LES ATTENTES, L’EXPERIENCE ET LE RESSENTI DE L’ECHOGRAPHIE OBSTETRICALE PAR LES FEMMES ENCEINTES

Bang Ntamack JA1,3, Sima Ole B1,3, Mayi Tsonga S3, Ntsame E2, Meye J F1,3

1 –Service de Gynécologie Obstétrique du CHU d’Angondje
2- Service de Gynécologie Obstétrique du CHU de Libreville
3- Faculté de Médecine et des Sciences de la Santé de Libreville

Correspondance : Bang Ntamack Jacques Albert ; BP : 4816 Libreville, Gabon ;
E-mail : bangntamack@yahoo.com

 

RESUME

Objectif: Rechercher les attentes, le vécu et le ressenti de l’échographie obstétricale par les femmes enceintes.

Matériel et méthode : Il s’agit d’une étude prospective, transversale, réalisée du 1ier Avril 2015 au 31 Juillet 2015 dans le service d’imagerie du centre hospitalier universitaire de Libreville. Ont été incluses dans cette étude toutes les femmes enceintes sans aucune pathologie associée à la grossesse et ayant réalisé une échographie obstétricale. Les paramètres étudiés étaient consignés sur un questionnaire. Ils portaient sur des données socio-démographiques des gestantes, les résultats attendus de l’examen échographique, la visualisation du foetus, les commentaires de la part du praticien et le niveau de satisfaction des gestantes.

Résultats : Nous avons retenu 247 dossiers de gestantes, âgées de 26 ans en moyenne. Avant l’examen échographique, 54,7%des gestantes souhaitaient voir un foetus en bonne santé et 33,7% voulaient connaitre le sexe du foetus. Pendant l’examen échographique, 40,5% des gestantes ont estimé avoir vu toutes les parties du corps foetal. Au sortir de l’examen échographique, 78,5% des gestantes n’ont pas eu d’explications sur le déroulement et le résultat de cet examen.

Conclusion : la visualisation du foetus à travers l’échographie obstétricale est une préoccupation pour nos gestantes. Cependant, une amélioration de la communication entre l’opérateur et des gestantes semble nécessaire.

Mots clés : attentes, expérience, ressenti, échographie, grossesse, gestantes.

ABSTRACT

Objective: To look for the expectations, experiences and feelings about obstetric ultrasound by pregnant women.

Materials and Methods: This is a prospective, cross-sectional study carried out from April 1st, 2015 to July 31st, 2015 in the Department of Medical Imaging of the University Hospital Center of Libreville. Included in this study were all pregnant women without any pathology associated with pregnancy and having performed an obstetric ultrasound. The parameters studied were recorded on a questionnaire. They included sociodemographic information on pregnant women, expected ultrasound results, fetal visualization, practitioner feedback and the level of pregnant women satisfaction.

Results: We selected 247 gestative cases, aged 26 years on average. Before ultrasound examination, 54.7% of the pregnant women wanted to see a healthy fetus and 33.7% wanted to know the sex of the fetus. During the ultrasound examination, 40.5% of the pregnant women estimated that they had seen all parts of the fetal body. At the end of the ultrasound examination, 78.5% of the pregnant women had no explanation of the procedure and the result of this examination.

Conclusion: visualization of the fetus through obstetric ultrasound is a preoccupation for our pregnant women. However, an improvement in communication between the operator and pregnant women seems necessary.

Keywords: expectations, experience, feelings, ultrasound, pregnancy, pregnant women.

INTRODUCTION

L’échographie est une technique très utilisée dans le domaine de l’imagerie médicale. Son recours en obstétrique améliore le suivi anténatal et contribue à l’organisation d’une meilleure prise en charge de l’accouchement et du nouveau-né [1-3]. Elle peut également aider à réduire l’anxiété maternelle pendant la grossesse en stimulant la relation materno foetale au moyen de la première image échographique [4-6]. En effet, par son principe non invasif basé sur les ultrasons, elle fournit des renseignements précis tels que la confirmation et la datation de la grossesse, le nombre d’embryons, leur localisation, leur évolution et la vitalité de ceux-ci [5-6]. Dans les pays en voie de développement, notamment en Afrique, l’échographie obstétricale est de réalisation courante dans la plupart des structures hospitalières publiques et privées [4,7-9]. L’interaction entre l’image virtuelle de l’enfant à naitre et les représentations mentales des parents nous intriguent. Pour cela, au Gabon, nous évaluons la perception de l’échographie obstétricale par les gestantes, en recueillant leur sentiment avant, pendant et après cet examen.

PATIENTES ET METHODES

Il s’agit d’une étude prospective transversale et descriptive qui a été réalisée dans le service d’imagerie du centre hospitalier universitaire de Libreville (CHUL) sur une période de 4 mois allant du 1er Avril 2015 au 31 Juillet 2015. Nous avons retenu des femmes enceintes, sans aucune pathologie associée à la grossesse, venues faire une échographie dans le cadre de leur suivi prénatal et ayant consenti de prendre part à notre entretien avant et après la réalisation de cet examen. Nous avons exclu toutes les grossesses pathologiques et les échographies obstétricales faites en urgence. L’étude s’est déroulée à l’aide d’un questionnaire comportant des données épidémiologiques (l’âge, le statut matrimonial, le niveau d’instruction et la profession, la parité, la période de réalisation de l’échographie obstétricale), les sentiments des gestantes avant l’échographie obstétricale ( résultats attendus de l’examen échographique, la peur du résultat attendu), pendant (la visualisation du foetus) et après cet examen (les commentaires de la part du praticien, niveau de satisfaction et le fait le plus apprécié). Les données ont été dépouillées muellement. Leur saisie et leur analyse se sont faites à l’aide des logiciels Word 2007, Excel 2007 et Epi info version 3.5.3 avec sortie de fréquences et tableaux.

RESULTATS

Pendant notre période d’étude, 688 gestantes ont été reçues pour des consultations prénatales. Parmi elles, 247 ont constitué notre échantillon soit 35,9% (tableau I).

 

Tableau I : Données épidémiologiques des gestantes

Variablesn%
Age (an)
< 20
20-30
30-40
> 40
52
128
64
3
21,1
51,8
25,9
1,2
Statut matrimonial
Concubinage
Célibataire
Mariée
117
95
35
47,4
38,4
14,2
Occupation socioprofessionnelle
Elèves/étudiantes
Femmes au foyer
Salariées privées
Commerçantes
Fonctionnaire
Secteur informel
109
62
30
21
19
6
44,1
25,1
12,1
8,5
7,7
2,5
Parité
0
1-2
3-4
≥5
82
110
41
14
33,2
44,5
16,6
5,7

 

L’âge moyen des gestantes était de 26 ans (extrêmes 15 et 40 ans). La majorité des gestantes (61,5%) vivaient en couple et 109 (44,1%) étaient scolarisées La parité moyenne était de 3,5 (extrêmes 0 et 7). Plus de la moitié des gestantes (58,7%) ont réalisé leur échographie obstétricale au 2e trimestre de la grossesse, contre 28,3 et 13% au dernier et au premier trimestre respectivement.

Avant l’examen échographique, 135(54,7%) gestantes ont souhaité voir un foetus en bonne santé et 175 (70,9%) n’ont eu aucune crainte du résultat attendu à l’échographie. Au moment de l’examen échographique, 100 (40,5%) gestantes ont estimé avoir vu toutes les parties du corps foetal (tableau II).

 

Tableau II : Sentiments des gestantes

Avant l’examen échographiquen%
Résultats attendus
Foetus en bonne santé
Connaissance du sexe du foetus
Absence de malformations
Foetus en bonne position
Ne sait pas
Peur du résultat attendu
Non
Oui

135
83
10
10
9

175
72

54,7
33,7
4
4
33,6

70,9
29,1
Pendant l’examen échographiquen%
Partie du corps foetal visualisée
Toutes les parties
Foetus non vu
Tête et coeur
Tête et membres
Tête
Coeur
Coeur et membres
Image floue
Pieds

100
59
31
20
17
10
4
4
2

40,5
23,9
12,6
8
6,9
4
1,6
1,6
0,9
Après l’examen échographiquen%
Niveau de satisfaction
Contente
Pas de changement
Ne sait pas
Fait le plus apprécié pendant l’examen
Foetus en bonne santé
Visualisation du foetus
Connaissance du sexe
Rien de particulier
Attitude du praticien
Pratique indolore
Explications reçues par la gestante
Non
Oui

206
27
14

89
72
38
24
17
7

194
53

83,4
10,9
5,7

36,1
29,1
15,3
9,7
6,9
2,9

78,5
21,5

Au sortir de l’examen échographique, 206(83,4%) gestantes étaient satisfaites d’avoir réalisé cet examen et 89(36,1%) étaient rassurées d’avoir vu un foetus en bonne santé. Cependant, 194 (78,5%) gestantes n’ont pas eu d’explications sur le déroulement de l’examen échographique.

 

DISCUSSION

L’échographie obstétricale en Afrique comme partout dans le monde est une technique d’imagerie médicale qui a pris une place prépondérante dans le suivi prénatal [2,3, 9-10]. Nous nous sommes ainsi interrogés sur le point de vue de nos gestantes par rapport à cet examen au cours d’une grossesse normale.

Pendant la période d’étude, 688 patientes ont été reçues pour une consultation prénatale et 35,9% ont été colligées. Nous avons une majorité de gestantes jeunes avec un âge moyen de 26 ans et scolarisées pour la plupart (44,1%). Ce profil des patientes retenues dans notre étude est proche de celui de Ohagwu et al [9] et Bashour et al [11] qui rapportent respectivement un âge moyen de 24 ans et 23 ans avec un niveau d’instruction secondaire à 35,6% et supérieur à 56,7%. Le concubinage constitue le principal mode de vie en couple dans notre série comme dans les travaux de Georgsson et al [12]. Par contre, Bashour et al [11] en Syrie ont retrouvé plus de la moitié de gestantes mariées. Le contexte culturel variant d’une région à une autre pourrait expliquer cette tendance.

L’échographie pendant la grossesse peut, à partir des images qu’elle projette, avoir une puissance révélatrice d’un certain nombre de sentiments chez les gestantes. Il est admis que la plupart des gestantes souhaitent voir leur enfant à travers l’échographie. Ce moment semble être la preuve de son existence et constitue un moyen sûr de rencontre parents et enfant à naitre [1,4-6,10, 13-18]. Ainsi, dans notre cohorte, 54,7% des gestantes veulent voir un foetus en bonne santé et 33,7% s’intéressent d’avantage au sexe de l’enfant à naitre. Cette vision parcellaire du foetus livrée à l’échographie est décrite par de nombreux auteurs avec un attachement particulier à la connaissance du sexe du foetus [4,10,18,19].

D’autres travaux rapportent le refus des gestantes d’identification par l’échographie de l’enfant à naitre et réservent ces moments lors de la première rencontre visuelle. Pour ces gestantes, cet instant semble être sacré et ne peut se faire à travers un écran [5,20-22].Cette attitude de négation pourrait être liée a la peur du résultat attendu. Ce sentiment de peur semble négligeable dans notre série. En effet, 70,9% de nos gestantes n’éprouvent aucune crainte du résultat attendu à l’échographie comme dans la cohorte rapportée par Quispel et al [22]. Néanmoins, dans la littérature, contrairement à notre étude, il est décrit une forte anxiété voir un syndrome dépressif chez les femmes enceintes avant la première échographie obstétricale. Ce sentiment redevient normal après la confirmation d’une grossesse normale [20-21].

Nous avons interrogé les gestantes sur leurs échanges avec le praticien. Ainsi, 78,5% n’ont pas eu d’explications sur le déroulement de l’examen. Ranji et al [10] et Hyde et al [23] évoquent aussi ce déficit en communication entre échographistes et les bénéficiaires. Tauz et al [24] relève que 78% des gestantes dans son étude au Botswana étaient d’avantage inquiètes par le manque d’éclaircissement de l’échographiste sur le déroulement de l’examen. La relation praticien malade est à la base de la réussite de toute pratique ou thérapeutique médicale. En effet l’échange entre l’échographiste et le couple est manifestement très important et doit être complet. Il permet de guider le couple par une description précise du foetus à l’écran. Ces explications pourraient diminuer le niveau d’inquiétude des gestantes et promouvoir leur adhésion à la pratique de cet examen [5-6,20-22,25-26].

Au sortir de l’examen échographique, 83,4% des gestantes de notre étude étaient satisfaites et rassurées d’avoir vu le foetus à travers l’écran. Ces données sont similaires à celles rapportées par Valboa et al [27] qui trouvent 95% de gestantes ravies.

 

CONCLUSION

L’échographie obstétricale s’intègre d’avantage dans le suivi prénatal des gestantes dans les pays en voie de développement. La plupart des gestantes souhaitent voir leur foetus en bonne santé à l’écran avec un intérêt particulier sur la connaissance du sexe. Cependant, il ya encore beaucoup à faire pour rendre plus accessible et plus facile la communication entre l’opérateur et les gestantes.

 

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