LES RHUMATOLOGUES ET LES PATHOLOGIES RHUMATOLOGIQUES EN AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE ET A MADAGASCAR : SITUATION EN 2015.

Missounga L¹, Ouedraogo DD², Nseng Nseng Ondo IR¹, Singwe-Ngandeu M³, Daboiko JC⁴, Eti E⁴, Bileckot
RR⁵, Ntsiba H⁵, Zomalheto Z⁶, Avimadjé M, Diallo S⁷, Mijiyawa M⁸, Kouakou N’zué M⁴.

1- Service de Médecine interne et spécialités médicales, CHU de Libreville, BP 2228 Libreville, Gabon.
2- Service de Médecine interne, CHU Yalgado Ouédraogo, 09 BP628 Ouagadougou, Burkina Faso.
3- Service de Médecine interne, CHU Général de Yaoundé, BP 5408 Yaoundé, Cameroun.
4- Service de Rhumatologie, CHU de Cocody, BP V13 Abidjan, Côte d’Ivoire.
5- Service de Rhumatologie, CHU de Brazzaville, BP 574 Brazzaville, Congo.
6- Service de Rhumatologie, CHU Hubert Koutoukou Mapa, BP 2139 Cotonou, Bénin.
7- Clinique médicale 1, CHU Le Dantec, Dakar, Sénégal.
8- Service de Rhumatologie, CHU Tokoin, BP 80627 Lomé, Togo.

Auteur correspondant: Docteur Landry MISSOUNGA, Maître-Assistant en Rhumatologie, département de Médecine interne et spécialités médicales, Université des sciences de la santé.
BP 8696 Libreville, Gabon. Tél :241 06405060. Mail :lmissounga6@gmail.com.

Résumé

Objectif : dresser l’état des lieux de la rhumatologie en Afrique noire francophone sur le nombre de rhumatologues et les pathologies rhumatologiques les plus fréquentes.

Matériel et méthodes : étude transversale par interview auprès de rhumatologues africains pour le nombre de rhumatologues dans chaque pays entre Juin 2014 et Juin 2015. Revue de la littérature par recherche avec les mots « rheumatic diseases ; africa » sur PubMed et « pathologies rhumatologiques ; Afrique » dans les revues francophones Médecine d’Afrique Noire, Bulletin de la société des pathologies exotiques, Médecine et santé tropicales. Les données concernaient les pays d’Afrique Noire Francophone (ANF) jusqu’en juin 2015 hormis le Burundi, la République Démocratique du Congo et le Rwanda. Celles du Gabon concernaient 6050 patients vus entre janvier 2009 et décembre 2014 dans le service de médecine interne du centre hospitalier et universitaire de Libreville.

Résultats : pour une population totale de 182,14 millions d’habitants, il y avait 50 rhumatologues soit une densité de 0,03 rhumatologues pour 100.000 habitants. La pathologie la plus fréquente était l’arthrose. La goutte et les infections étaient les premières causes d’arthrites respectivement au Burkina Faso, au Congo Brazzaville, au Gabon pour la goutte et au Bénin, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Togo pour les infections. La PR était le RIC le plus fréquent au Burkina Faso, au Cameroun et au Congo Brazzaville de même que les spondyloarthrites, majoritairement par les arthrites réactionnelles en Côte d’Ivoire au Gabon et au Togo.

Conclusion : l’état des lieux de la rhumatologie en ANF en 2015 révèle surtout l’extrême carence enrhumatologues dans ces pays, principalement du fait de l’absence de formations locales dans cette spécialité. La pathologie la plus fréquente est l’arthrose quel que soit le pays.

Mots clés: Afrique noire francophone, pathologies rhumatologiques, rhumatologues.

Abstract

Aims: Drawing up an inventory of Rheumatology in french speaking sub-saharan African peoples about the actual number of rheumatologists and main rheumatic diseases in each country.

Methods: cross-sectional study by interview with African rheumatologists for the number of rheumatologists in each country between June 2014 and June 2015. Review of the literature research with the words « rheumatic diseases; africa  » on PubMed. The data concerned french speaking subsaharian black people countries of Africa until June 2015 except Burundi, the Democratic Republic of Congo and Rwanda. Data of Gabon concerned 6050 patients with rheumatic diseases seen between January 2009 and December 2014 in the internal medicine department of he university hospital of Libreville.

Results : for a total population of 182 140 000 inhabitants, there were 50 rheumatologists equivalent of 0.03 density rheumatologists per 100,000. The most common disease was osteoarthritis. Gout and infections were the leading cause of arthritis respectively in Burkina Faso, Congo Brazzaville, Gabon for gout and Benin, Cameroon, Côte d’Ivoire, Togo for infections. Rheumatoid arthritis was the most frequent chronic inflammatory rheumatism in Burkina Faso, Cameroon and Congo Brazzaville as well as spondyloarthritis, mostly by reactive arthritis in Côte d’Ivoire, Gabon and Togo.

Conclusion: the inventory of rheumatology in french speaking subsaharian countries of Africa in 2015 reveals the extreme deficiency of rheumatologists in each country, mainly due to the lack of local specialized training in this specialty. The most common disease is osteoarthritis whatever the country as worldwide.

Key words: French-speaking subsaharian black people, rheumatic diseases, rheumatologists.

 

Introduction

Quasi méconnue jusque dans les années quatre-vingt, la rhumatologie s’installe progressivement en Afrique noire, démontrant la réalité de pathologies majoritairement identiques à celles rencontrées sur la planète [1-3]. La rhumatologie reste cependant l’une des spécialités les moins représentées dans les milieux hospitaliers et universitaires d’Afrique subsaharienne en particulier dans les pays francophones. L’objectif de ce travail était de dresser l’état des lieux de la rhumatologie en Afrique noire francophone (ANF) sur le nombre de rhumatologues et les pathologies rhumatologiques les plus fréquentes dans cet espace.

 

Matériel et méthodes

Nous avons mené une étude prospective transversale sur une période de 13 mois (20 Mai 2014-20 Juin 2015).Concernant le nombre de rhumatologues dans chaque pays, nous avons interrogé, par interview face à face, des rhumatologues d’ANF. Ces données concernaient les pays d’ANF jusqu’en juin 2015 hormis le Burundi, la République Démocratique du Congo et le Rwanda pour lesquels les informations n’avaient pas pu être recueillies. Pour les pathologies rhumatologiques nous avons fait une recherche sur PubMed avec les mots « rheumatic diseases ; africa » et « pathologies rhumatologiques en Afrique » dans les bases électroniques des revues internationales francophones Médecine d’Afrique Noire, Médecine et Santé Tropicales, Bulletin de la société de pathologies exotiques et la Revue CAMES Santé. Les études sélectionnées étaient celles en rapport avec l’épidémiologie des pathologies  humatologiques dans tout pays d’ANF. Nous n’avons pas retenu celles qui traitaient de pathologies rhumatologiques spécifiques. Les données du Gabon concernaient une population hospitalière de 6050 rhumatisants colligés en 6 ans (entre janvier 2009 et décembre 2014) dans le service de médecine interne du centre hospitalier et universitaire de Libreville.

 

Résultats

Vingt-cinq rhumatologues de différents pays d’ANF ont été interrogés. Sur 126 publications à propos de pathologies rhumatologiques en Afrique subsaharienne, dix répondaient à nos critères de sélection. La population dans l’ensemble des pays de l’ANF de l’étude était de 182,14 millions d’habitants avec des extrêmes de 1,672 millions au Gabon et 22,92 millions à Madagascar. IL y avait 50 rhumatologues en exercice dans cet espace, soit 0,03 praticien pour 100.000 habitants. Les aspects démographiques de la rhumatologie en ANF et Madagascar sont rapportés au tableau I.

 

Tableau I : aspects démographiques de la rhumatologie en Afrique noire francophone en juin 2015

PAYSpopulations*
Millions d’hab
PIB / hab*
USD
rhumatologues
n= 50

densité / 100 000 hab
BENIN 10,320804,6930,029
BURKINA-FASO16,930683,9520,005
CAMEROUN22,2501328,2460,026
CONGO BR.4,4483167,0530,067
COTE D’IVOIRE20,3261528,94180,088
GABON1,67211578,0810,059
GUINEE11,750523,1220,017
MADAGASCAR22,920462,9710,004
MALI15,300715,1320,019
NIGER17,830415,4200
RCA4,616333,2000
SENEGAL14,1301046,4940,028
TCHAD12,8301053,6600
TOGO6,817613,4480,088

*Source banque mondiale 2013, PIB : produit intérieur brut, USD : dollar américain, Congo Br : Congo Brazzaville, RCA : République centrafricaine.

 

Le produit intérieur brut (PIB) par habitant dans cet espace était en moyenne de 1732,45 dollars US avec des extrêmes à 333,20 USD en république de Centre-Afrique (RCA) et 11578,08 USD au Gabon. En tenant compte des pays, les ratios rhumatologues/habitants variaient entre 0 et 0,088 pour cent mille habitants respectivement dans les pays sans rhumatologues (Niger, RCA, Tchad) et en Côte d’Ivoire et au Togo, pays les plus pourvus en rhumatologues au moment de l’étude. Les pathologies rhumatologiques les plus fréquentes, tous pays confondus, étaient les rhumatismes dégénératifs : par ordre les lombalgies et les gonalgies arthrosiques. La fréquence des pathologies rhumatologiques est présentée au tableau II.

 

Tableau II : Prévalence des affections rhumatologiques dans des pays d’Afrique noire francophone en juin 2015

Pays auteurs- année- duréePathologies rhumatologiques (prévalence %)
Bénin Zomalheto Z - 2014 [4]
n= 9992 – 14 ans
R dégénératifs (66,6) dont arthrose (51,5)
Infections (6,6), Connectivites (6,3), SpA (2,5)
Goutte (1,1)
Burkina FasoOuedraogo DD - 2014 [5]
n= 4084 – 5 ans
R dégénératifs (74,7) dont arthrose (19,7)
R ab-articulaires (4,8), Goutte (3,9), PR (2,8),
Infections (2,1), SpA (2), Connectivites (1,2)
oncorhumatismes (0,3)
CamerounSingwe-Ngandeu M- 2007 [6]
n= 536 – 1an
R dégénératifs (57), R ab-articulaires (15,5),
Infections (9,3), RIC (8,2), Goutte (5,9),
Congo-Br.Bileckot R-1992 et 2002 [7,8]
n= 418* - 5 ans
Goutte (19,8), Infections (19,6), PR (6,9)
Côte d’IvoireDaboiko JC - 2004 [9]
n= 600** - 1 an
R dégénératifs (53,3), Infections (22,2), SpA (7)
PR (4,1), MO et MMO (2,1 et 1,1)
Goutte (1,8), Connectivites (1,6)
GabonNotre étude - 2015
n= 6050 - 6 ans
R dégénératifs (68,3) dont arthrose (59)
R ab-articulaires (17,6), Goutte (5,5), SpA (2,2)
Oncorhumatismes : MO et MMO : 1,7 (1 et 0,7)
PR (1,3), Infections (1,1), Connectivites (0,9)
Fibromyalgie (0,04)
RDCMalemba JJ - 2007 [10]
n= 2370 – 5 ans
Arthrose (59,2%), R ab-articulaires (16,1%),
Goutte (9,3%), Spondyloarthrites (7,5%),
PR et Connectivites (5,2), OP (2,7%)
TogoMijiyawa -1991 [11]
n= 843 - 1 an


Houzou P - 2013 [12]
n= 13517 – 15 ans
R dégénératifs (53), R ab-articulaires (13,8),
SpA (1,4), Connectivites (0,7), PR (0,2),
Goutte (5)

R dégénératifs (54,8), R abarticulaire(12),
Infections (2,8), Goutte (1,7),
MO et MMO : 1,1 (0,9 et 0,2)
SpA (0,7), PR (0,5), LES (0,05)

* cohorte d’arthrites, ** cohorte de patients hospitalisés, R : rhumatismes, SpA : spondyloarthrites, PR : polyarthite rhumatoïde,RIC : rhumatismes inflammatoires chroniques, MO : métastases osseuses, MMO : myélome multiple osseux,LES : lupus érythémateux systémique, Congo- Br : Congo Brazzaville

 

La goutte et les infections étaient les premières causes d’arthrites rapportées respectivement au Burkina Faso, au Congo Brazzaville et au Gabon pour la goutte ; au Bénin, au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Togo pour les arthrites et spondylodiscites infectieuses. Ces dernières étaient majoritairement tuberculeuses dans leurs localisations vertébrales et à germes pyogènes dans les atteintes périphériques. La part du VIH dans la survenue de ces infections ostéoarticulaires variait selon les séries : 3% au Congo Brazzaville, 7,5% au Gabon, 14,1% au Togo. Les rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC) les plus fréquents étaient la polyarthrite rumatoïde (PR) au Burkina Faso, au Congo Brazzaville et au Cameroun; les spondyloarthrites (SpA) en tête desquelles les arthrites réactionnelles (AR) au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Gabon et au Togo. Les étaient le RIC le plus associé à l’infection par le VIH. La spondylarthrite ankylosante était rapportée dans quelques cas variables d’un pays à l’autre : 22 cas en 15 ans au Togo, 21 en 5 ans au Burkina-Faso, 8 en 5 ans au Gabon. Les rhumatismes métaboliques type ostéoporose et les syndromes douloureux de type fibromyalgie étaient rarement rapportés.

Discussion

A l’échelon mondial l’ampleur des maladies ostéoarticulaires est telle que l’OMS a déclaré la dernière décennie 2000- 2010, décennie de l’os et de l’articulation (bone and joint decade) [13,14]. L’ANF n’y échappe pas et les premières publications sur l’épidémiologie des pathologies rhumatologiques dans cet espace datent des années 1990 [7,10,15-17]. Leurs auteurs rapportaient déjà la diversité de ces affections dans les populations d’Afrique noire à l’image de celles décrites chez d’autres populations de la planète dominées à ce jour par l’arthrose. L’état des lieux actuel confirme cette variété épidémiologique avec un panorama de pathologies proches de celles des pays d’Europe, d’Amérique ou d’Asie. Il en ressort que l’arthrose demeure le chef de file des rhumatismes dégénératifs quel que soit le pays et que les infections ne sont pas les premières causes d’arthrites au Burkina Faso, au Congo Brazzaville et au Gabon où elles sont moins fréquentes que la goutte et la polyarthrite rhumatoïde [5,8,18].

La principale faiblesse de ces études est leur caractère exclusivement descriptif visant surtout à déterminer des ratios de fréquence des pathologies rhumatologiques en milieux hospitaliers difficilement extrapolables à l’ensemble des populations de chaque pays. Mais comment réaliser des travaux tenant compte du maximum de patients rhumatisants à l’échelon national avec aussi peu de rhumatologues? Le constat majeur de cette étude est l’extrême carence de rhumatologues en ANF quel que soit le pays. Avec seulement 50 rhumatologues pour une population de plus de 180 millions d’habitants, l’ANF a une des densités les plus faibles du monde : 0,03 rhumatologues/ 100.000 hab. Les densités les plus élevées de la région sont celles de la Côte d’Ivoire et du Togo avec 0,088 rhumatologues pour 100.000 habitants. Si on tient compte de la répartition de ce faible nombre de praticiens majoritairement concentré dans les capitales de chaque pays, on mesure l’ampleur de la carence. En comparaison, au 1ier janvier 2014, la France comptait 2598 rhumatologues avec une densité de 4/100.000 hab pour les rhumatologues hospitaliers et 3/100.000 hab pour les libéraux. Tous les départements sont pourvus même si la concentration en rhumatologues reste moins importante dans les DOMTOM que dans les autres départements en métropole tels que la Savoie, l’Hérault ou Paris [19]. La rhumatologie française est certes centenaire. La ligue française contre le rhumatisme, ancêtre de l’actuelle société française de rhumatologie et la revue du rhumatisme existent
depuis 1926 et 1934 respectivement [20].

Depuis la création de la première chaire de rhumatologie à Cochin en 1949, la formation a permis que les rhumatologues représentent en France au 1er janvier 2014 : 1,2% de l’ensemble des médecins, 2,2% de toutes les spécialités, 3,08% des spécialités médicales [19,21]. On y constate malgré tout une baisse démographique due à une diminution régulière du nombre d’internes inscrits au diplôme d’études spécialisées (DES) de rhumatologie, passé de 54 à 24 par année entre 1995 et 2007 [22]. La principale raison de carence en rhumatologues en ANF est donc la quasi absence de formation locale dans cette spécialité. En effet jusque dans les années 1990, la rhumatologie était enseignée par des médecins missionnaires français, par des internistes locaux ou souvent par des chirurgiens orthopédistes. Les cours de rhumatologie se limitaient souvent aux atteintes ostéoarticulaires de maladies infectieuses (tuberculose, lèpre, ostéites du drépanocytaire) alors que l’arthrose était enseignée dans sa prise en charge sémiologie rhumatologique n’était pas enseignée alors qu’elle constitue la base indispensable à la compréhension et surtout à la motivation des étudiants à s’intéresser à cette spécialité dès les premières années d’études en faculté ; comment alors susciter des vocations dans ces conditions ? Kolasinski et al ont mené une étude aux USA, concernant les motivations susceptibles de conduire les étudiants à choisir la spécialité de rhumatologie [24]. Le passage dans un service clinique de rhumatologie et le vécu ou l’influence au contact d’un rhumatologue sénior constituaient les premiers facteurs de motivation à choisir cette spécialité respectivement pour 35% et 28% des étudiants. Soixante pour cent des étudiants signalent leur premier contact avec la rhumatologie au cours de la deuxième année (33%) ou de la troisième année (27%) d’études de médecine [24]. La réalité est que les premières formations diplômantes en rhumatologie en ANF ne datent que de moins de deux décennies et principalement dans une seule université à Abidjan en Côte d’Ivoire par des rhumatologues formés en France. Jusqu’en juin 2015, dix-neuf rhumatologues tous pays confondus y ont été diplômés, ce qui est très insuffisant pour couvrir la demande de soins dans les pays de cet espace. La formation locale reste à promouvoir dans la mesure où bon nombre de rhumatologues et d’autres médecins africains formés dans les pays d’Europe et d’Amérique y restent exercer pour des raisons principalement économiques. L’étude internationale SAMSS (Sub-Saharian African Medical Schools Study) menée par Chen et al révèle que 26 % en moyenne des diplômés d’Afrique migrent en dehors du pays formateur dans les cinq ans suivant le diplôme [25] En Iran au début des années 1960, il y avait 8 rhumatologues formés en France et en Suisse. Depuis la création du diplôme de rhumatologie en 1985, le nombre de rhumatologues est passé à 150 en 2008, tous formés dans 37 départements d’universités à travers ce pays [26]. En France, 93% des rhumatologues formés en Bretagne exercent en Bretagne et 86% de ceux
formés en Alsace y restent [19].

La création et le développement de services de rhumatologie hospitaliers et universitaires est donc plus que nécessaire en ANF pour assurer une offre de soins optimale à mesure de répondre à la demande croissante des populations. Un groupe de travail international sur les écoles de médecine en Afrique subsaharienne a attiré l’attention sur le problème généralisé de l’effectif insuffisant de professeurs capables d’enseigner les sciences fondamentales et cliniques. Parmi les recommandations de ce travail publié en 2011 dans le Lancet, figure la nécessité d’ « établir des programmes de 3e cycle d’éducation médicale au niveau régional et national afin de stimuler la formation, l’excellence et la fidélisation » [27] La prévalence et le poids économique des pathologies rhumatologiques à l’échelon de chaque pays ou plus largement dans toute l’Afrique ne peuvent être évalués qu’à partir de travaux prenant en compte l’ensemble des populations nationales urbaines et rurales en vue d’une prise en compte par les pouvoirs publics. L’une des solutions peut être l’application du programme COPCORD (Community Orientated Program for the Control of Rheumatic Diseases) conjointement mis en place par l’OMS et l’ILAR (International League Against Rheumatism) et ayant fait ses preuves en Australie et en Chine notamment [28,29]. Il a permis de susciter une prise de conscience de l’importance de la rhumatologie en régions tropicales en incluant les populations rurales dans la prise en charge de leurs pathologies. On a pu ainsi estimer la prévalence des pathologies rhumatologiques dans des populations rurales ou urbaines du Mexique, de Chine, d’Inde ou des Philippines [30-33].

 

Conclusion

L’état des lieux de la rhumatologie en 2015 en ANF révèle une très faible couverture des pays en spécialistes rhumatologues. La carence en rhumatologues dans cet espace pourrait être comblée progressivement par des efforts de formations locales ou sous-régionales de qualité. Les pathologies les plus fréquentes sont celles retrouvées dans d’autres régions et continents du monde, dominées par l’arthrose.

Déclarations d’intérêts

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt.

 

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