsi, une fois le consentement obtenu auprès de chaque participant, ce dernier bénéficiait d’une évaluation ophtalmologique (diagnostic et indications opératoires de la cataracte, dépistage de la mégalocornée, des cicatrices et dystrophies…). Par la suite, les paramètres biométriques oculaires (kératométrie, longueur axiale, avec calcul de la puissance de l’implant intraoculaire) étaient mesurés. Les variables étudiées étaient l’âge, le sexe, la kératométrie (en mm), la longueur axiale (en dioptrie, D) et la puissance de l’implant (en dioptrie, D).

Mesure de la kératométrie

Durant la présente enquête, il a été utilisé un kératomètre automatique (Tomey®, RC-5000TM, USA). La méthode de mesure était celle décrite dans une étude antérieure [14]. Cette technique utilise les quatre points de kératométrie sur les 3 mm centraux de la cornée. Ainsi, la kératométrie (K) exprimée en dioptrie (D) était la moyenne du rayon de courbure cornéen le plus plat (K1) et du rayon le plus cambré (K2). Elle était dite petite pour des valeurs < 42 D, normale (42-46D) et grande > 46 D [16].

Mesure de la longueur axiale

La longueur axiale a été mesurée à l’aide d’un échographe (Tomey®, A/B Scanner and Pachymeter UD-800TM, USA) en mode B. Les patients étaient en décubitus dorsal et devaient fixer un point situé au plafond. Une goutte d’oxybuprocaïne (cébésine®) était instillée dans l’oeil, puis une petite quantité de gel de contact (Aquasonoc®) était appliquée sur la cornée pour positionner la sonde d’échographie. Il était réalisé, une coupe axiale horizontale passant par le sommet de la cornée et de la pupille, puis par les faces antérieure et postérieure du cristallin, et enfin par le pôle postérieur repéré par la papille [16]. Cinq mesures consécutives étaient réalisées. Les valeurs extrêmes n’étaient pas retenues, et la moyenne des valeurs restantes était utilisée pour l’étude. Cette longueur axiale était dite petite (< 22 mm), normale (22-25 mm) et grande (> 25 mm) [17]. Les différentes mesures étaient faites par un orthoptiste expérimenté.

Calcul de la puissance de l’implant de la chambre postérieure (P)

La puissance de l’implant intraoculaire (P) était calculée à partir de la formule SRK (P = A – 2,5 LA – 0,9 K) [10,12]. La méthode de calcul était la suivante, une fois la valeur de la longueur axiale obtenue à l’échographie mode B, la constante A de l’implant fournie par le fabriquant, la valeur de K1 et de K2 obtenues par la kératométrie étaient ensuite introduites dans l’échographe qui procédait automatiquement au calcul de P.

Méthode statistique

L’analyse statistique a été faite à l’aide des logiciels Epi Info 7.2 et SPSS 21.0. Le test de Chi2 non corrigé a été utilisé pour la comparaison des fréquences et des proportions. Les valeurs moyennes de la kératométrie, de la longueur axiale, ainsi que celles de la puissance de l’implant intraoculaire ont été comparées entre les tranches d’âge (<50 ans, [50-60 ans [, [60-70 ans [et ≥70 ans) et entre les deux sexes à l’aide du test de Kruskal-Wallis. Les corrélations entre les paramètres biométriques oculaire et les moyennes d’âge ont été analysées avec le test de Person (p < 0,05). Le choix de la taille de l’échantillon était de convenance.

 

Résultats

Etude descriptive

Au total, sur 1918 personnes opérées de la cataracte, 1196 ont été retenues lors de la présente enquête. Les paramètres descriptifs de la population d’étude ont été résumés dans le tableau I.

Tableau I : Paramètres épidémiologiques, Kératométrie, longueur axiale, puissance de l’implant intraoculaire

aKératométrie moyenne; blongueur axiale moyenne; cpuissance de l’implant intraoculaire moyenne

L’âge moyen était de 68,6 ± 12,1 ans avec des extrêmes d e 2 2 e t 9 3 a ns e t 41% d es personnes avaient plus de 69 ans. Les femmes représentaient 49,3% de l’effectif, soit un sex-ratio de 1. La kératométrie était inférieure à 42D pour 16% d’yeux, et supérieure à 46D pour 5,2%. La longueur axiale était comprise entre 22 et 25D pour chez 89,5% des patients. Elle était inférieure à 22D pour 6,5% de patients. Concernant la puissance de l’implant intraoculaire, les valeurs comprises entre 19 et 21D étaient retrouvées dans 22,3% des cas, alors que celles comprises entre 21 et 23D représentaient 43,5% de cas. Les moyennes, écart-types et extrêmes de la Kératométrie, de la longueur axiale et de la puissance de l’implant intraoculaire de la population d’étude ont été présentés dans le tableau II. La moyenne de la kératométrie était de 43,4± 1,5D (36,7 – 49,5), celle de la longueur axiale de 23,3 ± 0,9 mm (20,7- 29,2), et de la puissance de la lentille intraoculaire de 21,6 ± 2,2D (9 – 30).

Tableau II: Moyennes, Ecart-type, minimum et maximum de la Kératométrie, de la longueur axiale et de la puissance de l’implant intraoculaire

aKératométrie; blongueur axiale; cpuissance de l’implant intraoculaire

 

Etude analytique

Comparaison de la valeur moyenne de la kératométrie (Km), de la longueur axiale (LAm) et de la puissance de l’implant intraoculaire (Pm) en fonction des tranches d’âge

La comparaison des valeurs moyennes de kératométrie, de la longueur axiale et de la puissance de l’implant, en fonction des tranches d’âge est
répertoriée dans le tableau III.

Tableau III : Comparaisons de la valeur moyenne de la kératométrie (Km), la longueur axiale (LAm), la puissance de l’implant intraoculaire (Pm) aux tranches d’âge

aKératométrie moyenne; blongueur axiale moyenne; cpuissance de l’implant intraoculaire moyenne

La moyenne de la longueur axiale était de 23,6 ± 0,9 mm pour les moins de 50 ans, de 23,5 ± 1,0 mm pour les 50-59 ans. Par contre, elle était de 23,3 ± 0,9 mm pour les 60-69 ans et de 23,1 ± 0,9 mm pour les 70 ans et plus (p = 0,0001). Chez les moins de 50 ans, la moyenne de la puissance de l’implant intraoculaire était de 20,6 ± 2,1D, contre 21,1 ± 3,2D pour les 50-59 ans, 21,5 ± 1,9D pour les 60-69 ans et 22,10 ± 2,0D pour les 70 ans et plus (p = 0,0001).

Corrélations entre les valeurs moyennes de la kératométrie (Km), de la longueur axiale (LAm), de la puissance de l’implant intraoculaire (Pm) et la moyenne d’âge
Une corrélation existait entre la LAm (r = -0,174; p = 0 ,0001), l a P m ( r = 0 ,226; p = 0 ,0001) e t l a moyenne d’âge (tableau IV).

Tableau IV: Corrélations de la valeur moyenne de la kératométrie (Km), de la longueur axiale (LAm), de la puissance de l’implant intraoculaire (Pm) à la moyenne d’âge

aKératométrie moyenne; blongueur axiale moyenne; cpuissance de l’implant intraoculaire moyenne

Comparaisons des valeurs moyennes de la kératométrie (Km), de la longueur axiale (LAm), de la puissance de l’implant intraoculaire (Pm) en fonction des deux sexes
Une relation existait entre le sexe et les valeurs moyennes de la kératométrie (hommes 43,8 ± 1,5D ; femmes 43,1 ± 1,5D ; p = 0,0001), de la longueur axiale (hommes 23,0 ± 0,9 mm; femmes 23,6 ± 0,9 mm; p =0,0001) ainsi que de la puissance de l’implant intraoculaire (hommes 22,2 ± 2,3D; femmes 21,0 ± 2,0D; p = 0,0001) (tableau V).

Tableau V : Comparaisons de la valeur moyenne de la kératométrie (Km), de la longueur axiale (LAm), de la puissance de l’implant intraoculaire (Pm) entre les deux sexes

aKératométrie moyenne; blongueur axiale moyenne; cpuissance de l’implant intraoculaire moyenne; dDifférence des moyennes Hommes/Femmes

 

Discussion
Le nombre élevé de personnes non incluses (environ 722) pour causes d’anomalies cornéennes (mégalocornée, cicatrices, dystrophies) [10,14], et/ou de co-morbidités avec instabilité (hypertension, diabète, insuffisance rénale, cardiopathie majeure) et bilan pré opératoire incomplet, a eu comme conséquence, la baisse significative de la taille de l’échantillon.

Etude descriptive
Valeur moyenne de la kératométrie (Km)
La valeur moyenne de la kératométrie (43,4 ± 1,5D) retrouvée durant la présente enquête est similaire à celles obtenues par plusieurs autres auteurs (tableau VI). En effet, dans l’étude faite par Djiguimdé et al, au Burkina Faso [18], cette moyenne est de 43,21 ± 2,03D. De même, dans un échantillon constitué de 6506 personnes (13012 yeux) d’origine portugaise, Ferreira et al rapportent une moyenne de kératométrie de 43,91 ± 1,71D [17]. Par contre, Huang et al, avec un effectif de 6933 personnes d’origine chinoise (6933 yeux), trouvent une moyenne de 44,23 ± 1,66 D, soit 0,83 D de plus que notre valeur [19] Le fait que la puissance cornéenne obtenue par Huang et al soit supérieure à celle d’autres travaux, pourrait être une particularité physiologique en rapport avec l’ethnie, puisque sa mesure automatisée, pratiquée dans ces études est rarement source d’erreur [20].

Tableau VI : Kératométrie, longueur axiale, puissance de l’implant intraoculaire de cette étude, de celle d’Adio, de Djiguimdé, de Ferreira, de Nizamani et de Huang,

aKératométrie moyenne; blongueur axiale moyenne; cpuissance de l’implant intraoculaire moyenne, eBiométrie ultrasonique, fBiométrie optique

Concernant les valeurs extrêmes de la kératométrie, elles représentent plus de 20% de l’effectif d’yeux de ce travail. Peu d’études se sont consacrées à ces valeurs hors normes. Toutefois, Cordelette et al constate que pour cette catégorie d’yeux, la formule SRK est moins précise pour le calcul de la puissance de l’implant intraoculaire comparée à une formule de nouvelle génération. Toutefois, cette conclusion est déduite à partir d’un modeste échantillon d’yeux [16] et nécessite donc d’être confirmé par d’autres travaux avec un échantillon beaucoup plus conséquent. Dans notre contexte, les formules de nouvelle génération sont difficilement applicables à cause du manque de matériel adapté. Il convient donc de sensibiliser les patients présentant des valeurs extrêmes de kératométrie sur la possibilité d’une erreur réfractive en postopératoire.
Valeur moyenne de la longueur axiale (LAm)
En comparant la valeur moyenne de la longueur axiale de cette étude (23,3 ± 0,9 mm) avec les données de la littérature, il en ressort des différences. Pour les populations du Nord du Nigéria (23,57 ± 1,19 mm) [21], du Burkina Faso (22,88 ± 0,9 mm) [18], du Portugal (23,87 ± 1,55 mm) [17] et du Pakistan (22,96 ± 1,04 mm) [22], les valeurs moyennes étaient proches de celle retrouvée dans ce travail. Par contre, elle était plus grande de 1,02 mm (24,32 ± 2,42 mm) pour les populations chinoises [19]. La différence de mensuration constatée avec cette population pourrait avoir plusieurs explications. La première pourrait être en rapport avec le type d’instrument de mesure. En effet, cette étude chinoise a utilisé comme instrument de mesure, le IOL-Master qui est un biométre optique alors que les autres séries, ainsi que la nôtre ont utilisé l’échographie qui est un biométre par ultrason. Ce IOL-Master mesure la distance entre la face antérieure de la cornée et l’interface entre photorécepteurs et épithélium pigmentaire, ce qui correspond à une distance plus longue que celle mesurée par échographie et qui va de la face antérieure de la cornée jusqu’à la papille optique [14, 23, 24]. Une autre explication en rapport avec les instruments de mesure est que la sonde d’échographie exerce une pression sur le globe oculaire, ce qui a comme conséquence l’indentation cornéenne et donc le raccourcissement de la longueur axiale. Enfin, cette différence pourrait être en rapport avec l’ethnie comme cela avait déjà été démontré avec la kératométrie pour la population chinoise.
Concernant les valeurs normatives de la longueur axiale, dans notre étude, un patient sur 10 a une valeur hors norme. D’après Huang et al, 13,66% des yeux, ont une mesure au-delà de 26,5 mm [19].  Ferreira et al par contre rapportent que 8,9% d’yeux de leur série ont plus de 26 mm de longueur axiale, et 7 ,4 % m oins d e 2 2 m m [ 17]. C es v aleurs hors normes de la longueur axiale sont intéressantes à connaitre dans une population d’opérés de la cataracte car elles permettent d’adapter la formule de calcul de la puissance de l’implant intraoculaire. En effet, Sheard et al démontrent qu’aux extrêmes de la longueur axiale, la formule SRK est moins précise pour ce calcul [24]. Ces yeux hors normes sont sources d’erreur de calcul d’implant intraoculaire et donc responsables de mauvais résultats réfractifs en postopératoire [25]. Toutefois, les auteurs de formules modernes ont proposés de nombreuses méthodes pour améliorer ce calcul [13]. Cependant, il n’existe actuellement aucun consensus.
Il convient donc, comme pour la kératométrie, dans notre contexte de sensibiliser les patients présentant des valeurs extrêmes de longueur axiale, sur la possibilité d’une erreur réfractive en postopératoire susceptible d’être corrigé par des verres correcteurs.

Puissance de l’implant intraoculaire
La moyenne de la puissance de l’implant intraoculaire (21,6 ± 2,2D) de ce travail est superposable à celle retrouvée par Nizamani et al (21,10 ± 2,50D) [22], et Adio et al (21,34D) [21]. Toutefois, au Burkina Faso, Djiguimdé et al retrouvent une puissance plus élevée, de 23,11D [18], soit une différence de 1,5D avec nos résultats. Cet écart pourrait être en rapport avec l’ethnicité ou avec des erreurs de calcul de la puissance de l’implant, d’autant plus que les moyennes de la kératométrie et de la longueur axiale de cette population sont proches de celles de notre étude.

Etude analytique
Comparaison de la valeur moyenne de la kératométrie (Km), de la longueur axiale (LAm), et de la puissance de l’implant intraoculaire (Pm) aux tranches d’âge et leur corrélation à la moyenne d’âge
La présente étude montre que la longueur axiale a tendance à diminuer avec l’âge, comme indiqué dans L’étude transversale de chine [19]. En effet, cette augmentation de la puissance réfractive est reflétée dans ce travail par une augmentation de la puissance de l’implant intraoculaire avec l’âge. Toutefois, le caractère transversal de cette étude ne permet pas d’expliquer pourquoi la LA diminue avec l’âge. Contrairement à la kératométrie, la longueur axiale semble donc la mesure déterminante du calcul de la puissance de l’implant intraoculaire.

Corrélations entre les valeurs moyennes de la kératométrie (Km), de la longueur axiale (LAm), de la puissance de l’implant intraoculaire (Pm) et la moyenne l’âge
Une corrélation existe entre la LAm, la Pm et la moyenne d’âge. Nos résultats concordent avec ceux de Huang et al [19]. Dans cette étude, les auteurs retrouvent une relation entre les paramètres biométriques et les tranches d’âge entre les deux sexes. En effet, chez la femme, plus l’âge est avancé, plus les valeurs moyennes des paramètres biométriques oculaires diminuent. Par ailleurs, chez les femmes, cette baisse est toujours plus importante quel que soit la tranche d’âge.
Comparaison de la valeur moyenne de la kératométrie (Km), de la longueur axiale (LAm), de la puissance de l’implant intraoculaire (Pm) entre les deux sexes
Les paramètres biométriques oculaires varient en fonction du sexe. En ce qui concerne la kératométrie, sa moyenne est significativement plus élevée chez la population masculine de cette étude. Le sexe influence également la valeur moyenne de la kératométrie dans l’étude de Fanny et al, (hommes 43,46 ± 1,45D; femmes 43,99 ± 1,62D) [26], de Djiguimdé et al (hommes 42,85 ± 2D ; femmes 43,58 ± 2D) [18] et de Huang et al (hommes 43,87 ± 1,65D; femmes 44,56 ± 1,61D) [19]. La seule différence étant que cette moyenne est plus élevée chez la population féminine de ces études. Cette contradiction pourrait être une particularité de la population gabonaise puisqu’au niveau méthodologique, le ratio homme/femme est respecté dans les différentes études.
Pour ce qui est de la longueur axiale, les yeux des femmes sont plus longs de 0,6 mm que ceux des hommes dans ce travail. D’autres auteurs par contre ont affirmé le contraire, notamment, Fanny et al (hommes = 23,26 ± 1,07D; femmes = 22,56 ± 0,90D ; p = 0,00) [27], Djiguimdé et al (hommes = 23,14 ± 0,99D ; femmes = 22,61 ± 0,68D) [18], Huang et al (hommes = 24,79 ± 2,48D ; femmes = 23,88 ± 2,27D ; p = 0,001) [19] et Ferreira et al (hommes = 23,99 ± 1,47; femmes = 23,68 ± 1,46D ; p = 0,001) [17].
Les implants intraoculaires des sujets masculins de ce travail sont plus puissant de 1,2D comparé à ceux des femmes, alors que pour Djiguimdé et al, les femmes ont 0,94D de plus que les hommes [18]. Cette différence concorde avec les valeurs de la kératométrie et de la longueur axiale de ces deux études.

 

Conclusion
Cette étude permet d’avoir des données sur la kératométrie, la longueur axiale et la puissance des implants intraoculaires chez les candidats à la chirurgie de la cataracte au Gabon. Elle retrouve une relation entre le sexe, la kératométrie, la longueur axiale et la puissance de l’implant intraoculaire. Les valeurs des différents paramètres étudiés dans cette enquête serviront de référence lors des campagnes de chirurgie de la cataracte dans notre pays. Ces données doivent permettre une gestion hospitalière adéquate des stocks de consommables en implant intraoculaire.

 

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