Obame R¹, Sima Olé B², Mandji Lawson J .M³, Essola L³, Sagbo Ada L.V¹, Diundu-Di-Kombile E. A¹, Nzoghé Nguema P¹, Sima Zué A³
(¹) Service d’anesthésie- réanimation – Centre Hospitalier Universitaire d’Owendo
(²) Service de Gynéco-Obstétrique – Centre Hospitalier Universitaire d’Owendo
(³) Département d’anesthésie-réanimation et urgences –Faculté de Médecine de Libreville
Auteur correspondant :
Docteur Obame Ervais Richard ; BP 2990 ; Email : obame_ozer2005@yahoo.fr; Tél : 00241 02061924
Résumé
Introduction : La prise en charge de la douleur des césariennes est souvent assurée par une analgésie multimodale.
Objectifs : évaluer l’apport des blocs de la paroi abdominale dans la prise en charge de la douleur de la césarisée et sa place dans la réhabilitation post opératoire.
Matériels et Méthodes : étude prospective et descriptive réalisée du 1er juin au 31 août 2016 au Centre Hospitalier Universitaire d’Owendo (CHUO). Seules les césariennes programmées, en urgences relatives et sous rachianesthésies étaient incluses. Le protocole analgésique était multimodale, débutée par la réalisation des blocs de la paroi abdominale associée à une analgésie intraveineuse. Les variables d’études étaient l’âge, l’évaluation de l’intensité de la douleur au repos et à la mobilisation (EVS).
Résultats : Durant cette période, 51 patientes (46% des cas) ont été incluses. La moyenne d’âge était de 29,51 ± 5,7 ans. Le bloc ilio inguinal ilio hypogastrique était le plus pratiqué chez les patientes. 88 % des patientes (n=45) avaient un EVS à 0 au repos dans les 6 premières heures post opératoire, 69 % à la 48ième heure (n=35), et 90 % à la 72ième heure post opératoire (n=46). A la mobilisation l’EVS était constamment inférieure à 2 chez la majorité des patientes. 62,5% parturientes avaient repris la marche pendant les douze premières heures.
Conclusion : Les blocs de la paroi abdominale apparaissent comme une bonne alternative pour le versant pariétal de la douleur de la césarienne. Ainsi, une analgésie multimodale efficace favorise une autonomisation rapide de la patiente.
Mots clés : Blocs abdominaux, analgésie multimodale, césarienne, réhabilitation
Summary
Introduction: Caesarean section pain management is often provided by multimodal analgesia.
Objectives: evaluate the contribution of the blocks of the abdominal wall in pain management of the course and its place in the post-operative rehabilitation.
Materials and methods: prospective and descriptive study conducted from June 1 to August 31, 2016 at Owendo University (CHUO) hospital. Only scheduled Caesareans, emergency and under anaesthesia were included. The analgesic Protocol was multimodal, started with the realization of the abdominal wall associated with intravenous analgesia blocks. Study variables were age, the assessment of the intensity of pain at rest and mobilization (EVS).
Results: During this period, 51 patients (46% of cases) were included. The average age was 29.51 ± 5.7 years. The block ilio inguinal, hypogastric ilio was more convenient for patients. 88% of patients (n = 45) had an EVS at 0 to rest within the first 6 hours post-surgery, 69% at the 48th time (n = 35), and 90% to the 72ieme time postsurgery (n = 46). Mobilizing the EVS was constantly less than 2 in the majority of patients. 62.5% parturient had
recaptured the market during the first 12 hours.
Conclusion: Blocks of the abdominal wall appear as a good alternative to the parietal side of the pain of the Csection. Thus, effective multimodal analgesia promotes quick empowerment of the patient.
Key words: abdominal blocks, cesarean, multimodal analgesia, rehabilitation
Introduction
La douleur post opératoire est une douleur aigüe évoquée par des stimulations nociceptives de l’organisme. Ces stimulations nociceptives ont en commun de menacer l’intégrité du corps et de déclencher des réponses comportementales et reflexes variées (somatiques ou végétatives) généralement associées à des sensations douloureuses [1].
Après plus de deux décennies, la lutte contre la douleur post opératoire est un sujet d’actualité traité dans le monde entier. Le niveau de l’état d’avancement de cette lutte varie cependant d’une région à une autre. La prise en charge de la douleur des césariennes est souvent assurée par une analgésie multimodale [2]. Ce concept est d’autant plus important que les effets secondaires doivent être limités au maximum afin que la parturiente puisse s’occuper le plus rapidement possible de son nouveau-né, le tout dans des conditions optimales.
L’objectif de ce travail est d’évaluer l’apport des blocs de la paroi abdominale dans la prise en charge antalgique multimodale de la douleur de la césarisée et sa place dans le concept de la réhabilitation post opératoire.
Matériels et méthodes
Il s’agissait d’une étude prospective et descriptive réalisée sur une période de 3 mois, allant du 1er juin au 31 août 2016. Elle a été réalisée conjointement dans les services de gynécologie-obstétrique et d’anesthésie –réanimation du Centre Hospitalier Universitaire d’Owendo (CHUO). Toutes les césariennes programmées, les césariennes en urgences relatives (délai de réalisation pouvant attendre les 10 à 30 minutes) et réalisées sous rachianesthésies étaient incluses. L’inclusion des patientes se déroulait lors de la consultation pré anesthésique pour les césariennes programmées, et en salle de surveillance post interventionnelle (SSPI) pour les urgences relatives. Les critères de non inclusion étaient constitués par les césariennes réalisées en urgence absolue, les césariennes sous anesthésie générale, les césariennes entre 24h et 4h du matin et le refus des patientes de participer à l’étude. Le protocole analgésique était multimodal, associant un bloc de la paroi abdominale à une analgésie systémique. La réalisation des blocs de la paroi abdominale (soit le bloc ilio inguinal ilio hypogastrique seul ou associé au bloc para-ombilical dans les incisions médianes, soit le TAP Block) s’effectuait après la césarienne. Les blocs ilio inguinal ilio hypogastrique (BIII) et para ombilical ont été réalisés selon la technique de Bassoul [3], le TAP Block selon la technique de RAFI [4] à l’aide d’une aiguille de type locoplex de 50 mm et en utilisant la bupivacaine à 0,25% à raison de 10 ml de à chaque site de ponction. L’analgésie systémique comprenait du Paracétamol 1g, du Kétoprofène 100mg (à diluer dans 100ml de SS 0,9%) en perfusion de 15 à 30 minutes. Le Néfopam 20mg y était associé dans les cas de contre-indications aux AINS et si EVS ≥ 2. En maternité, l’analgésie se poursuivait avec du Paracétamol 1g toutes les 6 heures et du Kétoprofène 50mg toutes les 6 heures.
Les variables d’études étaient l’âge, les antécédents de césarienne, les indications des césariennes, le type d’intervention, la classification ASA, l’évaluation toutes les 6 heures de l’intensité de la douleur au repos et à la mobilisation (EVS) et la mobilisation précoce. Le masque de saisie a été fait avec le logiciel Microsoft Word. Le protocole a nécessité l’obtention du consentement éclairé des participantes et l’accord du comité d’éthique local.
Résultats
Durant la période d’étude, 111 patientes avaient bénéficié d’une césarienne sur un total de 546 accouchements soit 20% des accouchements. Parmi elles, 51 patientes (46% des cas) ont été incluses. La moyenne d’âge des parturientes était de 29,51 ± 5,7 ans. Les extrêmes étaient de 16 ans et 41 ans. Plus de la moitié de la population étudiée : 64,7% (n=33) n’avait jamais bénéficié de césarienne auparavant. Cependant 35,3% (n=18) avait des antécédents de césarienne. La majorité des patientes (88,2 %) était classée ASA 1 et seul une patiente (2%) était ASA3. Les indications de césarienne les plus fréquentes étaient la macrosomie foetale (25,5%) suivi de la souffrance foetale aigue avec 21,6% des cas (TableauI).
Tableau I : Répartition des patientes en fonction des indications de césarienne
Indications de Césarienne | Effectif | Pourcentage(%) |
---|---|---|
Macrosomie foetale | 13 | 25,5 |
Souffrance foetale aigue (SFA) | 11 | 21,6 |
Position vicieuse | 8 | 15,7 |
Bassin rétrécit | 7 | 13,7 |
Utérus cicatriciel | 6 | 11,8 |
pré éclampsie | 3 | 5,9 |
post terme | 1 | 2,0 |
retard de croissance | 1 | 2,0 |
dystocie cervicale | 1 | 2,0 |
Total | 51 | 100,0 |
Figure 1: Répartition des blocs analgésiques de la paroi abdominale en fonction des pourcentages de patientes.
Par ailleurs 88 % des patientes (n=45) avaient un EVS à 0 au repos dans les 6 premières heures post opératoire, 69 % à la 48ième heure (n=35), et 90% à la 72ième heure post opératoire (n=46). Une EVS > 2 était notée à partir de la douzième heure postopératoire et cette douleur modérée à sévère persistait jusqu’à la quarante et huitième heure postopératoire chez 6% des patientes (n=3) (figure2).
Figure 2: EVS des patientes au repos en fonction des tranches horaires
A la mobilisation l’EVS était constamment inférieure à 2 chez la majorité des patientes. Avec 87 % des patientes (n=44) à la 6ième heure, 64% (n=33)
à la 12ième heure, 58% (n=30) à la 18ième heure, 76 % à la 24ième heure (n=39) et 100% des patientes (n=51) jusqu’à la 72ieme heure post pératoire. Des EVS=3 étaient retrouvés à la 12ème heure post opératoire chez 8 patientes (17%), mais également à la 18eme heure chez 5 patientes (9,8%) et à la 24eme heure, chez 4 patientes (7,8%) (Figure 3).
Figure 3 : EVS à la mobilisation des patientes en fonction des tranches horaires
Dès les six premières heures après le lever du bloc moteur, nous observions que 62,7% de la population étudiée arrivait à se mettre en position assise. La reprise de la marche avait été notée chez plus de la moitié de nos parturientes (62,5%) pendant les douze premières heures. Seules trois patientes (5,1%) avaient repris la marche après la 24ième heure post opératoire (tableau VIII).
Discussion
Les douleurs post opératoires, dans le cadre de la césarienne, ont une double origine : une pariétale (liée à la cicatrice de la paroi abdominale) et une autre viscérale (liée aux contractions utérines). Cette double origine explique le recours non seulement aux blocs de la paroi abdominale qui ont un effet bénéfique sur les douleurs pariétales, mais également aux antalgiques par voie générale qui eux, agissent en plus sur les contractions utérines. Il s’agit ici d’une prise en charge multimodale de cette douleur post opératoire [5]. Ce concept est d’autant plus important que les effets secondaires doivent être limités au maximum afin que la parturiente puisse s’occuper le plus rapidement possible de son nouveau-né, le tout dans des conditions optimales. Cette importance est liée à leur action synergique et non additive. Elle favorise une utilisation optimale de chaque produit tout en limitant les effetsindésirables de chacun. La morphine en intrathécale représente encore à nos jours, la référence pour l’analgésie, car cette technique procure une analgésie de bonne qualité (réduction des EVA supérieur à 50% pendant environ 12-24 heures), en particulier lorsque sont associés d’autres antalgiques (AINS notamment) [6] ; elle est , cependant contraignante, avec risque d’apparition des effets indésirables (prurit, nausées, vomissements, dépression respiratoire, rétention urinaire) pouvant handicaper un protocole de réhabilitation post opératoire [6]. Les autres antalgiques par voie parentérale, utilisés dans cette étude, potentialisent et prennent par la suite le relai des blocs abdominaux lorsque l’effet analgésique des anesthésiques locaux est épuisé. L’efficacité de cette association explique l’absence de douleurs (EVS=0) au repos chez 88 % des patientes et chez 71% des patientes à la mobilisation à partir de la 6ème heure post opératoire après épuisement de l’effet analgésique de la rachianesthésie. Seules 10% de patientes au repos et 16 % à la mobilisation décrivaient des douleurs faibles (EVS= 1) pendant la même période. Ces résultats s’expliquent par l’effet bénéfique des blocs de la paroi abdominale avec l’usage de la bupivacaine. En effet, la bupivacaine, procure une analgésie de plus longue durée (12 à 15h). L’efficacité analgésique de la bupivacaine a été constaté jusqu’à la 12ième heure postopératoire chez 79% des patientes au repos avec des EVS à 0 et 1. Ces résultats confirment ainsi les données de la littérature sur la pharmacocinétique de la bupivacaine où la durée d’action est de 12 à15 heures [7, 8]. L’efficacité des blocs de la paroi abdominale dans l’analgésie de la césarienne a aussi été démontrée par d’autres auteurs. Une étude comparant l’efficacité du TAP Block bilatéral à celle de la morphine intrathécale, conclue que les scores de la douleur viscérale sont plus faibles au cours des quatre premières heures, ainsi que le délai avant recours aux antalgiques classiques qui est plus long chez les patientes ayant bénéficié du TAP Block [9].
Dans une autre étude, Sharkey et al. ont démontré la réduction des scores de douleur au repos jusqu’à la 12ème heure post opératoire et au mouvement jusqu’à la 6ème heure, ainsi qu’une épargne morphinique jusqu’à la 48ème heure post opératoire dans l’analgésie de la césarienne par TAP Block [10].
Enfin le BIII, plus pratiqué dans notre étude, est une alternative séduisante au TAP Block ou aux infiltrations de cicatrices de césarienne [11]. Nous avons constaté des douleurs sévères à la mobilisation chez 16% des patientes à la 12ème heure postopératoire. Une explication pourrait être la probabilité d’échec lors de la réalisation des blocs de la paroi abdominale et/ou l’épuisement des effets pharmacologiques des anesthésiques locaux. En effet, La réalisation de ces blocs analgésiques dans cette étude avait été faite à l’aveugle. Dans ce cas, ces techniques d’analgésie reposent sur des repères de surface et sur des perceptions de pertes de résistance dont l’obtention parfois aléatoire entraîne un nombre d’échecs importants. Une étude a montré qu’après un BIII sans repérage échographique, une mauvaise localisation de l’anesthésique local est objectivée dans 86 %, associée à un échec d’analgésie dans 45 % des cas [12]. Ces échecs, bien que faible dans cette étude, montre la nécessité d’un recours à l’échoguidage. L’échoguidage permet, en effet, de vérifier la bonne position de l’aiguille, objective, contrôle, réajuste en temps réel le lieu d’injection du volume d’anesthésique et garantit le succès du bloc. Nos résultats montrent, durant le séjour hospitalier, les scores de douleur faibles pour la majorité des parturientes au repos et à la mobilisation. Il est ainsi possible, d’affirmer que la prise en charge post opératoire de la douleur était adaptée à ces patientes. Quant à la mobilisation, nos résultats sont similaires à ceux de Malhotra et al. dans leur étude de 2005 concernant la position assise, mais plus court concernant la déambulation [13]. En effet, ceux-ci montraient que les patientes allaient au fauteuil de manière significativement plus précoce (6 heures) et déambulaient plus rapidement (15 heures). De plus selon cette étude, la douleur au repos ou à la mobilisation était en grande majorité absente ou faible pendant les 24 premières heures. Ces résultats prouvent que la prise en charge antalgique était efficace et favorisait une mobilisation peu algique, ainsi qu’un lever précoce. Tout ceci pouvant concourir à une autonomisation ou à une réhabilitation précoce des patientes.
Conclusion
La douleur post césarienne de part de sa double origine (viscérale et pariétale) nécessite une prise en charge analgésique multimodale efficace. Cette efficacité doit se vérifier aussi bien au repos qu’à la mobilisation. Les blocs analgésiques de la paroi abdominale apparaissent en ce sens comme une bonne alternative pour le versant pariétal de celle-ci contribuant ainsi à une mobilisation précoce donc une autonomisation rapide de la patiente.
PARTICIPATIONS DES AUTEURS
Sima Zué A et Nzoghé Nguema P : approbation du manuscrit ; Mandji Lawson J .M : révision et correction critique du manuscrit ; Obame R : élaboration du protocole, analyse des données et rédaction du manuscrit ; Mandji Lawson J .M: rédaction du manuscrit ; Essola L : rédaction du manuscrit ; Diundu-Di-Kombile E. A : collection et analyse des données ; Sagbo Ada L.V : collection et analyse des données
Références
2- Palmer CM, Emersons, Volgoropolous D, Alves D. Dose-response relation ship of intrathécal morphine for Post cesarean analgesia. Anesthesiology.1999; 90(2): 437-44.
3- World Medical Association. Declaration of Helsinki. Ethical principales for medical research involving human beinb subjects; Helsinki 2004
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5- Diemunsch P, Pottecher J, Noll E. Rachianesthésie pour césarienne. In: Anesthésie-Réanimation obstétricale. Paris: Masson.2009 ; 104-105.
6- Wyniecki A, Tecsy M, Benhamou D. La césarienne : une intervention qui doit maintenant bénéficier d’un concept de réhabilitation postopératoire. Pratan 2010;14:375-382.
7- Dalens B, Ecoffey C, Joly A, et al. Pharmacokinetics and analgesic effect of ropivacaine following ilioinguinal/ siliohypogastric nerve bloc in children. Paediatr Anaesth 2001;11:415-20
9- Ducarme G, Sillou S, Wernet A et al. Intérêt de l’instillation pariétale unique de ropivacaine dans la prévention des douleurs après césarienne. In. Gynécologie Obstétrique et Fertilité. Elsevier Masson 2012 ; 40 :
10- Kanazi GE, Aouad MT, Abdallah FW et al. The analgesic efficacy of subarachnoid morphine in comparison with ultrasoundguided transverses abdominis plane block after cesarean delivery: a randomized controlled trial. Anesth Analg 2010; 111:475-81.
11- Wallois M. Prise en charge de la douleur après césarienne sous anesthésie locorégionale. Pratan 2015;19:28-33.
12- Lassere Sartre A. Les blocs de la paroi abdominale. JARCA 2015 : 24 : 1-9.
13- Malhotra N, Khanna S, Pasrija S, Jain M, Agarwala RB. Early oral hydratation and its impacton bowel activity after elective caesarean section-Our experience. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2005; 120: 53-6.