LUXATION PERITALIENNE ANTERO-MEDIALE: A PROPOS D’UN CAS CLINIQUE

Layes Touré1*, Terna Traoré1, Boubacar Doumbouya2
1Service d’Orthopédie-Traumatologie, Etablissement Hospitalier Publique Sikasso (Mali).
2 Service d’orthopédie et Traumatologie, CHU « Mère-Enfant » Le Luxembourg, Bamako (Mali)

Correspondant : Dr Layes TOURE, Service d’orthopédie Traumatologie, Etablissement Hospitalier Sikasso, BP
82 Sikasso, Mali ; Tel : (00223) 76440016/ (00223)66440016 E. mail : layestoure@yahoo.fr

Résumé : La luxation péritalienne représente entre 1% et 2% de toutes les luxations et 15% des lésions péritaliennes. La forme médiale est la plus fréquente.
Il s’agissait d’une patiente de 30 ans, victime d’un accident de la voie publique ayant entrainé un traumatisme fermé du pied droit. L’examen physique a permis de noter une déformation du pied à type de flexion dorsale et inversion. Les radiographies standard de la cheville droite ont objectivé une luxation péritalienne antéro-médiale.
La luxation a été réduite dans un délai de 6 heures suivie d’une immobilisation par botte plâtrée pendant 6 semaines. 18 mois après le traumatisme, La TDM de la cheville droite réalisée a objectivé une arthrose tibiotalienne et sous talienne. Le résultat fonctionnel était jugé passable.

Mots clefs : antéro-médiale, péritalienne, luxation

Abstract: Peritalar dislocation represents between 1% and 2% of all dislocations and 15% of peritalar lesions.
The medial form is the most common. She was a 30-years-old patient, victim of a road accident resulting in a closed right foot trauma. The physical examination revealed a deformity of the foot at the type of dorsiflexion and inversion. Standard X-rays of the right ankle showed an antero-medial peritalar dislocation. Dislocation was reduced within 6 hours followed by immobilization by a plastered boot for 6 weeks. 18 months after the trauma, the right ankle CT scan objectified a tibio-talar and subtalar osteoarthritis. The functional result was rated as fair.

Keywords: Antero-medial; Subtalar; Dislocation

 

Introduction

La luxation péritalienne est une perte de contact permanent simultané entre les articulations talocalcanéenne et talo-naviculaire1,2. Ce sont des lésions rares, représentant environ 1% de l’ensemble des lésions traumatiques du pied et 1 à 2% de toutes les luxations. Elles surviennent à la suite d’un traumatisme à haute énergie3. Le diagnostic est posé par la clinique et par la radiographie standard. La tomodensitométrie (TDM) de la cheville et du pied permet d’apprécier les lésions ostéo-cartilagineuses associées. La raideur et l’arthrose sont les complications les plus redoutables. Nous vous apportons un cas de luxation péritalienne chez un adulte de 30 ans.

Cas clinique

Mademoiselle R. K. 30 ans, alcoolique, gendarme sexe féminin a été victime d’un accident de la voie publique type un motocycliste percuté latéralement par un autre motocycliste. La patiente a chuté de sa moto avec réception sur le pied droit qui était bloqué sous la pédale. Elle fut transportée au service des urgences de l’hôpital de Sikasso dans un délai de 30 min. A l’admission elle se plaignait de douleur du pied droit avec impotence fonctionnelle partielle. Elle était consciente et ses paramètres hémodynamiques étaient stables. A l’examen physique on notait une tuméfaction de la cheville sans lésion cutanée. Il existait une déformation du pied à type de flexion dorsale et une inversion (figure1).

Les Pouls pédieux et retromalléolaire étaient bien perçus. La sensibilité et la motricité des orteils étaient conservées. Les radiographies standard de la cheville droite ont permis d’objectiver une luxation péritalienne antéro-médiale (figures 2 et 3).

Un bilan biologique d’urgence a été réalisé et était normal. Elle fut hospitalisée pendant 24 heures. Le traitement a consisté à l’administration des antalgiques (Paracétamol et tramadol) par voie intra-veineuse. La luxation a été réduite au bloc opératoire sous anesthésie générale dans un délai de 6 heures. La réduction a commencé par une traction et une accentuation de la déformation. Une main tenait le tibia en avant et l’autre main tenait le talon à l’arrière. Le pied était ensuite mis en dorsiflexion, éversé avec des pressions directes sur la tête du talus qui était proéminente.
L’immobilisation a été faite par une botte plâtrée. Les clichés de contrôle post-opératoires de la cheville droite ont permis objectiver une restitution des rapports anatomiques au niveau des articulations sub-talienne et de Chopart (figures 4 et 5).

L’ablation de la botte plâtrée a été réalisée 6 semaines après sa confection suivie des séances de rééducation fonctionnelle de la cheville et du pied droits. Dix-huit mois après le traumatisme, elle se plaignait d’une douleur mécanique de la cheville droite. La TDM de la cheville droite réalisée a permis d’objectiver une irrégularité des surfaces articulaires du tibia, des bords inférieur et supérieur du talus associés à des images géodiques et une condensation sous chondrale évoquant une arthrose tibio-talienne et sous talienne (figure 6). Selon le score de l’American Orthopedic Foot and Ankle Society (AOFAS)4 le résultat fonctionnel était jugé passable (score 78).

 

Discussion

Comme dans notre cas clinique, la plupart de ces luxations surviennent chez les sujets jeunes au cours des traumatismes à haute énergie comme les accidents de la voie publique 4. C’est le sexe masculin qui est le plus souvent concerné contrairement à notre patiente qui était de sexe féminin. Le mécanisme de survenu était indirect. Le pied droit de notre patiente s’était bloqué sous la pédale, la moto en tombant a exercé une pression sur la face médiale de sa jambe droite. Ce mécanisme a créé une inversion forcée du pied droit. La luxation péritalienne médiale résulte en effet d’une inversion forcée au cours de laquelle le puissant ligament calcanéo-naviculaire résiste à la rupture et la force transmise est dissipée à travers les ligaments plus faibles médiotarsiens et calcanéen. Elle entraine ensuite le déplacement en bloc du calcanéum, de l’os naviculaire et tous les os distaux du pied en dedans4,5. Les formes cliniques sont variées. La forme médiale est la plus fréquente, 80% suivie de la latérale 17% 5. Les formes antérieure et postérieure sont rares et représentent 3% 5. Sur le plan clinique il existe toujours une déformation importante qui les caractérise. Chez notre patiente le pied droit était tuméfié et déplacé en dedans. La tête de talus proéminente était perçue sur la face dorso-latérale du pied. Ceci correspond à la déformation décrite dans la forme médiale dans la littérature 2. Notre luxation a été réduite orthopédiquement en urgence sous anesthésie générale. Cette attitude évite d’endommager davantage les tissus mous et entrainer des lésions irréversibles des structures neurovasculaires.
La réduction a été suivie d’une immobilisation par un plâtre pendant 6 semaines. Cette durée d’immobilisation prévient l’instabilité ligamentaire chronique et la subluxation récidivante. Elles sont dues aux mouvements précoces et une immobilisation de moins de 4 semaines 6. L’ablation du plâtre a été suivie des séances de rééducations fonctionnelles permettant de récupérer la fonction de la cheville et du pied. La TDM réalisée à 18 mois a permis d’objectiver une arthrose tibio-talienne et sous-talienne droite. Si elle était faite dans suites immédiates du traumatisme, elle pourrait déceler des lésions ostéo-cartilagineuses pouvant prévoir la survenue d’une arthrose de la cheville traumatisée. Les lésions associées sont retrouvées soit 20 à 30 % des cas et sont liées à la violence du traumatisme causal2,5,6. En raison de cette forte incidence la TDM du pied et la cheville doit être obtenue immédiatement après la réduction et la contention1,7.
L’arthrose est la complication la plus redoutable liée à ses lésions associées qui prédomine au niveau des articulations sub-talienne, l’articulation de Chopart, voire l’articulation talo-crurale3. Elle se manifeste par des douleurs intermittentes du pied, au cours de la marche sur un terrain accidenté ou au cours des changements climatiques8. C’est ce qui explique le résultat fonctionnel de notre patiente qui était jugé passable (score 78) selon le score de l’American Orthopedic Foot and Ankle Society (AOFAS) 4.

 

Conclusion

La luxation péritalienne antéro-médiale est urgence médico-chirurgicale rare et grave du tarse postérieur.
Le diagnostic est confirmé par l’examen radiologique. La TDM est indispensable pour déceler les lésions ostéo-cartilagineuses et doit être réalisée précocement. Le traitement est le souvent orthopédique, consiste en une réduction en urgence suivie par une contention plâtrée pendant 6 semaines. Le respect de ces principes n’épargne pas la survenue d’une arthrose qui est liée à la gravité des lésions associées.

 

Déclaration d’intérêts: aucun

 

Références

1. Veltman ES, Steller EJA, Wittich P, et al. Lateral subtalar dislocation: Case report and review of the literature. World J Orthop 2016;7(9): 623-7.
2. Hao-Yu Wang AB, Bei-Bei Wang C, Ming Huang A, et al. Treatment of closed subtalar joint dislocation: A case report and literature review. Chinese Journal of Traumatology 2020; 23:367-71.
3. Prada-Cañizares A , Ismael Auñón-Martín I, Vilá y Rico J, et al. Subtalar dislocation: management and prognosis for an uncommon orthopaedic condition. International Orthopaedics (SICOT) 2016;40:999–1007.
4. Camarda LA, Abruzzese A, Gattuta LA, et al. Results of closed subtalar dislocations. Musculoskeletal Surg 2016;100:63–9.
5. Melenevsky Y, Mackey RA, Abrahams RB, et al. Talar fractures and dislocations:a radiologist’s guide to timely diagnosis and classification. Radiographics 2015;35(3):765–79.
6. Ruhlmann F, Poujardieu C, Vernois J, et al. Isolated acute traumatic subtalar dislocations: review of 13 cases at a mean follow-up of 6 years and literature review. J Foot Ankle Surg 2017; 56(1):201–7.
7. Rammelt S, Goronzy J. Subtalar Dislocations. Foot and Ankle Clinics 2015;20:253-64.
8. McKeag P, Lyske J, Reaney J, et al. Subtalar dislocation secondary to a low energy injury . BMJ Case Rep 2015;2015:1-3.