INCIDENCE ET FACTEURS DE RISQUE DU TETANOS NEONATAL EN MILIEU RURAL CENTRAFRICAIN

Tekpa Gaspard2,3, Sepou Yanza Marie Christine Awa1,3, Longo Jean De Dieu3, Inikoutiyo Mbolimonguipaïfere
Jules2, Bogning Mejiozem Brice Olivier1, Kobalo Gbalombe Ninon Narcisse1, Gaspiet-Sonny Vanessa-Iris1, Gody Jean Chrysostome1,3.

1. Centre Hospitalo-universitaire Pédiatrique de Bangui (RCA)
2. Service des maladies infectieuses, CHU de l’Amitié, Bangui (RCA)
3. Faculté des sciences de la santé, Université de Bangui.

Auteur correspondant : Marie Christine Awa Sepou Yanza, CHU pédiatrique de Bangui, Bangui, Centrafrique.
Téléphone : (+236)75505886, Email : sepouyanzamarie@yahoo.fr ou sepouawa@yahoo.fr

 

Résumé

Objectif : Décrire le profil épidémiologique et clinique du tétanos néonatal et identifier les facteurs de risque.
Méthodologie : Il s’agissait d’une étude cas-témoins portant sur les nouveau-nés atteints du tétanos ou non (témoins), réalisée entre 2012 et 2017 à l’hôpital de district de Carnot. Un questionnaire a permis de collecter les données sociodémographiques et cliniques qui ont été saisies et analysées sur Epi info. Le test de chi-carré a servi à comparer les proportions au seuil de significativité 5%.
Résultats : Au total, 332 nouveau-nés ont été inclus dont 166 cas de TN et 166 témoins. L’âge moyen était de 7,8 ±3,6 jours. L’incidence du TN était de 2,7 à 5,2 cas pour 1000 naissances vivantes. La fréquence hospitalière était de 7,5% et celle du tétanos de classe 3 selon le score de Dakar a été de 62,4%, le taux de létalité de 54%. Les facteurs de risque de TN étaient: le sexe masculin (p=0,00), le bas niveau d’instruction des mères (p=0,001), l’éloignement de l’hôpital (p=0,000), la primiparité (p=0,000), un faible nombre de consultations prénatales (p=0,000) et de doses de vaccin antitétanique (p=0,000), l’accouchement à domicile (p=0,000), l’accouchement par un personnel non qualifié (p=0,000), la section septique du cordon ombilical (p=0,000), l’absence de pansement du cordon (p=0,000) et un pansement septique (p=0,024).
Conclusion : En Centrafrique, l’incidence du tétanos néonatal reste élevée et les facteurs de risque multiples. Des mesures efficaces de promotion de la santé peuvent contribuer à l’élimination de cette maladie.

Mots clés : Tétanos néonatal, épidémiologie, clinique, milieu rural, Centrafrique.

Abstract
Objective: To describe the epidemiological and clinical profile of neonatal tetanus and identify the risk factors.
Methodology: This was a case-control study of neonates with or without tetanus (controls) carried out between 2012 and 2017 at the Carnot district hospital. A questionnaire made it possible to collect the socio-demographic and clinical data which were entered and analyzed on Epi info. The chi-square test was used to compare the proportions at the 5% significance level.
Results: A total of 332 newborns were included, including 166 cases of TN and 166 controls. The mean age was 7.77 ± 3.63 days. The incidence of TN was 2.7 to 5.2 cases per 1,000 live births. The hospital frequency was 7.5% and that of class 3 tetanus according to the Dakar score was 62.40% and the fatality rate was 54%. The risk factors for TN were: male (p = 0.00); mothers' low level of education (p = 0.001); the distance from the hospital (p =0,000); primiparity (p = 0.000); low number of prenatal consultations (p = 0.000) and doses of tetanus vaccine (p= 0.000), home birth (p = 0.000), delivery by unqualified personnel (p = 0.000); the septic section of the umbilical cord (p = 0.000), the absence of a cord dressing (p = 0.000) and a septic dressing (p = 0.024).
Conclusion: In the Central African Republic, the incidence of neonatal tetanus remains high and the risk factors are multiple. Effective health promotion measures can contribute to the elimination of this disease.

Keywords: Neonatal tetanus, epidemiology, clinic, rural environment, Central African Republic.

 

Introduction
Le tétanos est une maladie infectieuse non transmissible due à l’action d’une toxine secrétée par le bacille tellurique appelé Clostridium tetani, présent à l’état naturel dans le sol et les excréments des animaux. Maladie à déclaration obligatoire et éliminée dans beaucoup de pays au monde, le tétanos reste un grave problème de santé publique dans les pays en voie de développement et surtout en Afrique touchant 0,7 à 1 million de personnes par an dont le tétanos néonatal (TN) représente la forme la plus observée [1-4]. Etant inscrit dans le quatrième objectif du millénaire pour le développement (OMD) pour une élimination à l’horizon 2015, décision prise lors de l’assemblé mondiale de la santé en 1989 puis réactualisée en 2001, le TN n’est pas éliminé dans beaucoup de pays, surtout en Afrique. Il est considéré comme éliminé dans un pays lorsqu’on en dénombre moins d’un cas par an pour 1000 naissances vivantes dans chacun des districts de ce pays. Pour l’éliminer, il faut l’administration de vaccin antitétanique (VAT) aux femmes enceintes lors des consultations prénatales (CPN) et aux femmes en âge de procréer pendant les stratégies mobiles, tout en ayant la couverture vaccinale nationale pour au moins deux doses de VAT (VAT 2+) supérieure ou égale à 80%, promouvoir l’hygiène lors de l’accouchement puis assurer une bonne surveillance épidémiologique [1,5,6]. La République centrafricaine, pays à ressources limitées a une couverture vaccinale en VAT2+ qui est passée de 50% en 2000 à 63% en 2016 dont 47% se trouvent en milieu rural. Parmi les problèmes qui entretiennent cette faible couverture vaccinale se trouve l’insécurité [6,7]. Le tétanos néonatal fait partie des principales causes de morbidité et de mortalité en milieu pédiatrique africain. L’analyse d’une étude hospitalière et de l’enquête MICS4 a montré que la mortalité néonatale reste élevée. Elle a été rapportée en 2004 à 47,9% au complexe pédiatrique de Bangui tandis que la mortalité infanto juvénile était de 126‰ en milieu rural en 2010 [8,9].
Ce travail a été réalisé à partir de l’hypothèse selon laquelle la survenue du tétanos néonatal en milieu rural en République Centrafricaine serait multifactorielle. L’objectif de notre étude était de décrire l’incidence du tétanos néonatal et identifier les principaux facteurs de risque en milieu rural centrafricain afin d’améliorer les stratégies de lutte contre cette maladie.

 

Méthodologie

Nous avons réalisé l’étude dans le service de pédiatrie de l’hôpital de district de Carnot-Gazi, situé à environ 500 kilomètres dans le sud-ouest de la République centrafricaine. Il s’agissait d’une étude cas-témoins, non appariée, qui a couvert la période allant du 1er janvier 2012 au 30 octobre 2017 avec une proportion d’un cas pour un témoin. La population d’étude était constituée de tout nouveauné (âgé d’un à vingt-huit jours), hospitalisé en néonatologie pendant la période d’étude. L’échantillonnage a été exhaustif prenant tous les cas de tétanos néonatal admis en hospitalisation pendant la période d’étude. Les témoins ont été sélectionnés par tirage aléatoire simple à partir des dossiers médicaux. Les cas étaient les nouveau-nés atteints du tétanos selon les critères de l’OMS qui définissent le tétanos néonatal comme une maladie survenant chez un nouveau-né qui pleure et tète normalement au cours des deux premiers jours de vie, mais qui perd cette capacité entre le troisième et le vingt huitième jour de vie et devient raide ou présente des spasmes. Les témoins étaient les nouveau-nés suivis en hospitalisation durant la période de l’étude et qui n’avaient pas présenté des signes cliniques évoquant le tétanos. L’incidence du tétanos néonatal a été évaluée à partir du nombre de cas annuels enregistrés et de la taille de la population du district sanitaire selon la formule suivante : incidence annuelle du TN = (nombre de cas de TN/nombre de naissances vivantes) x1000.
La variable dépendante était la survenue du tétanos néonatal et les variables indépendantes étaient les caractéristiques sociodémographiques des nouveaunés (sexe, âge), des accouchées (âge, état civil, résidence, niveau d’instruction, profession), les paramètres cliniques des accouchées (parité, le nombre des CPN et de doses de VAT), les pratiques de soins liées à l’accouchement (lieu d’accouchement, le mode de section et de pansement du cordon ombilical, la qualification de l’accoucheur) et l’évolution du TN. Les données ont été recueillies à l’aide d’un questionnaire anonyme à partir des dossiers médicaux. Les informations recueillies sur les dossiers des malades sont collectées à l’aide de la fiche d’enquête, saisies à l’aide du logiciel Word et Excel et analysées à l’aide de logiciel Epi Info version 7. Pour la comparaison des proportions, nous avons utilisés le test de chi carré au seuil de significativité de 5%. Une correction de Haldane Anscombe a été réalisée quand une valeur était égale à zéro.

 

Résultats

Caractéristiques générales de la population d’étude
Nous avons en tout inclus 332 nouveau-nés, répartis en 166 cas et 166 témoins. Il y’avait 154 garçons (46,4%) donnant un sex-ratio de 0,8. Ce sex-ratio était de 1,30 chez les cas contre 0,6 chez les témoins. L’âge moyen était de 7,8±3,6 jours chez les cas (médiane = 7 jours [3 ; 28]) et de 5,3±4,7 jours chez les témoins (médiane=5 jours [1;26]). Les nouveaunés de moins de 8 jours représentaient 66,3% de l’effectif total, soit 62,0% des cas, et 76,5% pour le groupe témoin [tableau I]. L’accouchement a eu lieu à domicile dans 79,2%. Cette fréquence a été de 100% chez les mères des nouveau-nés atteints de tétanos néonatal contre 58,4% chez celles dont les enfants n’ont pas présenté de tétanos. L’âge médian des mères dans notre série était de 21 ans avec des extrêmes variant entre [14-40] ans. La moyenne d’âge des mères chez les cas était de 23±6 ans versus 23±5 ans pour les mères des témoins sans différence significative (p=0,54). Les mères adolescentes et jeunes (moins de 25 ans) représentaient 67,2%, avec des proportions de 71,1% et 63,3%, respectivement chez les cas et les témoins. Environ quatre femmes sur cinq (79,8%) étaient des ménagères, suivies des élèves (9,3%) et des femmes commerçantes (6,3%).
Dans 70,5% des cas, les mères n’étaient pas scolarisées. Elles résidaient dans 48,8% des cas à plus de 10 km de l’hôpital. La proportion des mères qui avaient bénéficié d’au moins deux CPN était 2,4% (4/165) chez les mères des cas contre 10,2% (17/163) pour celle des témoins. Dans l’ensemble, les mères étaient des paucipares (64,8%). La proportion des paucipares était de 75,3% chez les mères des cas TN et de 54,2% pour les mères des témoins. L’usage de matériel septique pour la section du cordon ombilical a été enregistré 97 fois (58,4%) chez les cas tandis que chez les témoins, cette pratique n’a pas été notée. Le tétanos néonatal a été observé dans 97,4% des cas au cours des 14 premiers jours de la vie.

Tableau I : Répartition par tranche d’âge des nouveau-nés hospitalisés entre 2012-2017 à l’hôpital de district de Carnot-Gadzi.

 

Évolution de l’incidence annuelle du tétanos néonatal et de sa fréquence hospitalière Entre le 1er janvier 2012 et le 30 décembre 2017, l’incidence du tétanos néonatal a subi une augmentation, passant de 2,7 cas annuels en 2012 à 5,19 cas pour 1000 naissances vivantes en 2017 (figure 1).

 

Figure 1. Evolution de l’incidence annuelle du tétanos chez les nouveau-nés admis entre 2012-2017 à l’hôpital de district de Carnot-Gadzi (N =166).

Sur un total de 2228 nouveaux admis en hospitalisation durant la période de l’étude, 166 cas de tétanos néonatal ont été enregistrés, soit une fréquence hospitalière de 7,5%. Au cours de la période d’étude, cette fréquence a varié de 5,6% en 2012 à 9,7% en 2017 (Figure 2).

 

Figure 2. Fréquence hospitalière du tétanos chez les nouveau-nés admis entre 2012-2017

Facteurs de risque de tétanos néonatal
Les facteurs de risque associés à la survenue du TNN étaient i) les caractéristiques du nouveau-né, ii) celles de la mère (âge maternel inférieur à 30 ans, primiparité, nombre de CPN inférieur à 2, nombre de doses de vaccin antitétanique inférieur à 2, absence de scolarisation, lieu de résidence à plus de 10 km de la maternité, et iii) les pratiques de soins (accouchement à domicile, accouchement par une personne non qualifiée, section du cordon ombilical par du matériel septique, absence de pansement du cordon ombilical (Tableau II et Tableau III).

Tableau II. Relation entre la survenue du tétanos néonatal et les caractéristiques de la mère et du nouveau-né

 

Tableau III. Relation entre les pratiques de soins liées à l’accouchement et la survenue du tétanos néonat

 

Discussion

Les données sur la fréquence du tétanos du nouveau-né sont peu disponibles dans le contexte centrafricain. Souvent les cas de tétanos néonatal sont rapportés dans le cadre du système d’information sanitaire sans une description précise.
À travers ce travail, nous avons pu à partir des données d’un hôpital de district en milieu rural, évaluer l’incidence de la maladie et les différents facteurs associés à sa survenue. Nos résultats montrent que le tétanos reste une pathologie fréquente du nouveau-né en zone rurale centrafricaine. Son incidence est encore largement supérieure au seuil d’élimination de la maladie tel que fixé par l’OMS. S’agissant du lieu de l’accouchement des nouveau-nés, tous les cas de tétanos néonatal étaient nés à domicile. Cela s’expliquerait en partie par la faible couverture sanitaire, l’insuffisance d’information sur l’importance d’accoucher à la maternité ou encore par les difficultés financières. Ces résultats viennent confirmer le constat de l’étude Herams de 2016, soulignant l’insuffisance des structures sanitaires fonctionnelles et de couverture en services essentiels en Centrafrique [10]. Le taux élevé des accouchements à domicile est rapporté dans la littérature dans des proportions variables selon les auteurs (56% à 94,3%) [11-15]. Toutefois, il a été mentionné dans une étude menée à Lausanne en 2014 que l’accouchement à domicile ne présentait aucun risque s’il était fait par un professionnel de santé [16]. Cela souligne l’importance du personnel qualifié dans l’accompagnement de la femme au cours de la grossesse jusqu’à l’accouchement. Dans notre échantillon, les mères étaient jeunes, ce qui se traduit par un âge moyen de 23 ans. Parmi les mères des cas de TN, nous avons relevé une forte proportion d’adultes jeunes et d’adolescentes (67%).  Cela peut s’expliquer en partie par la précocité des activités sexuelles comme cela a été mis en évidence lors d’une enquête nationale [9]. Au Burkina- Faso, une étude a rapporté un âge moyen plus élevé que le nôtre (28,3 ans) [17]. Pour ce qui est du niveau d’instruction, la majorité de mères n’était pas scolarisée (70%). Cette situation concorde avec les résultats de l’enquête réalisée en Centrafrique en 2010, selon laquelle 54% des femmes ne sont pas scolarisées. Selon la même source, le bas niveau d’instruction est considéré comme un facteur de risque de morbidité et de mortalité materno-infantile [9]. Cette étude nous a permis de déterminer les valeurs de i) l’incidence annuelle du TN dans le district sanitaire de Carnot-Gadzi et ii) la fréquence hospitalière de cette maladie pour la période allant du 1er janvier 2012 au 30 octobre 2017.
Durant cette période, l’incidence annuelle du TN est restée élevée avec une évolution croissante passant de 2,70 à 5,18 cas pour 1000 naissances vivantes. De la même manière, le TN a constitué une cause importante de morbidité avec une augmentation régulière de la fréquence hospitalière. Cette tendance croissante s’expliquerait en grande partie par la baisse de l’offre de soins consécutive aux troubles sociopolitiques survenus dans le pays depuis la fin de l’année 2012. Il est cependant difficile de comparer nos résultats avec ceux d’autres études qui ont été réalisées dans des contextes différents et souvent dans plusieurs districts sanitaires. Toutefois, l’incidence du TN dans notre étude est plus élevée que celle rapportée par plusieurs auteurs en Afrique ou ailleurs [3,11,18-20]. Une réserve s’impose pour la République Centrafricaine en proie à de multiples crises récurrentes depuis plusieurs décennies, avec pour conséquences l’insécurité. Dans ces conditions, le milieu rural centrafricain peut être considéré comme une zone à haut risque pour le tétanos néonatal. Ce contexte est une menace à la mise en oeuvre des stratégies d’élimination du TN d’ici 2030, inscrites dans les objectifs du développement durable (ODD) auxquels le pays a souscrit. Pour cela, des stratégies innovantes de lutte doivent être élaborées et mises en application afin de prétendre éliminer le TN à l’horizon 2020 comme recommande l’OMS [21].

Facteurs de risque de tétanos néonatal
Nous avons retrouvé un grand nombre de facteurs de risque associés au TN qui étaient en rapport avec les caractéristiques du nouveau-né, des mères ou encore en rapport avec les pratiques de l’accouchement. S’agissant du nouveau-né, seul le sexe masculin était le facteur associé au TN. La prédominance masculine est rapportée par plusieurs auteurs. Des études menées en Chine en 2015, au Maroc en 2005 et au Sénégal en 2013 ont fait le même constat avec des sex-ratio respectifs de 2,88, 1,8, et 2,6 [11,14,20]. Pour ce qui concerne les facteurs de risque liés à la mère, les données varient d’une étude à une autre. Dans l’étude chinoise, contrairement à la nôtre, c’est l’âge supérieur à 30 ans qui constitue un facteur de risque, de plus il n’y a pas de lien entre la parité et la survenue du TN [11]. Par contre l’insuffisance de CPN et la faible immunisation antitétanique sont deux facteurs de risque admis par plusieurs auteurs [11,14,20]. Ce résultat peut s’expliquer par une faible couverture des formations sanitaires offrant la CPN, une insuffisance de la pratique de la vaccination en stratégie avancée, un bas niveau d’instruction, le manque d’information et de sensibilisation des communautés sur les risques de survenue du TN en absence de VAT et surtout par l’insécurité dans le pays. L’OMS indique qu’une immunité de courte durée est généralement obtenue 2 à 4 semaines après la seconde dose de VAT et ne peut pas dépasser un an. L’immunité est acquise à partir de 3 doses pour un total de 5 à 6 selon les pays, afin de garantir une immunité à vie, moteur de prévention et d’élimination du TN. Une seule dose ne protège pas contre le TN [23]. Le TN peut survenir en zone rurale tout comme en milieu urbain [13,17]. Les caractéristiques maternelles identifiées comme facteurs de risque étaient d’ordre sociodémographique (âge inférieur à 30 ans, absence de scolarisation, lieu de résidence au-delà de 10 kilomètres de la maternité), cliniques (absence ou une seule consultation prénatale, nombre de vaccination antitétanique inférieur à deux). Les pratiques liées à l’accouchement identifiées comme facteurs associés au TN étaient l’accouchement à domicile, l’accouchement par une personne non qualifiée, la section du cordon ombilical avec du matériel septique et l’absence de pansement du cordon ou pansement septique. Ces pratiques qui favorisent la contamination de la plaie ombilicale ont été prédominantes dans notre étude. L’infection par Clostridium tetani serait faite à partir du moignon de cordon ombilical lors de nettoyage du nouveau-né ou au cours des soins chez la mère insuffisamment vaccinée. Toujours dans notre série, une faible proportion des patients avait bénéficié de pansement de la plaie ombilicale avec de la boue. Le bacille responsable du TN se trouvant dans le sol, faire le pansement du cordon avec la boue occasionnerait la survenue de la maladie. Les mauvaises pratiques liées à l’accouchement et pouvant exposer le nouveau-né au risque du tétanos sont répandues. Leur importance varie selon les auteurs. Les études menées au Sénégal en 2003 et au Maroc en 2005 indiquent respectivement que le pansement était fait avec des produits traditionnels dans la totalité des cas et une proportion de 35% avec du matériel souillé (beurre de karité, boue…) [14,23]. Selon la littérature, les pratiques culturelles néfastes aux soins et aux traitements de la plaie du cordon ombilicale répandues en Afrique peuvent favoriser la survenue du tétanos néonatal [1,17,23-25].

 

Conclusion

Cette étude nous a permis de constater que l’incidence du tétanos néonatal est élevée en zone rurale centrafricaine avec des facteurs de risque multiples et variés. Ces facteurs sont essentiellement maternels et en rapport avec les mauvaises pratiques de soins offerts au nouveau-né et à sa mère. Nos résultats suggèrent l’intérêt de renforcer la vaccination des femmes en âge de procréer, la sensibilisation des populations sur les avantages de la vaccination. De plus, un accent particulier devra être mis sur les bonnes pratiques de soins obstétricaux et néonatals dispensés dans un hôpital de référence. Le point de départ demeure l’organisation des soins prénatals de qualité et leur accessibilité à toutes les femmes enceintes. A cet effet, l’implication des communautés et le développement des stratégies différentiées adaptées au contexte de pays en crise est crucial.

 

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