PRISE EN CHARGE DES TRAUMATISMES OCULAIRES CHEZ L’ENFANT A L’HOPITAL D’INSTRUCTION DES ARMEES OMAR BONGO ONDIMBA A PROPOS DE 15 CAS

Mouinga Abayi D A, Brahime F, MVE MENGOME E
Service d’Ophtalmologie, Hôpital d’Instruction des Armées Omar BONGO ONDIMBA Libreville (GABON), BP 20404, Libreville
Auteur correspondant : MOUINGA ABAYI, BP 20404, + 241 62869084, mouingaabayi@yahoo.fr

 

Résumé

Objectif : Décrire les formes anatomo-cliniques et la prise en charge thérapeutiques des traumatismes oculaires
chez l’enfant à l’HIA OBO.

Patients et méthodes: Il s’est agi d’une étude rétrospective descriptive des traumatismes oculaires chez des enfants âgés de 0 à 15 ans allant du 1er Janvier 2018 au 31 Aout 2019. Les données ont été analysées par le logiciel Excel 2010 et Epi info version 7.

Résultats: Nous avons colligé 15 patients avec un sex-ratio de 2 et un âge moyen de 8,0 ±4,7 ans. La principale circonstance de survenue du traumatisme était l’accident de jeux. Le délai moyen de consultation était de 2,1 ± 2,1 j. Le traumatisme était unilatéral dans tous les cas et intéressait l’oeil gauche dans 8 cas. Les plaies représentaient 10 cas et les contusions 5 cas. Les plaies étaient cornéennes dans 8 cas, sclérale dans 1 cas et cornéo-sclérale dans 1 cas. Trois cas avaient un hyphéma et une hypertonie oculaire. Le traitement chirurgical a été indiqué chez 12 enfants. Le délai moyen du traitement chirurgical était de 14,4 ± 21,8 h. L’acuité visuelle après un recul de 5 j en moyenne était égale à 5/10 dans les contusions et 0/10 dans les plaies.

Conclusion: Les traumatismes oculaires chez l’enfant sont fréquents et responsables dans une proportion élevée de perte de la fonction visuelle, d’où l’importance de la prévention.

Mots-clés: plaie, contusion, hyphéma post-traumatique, hypertonie oculaire post-traumatique, enfant

Summary

Objective: To describe the anatomo-clinical forms and the therapeutic management of ocular trauma in children at HIA OBO.

Patients and methods: This was a descriptive retrospective study of eye trauma in children aged 0 to 15 years from January 1, 2018 to August 31, 2019. The data were analyzed by Excel 2010 software and Epi info version 7.

Results: We collected 15 patients with a sex ratio of 2 and a mean age of 8.0 ± 4.7 years. The main circumstance in which the trauma occurred was a gambling accident. The mean time to consultation was 2.1 ± 2.1 days. The trauma was unilateral in all cases and involved the left eye in 8 cases. The wounds represented 10 cases and the contusions 5 cases. The wounds were corneal in 8 cases, scleral in 1 case and corneal-scleral in 1 case. Three cases had hyphema and ocular hypertension. Surgical treatment was indicated in 12 children. The mean time to surgical treatment was 14.4 ± 21.8 h. Visual acuity after a mean follow-up of 5 days was 5/10 in bruises and 0/10 in wounds.

Conclusion: Eye injuries in children are frequent and responsible for a high proportion of loss of visual function, hence the importance of prevention.

Keywords: Injury, contusion, post-traumatic hyphema, post-traumatic ocular hypertonia, child

 

Introduction

Les traumatismes oculaires sont l’ensemble des lésions morbides, sur le globe oculaire, produites par une violence extérieure [1]. Si les traumatismes oculaires sont un problème majeur de santé publique, ils revêtent une importance capitale lorsqu’il s’agit de l’enfant [2], car ils représentent un motif fréquent de consultation aux urgences ophtalmologiques [3,4]. Ils sont graves par leur répercussion sur la vision de l’oeil atteint, le risque majeur d’amblyopie, la perte de la vision binoculaire et de la vision du relief ainsi que le risque inflammatoire [5]. En fin ils constituent la principale cause de cécité monoculaire non congénitales chez l’enfant [6,7,8]. Le but de cette étude est d’évaluer le profil épidémiologique des traumatismes oculaires chez l’enfant et leur prise en charge.

 

Patients et méthodes

Il s’est agi d’une étude rétrospective et descriptive portant sur l’épidémiologie et la prise en charge des traumatismes oculaires chez l’enfant, sur une période de 20 mois, allant du 1er Janvier 2018 au 31 Août 2019. Les patients ont été recrutés à partir des dossiers médicaux des archives et registres de consultation du médecin en charge des urgences ophtalmologiques. Nous avons inclus tous les enfants âgés de 0 à 15 ans, admis pour un traumatisme oculaire et vus par un médecin ophtalmologiste en charge des urgences ophtalmologiques. Nous n’avons pas inclus tous les patients ayant un traumatisme oculaire et âgés de plus de 15 ans, mais également ceux vus en dehors de la période d’étude. La collecte des données s’est faite à partir des fiches pré-établies. Les paramètres étudiés étaient le sexe, l’âge, le délai de consultation, les circonstances de survenue du traumatisme, l’agent vulnérant, le traitement, la durée d’hospitalisation, le résultat fonctionnel. Le traitement et l’analyse des données ont été faits par le logiciel Excel de Microsoft office 2010 et Epi info version 7.

Résultats

Durant période d’étude, nous avons reçu 4013 patients, dont 90 cas de traumatismes oculaires, soit une fréquence de 2,2%. Parmi ces patients, nous avons colligé 15 enfants de 0 à 15 ans, soit une proportion de 16,7%. Il y avait 10 hommes et 5 femmes, soit un Sex-Ratio de 2. L’âge moyen de nos patients était de 8,0 ± 4,7 ans avec des extrêmes de 2 ans et 15 ans. La tranche d’âge de 0 à 5 ans comprenait 7 cas. Douze enfants étaient scolarisés, soit 80%. Les circonstances de survenue du traumatisme étaient les accidents de jeux dans 9 cas, les accidents domestiques dans 5 cas et les sévices corporels dans 1 cas. L’agent traumatisant était le morceau de bois dans 5 cas, les bris de verre dans 3 cas, la barre de fer dans 3 cas, le projectile dans 2 cas, le couteau dans 1 cas et la boucle de ceinture dans 1 cas. Le délai moyen de consultation était de 2,1 ± 2,1 j avec des extrêmes de 0 et 16 j. Huit enfants avait consulté le jour-même de l’accident.
L’atteinte était unilatérale dans tous les cas, avec une prédominance de l’oeil gauche (8 cas). L’acuité visuelle avait été évaluée chez 10 enfants et avait objectivé une acuité visuelle supérieure ou égale à 5/10 dans 2 cas, une acuité visuelle comprise entre une perception lumineuse et une acuité visuelle 1/20 dans 2 cas. Six enfants ne percevaient pas la lumière, soit une acuité visuelle réduite en une absence de perception lumineuse. Il y avait 10 traumatismes à globe ouvert ou plaie dont 8 cornéennes (figure 1), 1 cornéo-sclérale (figure 2) et 1 sclérale (figure 3), et 5 traumatismes à globe fermé ou contusion, avec 3 cas d’hyphéma (figure 4) et 1 cas d’hypertonie oculaire.

La prise en charge avait consisté en une hospitalisation, avec des mesures hygiénodiététiques telles que la cure hydrique dans 2 cas. Le traitement médicamenteux comprenait les antalgiques, les anti-inflammatoires stéroïdiens et non stéroïdiens chez tous nos patients. Un traitement antibiotique à base d’amoxicilline-acide clavulanique et métronidazole était administré chez les 10 enfants qui avaient une plaie de l’oeil. Des collyres cycloplégiques étaient instillés chez tous les patients.
Un traitement hypotonisant avait été administré au patient qui avait l’hypertonie oculaire. Un traitement chirurgical avait été indiqué dans 12 cas, notamment chez les 10 patients qui avaient la plaie de l’oeil et chez celui qui avait l’hypertonie oculaire et celui qui avait l’hyphéma. Le délai moyen de la prise en charge chirurgicale était de 24 h à 3 j. La durée moyenne d’hospitalisation était de 5,0 ± 6,2 j. Le pronostic visuel évalué chez 10 enfants (acuité visuelle) à la fin de la prise en charge avait objectivé 6 cas d’absence de perception lumineuse, 2 cas perception lumineuse et une acuité visuelle à 2/10 dans 1 cas et à 4/10 dans 1 autre cas.

 

Discussion

Notre étude présente des limites liées au caractère rétrospectif qui fait que certaines informations n’aient pas été retrouvées dans les dossiers, mais aussi liées à l’aspect monocentrique avec des résultats qui ne peuvent pas être extrapolables à l’ensemble de la population gabonaise.
Nous avons recensé 15 cas, soit une fréquence 16,7%. Cette fréquence est basse par rapport à celles de Meda au Burkina Faso en avec 21,4% [9], Zouali en Tunisie avec 39% [10] et Seck au Sénégal avec 36,4% [11]. Cela peut s’expliquer par la petite taille de notre échantillon. Notre fréquence est plus élevée que celle de Yaya en République Centrafricaine avec 8,1% [12] en raison du refus par les parents de conduire les enfants à l’hôpital en cas de sévices corporels par crainte de poursuites [12]. Nous avons recruté 10 hommes pour 5 femmes, soit un sex-ratio H/F = 2. Ces résultats sont proches de ceux de Meda en au Burkina-Faso [9], Mensah en République de Côte d’Ivoire [13] et Ben Zina en Tunisie avec un sex-ratio respectif de 2,3, 2,6 et 2,7 [14], soulignant la prédominance masculine dans les traumatismes oculaires. L’âge moyen de nos patients était de 8 ans. Ces résultats sont similaires à ceux de LAM au Sénégal en avec 8,5 ans [15], Mensah en République de Côte d’ivoire avec 8,7 ans [13].
Les circonstances de survenue du traumatisme dans notre série sont dominées par jeux d’enfants puis les accidents domestiques. Ces mêmes circonstances sont retrouvées par d’autres auteurs tels que Mensah en République de Côte d’Ivoire dans 52,84 % des cas [13], Doutetien au Bénin avec 41% des cas [16], Lam au Sénégal avec 24,5% des cas [15] et Meda au Burkina-Faso avec14,6% des cas [9]. Les sévices corporels sont retrouvés seulement chez 1 enfant dans notre série, alors que Yaya en République Centrafricaine les retrouve comme principale circonstance de survenue avec 26% [12], quant à Bella au Cameroun, ils constituent la deuxième circonstance de survenue avec 23,7% des cas [17]. Les agents traumatisants sont variés, cependant, le morceau de bois est le principal agent traumatisant dans notre série. Ce constat est fait par Mensah en République de Côte d’Ivoire qui rapporte 35% des cas [13]. Par contre le projectile, notamment la pierre, est rapporté par d’autres auteurs comme Ben Zina en Tunisie avec 33% des cas [14] et Lam au Sénégal avec 21,4% des cas [15]. Le délai de consultation dans notre série est de 2 j en moyenne.
Dans l’étude de Lam au Sénégal, 56% des enfants ont été le jour-même de l’incident [15]. Par contre Yaya souligne un retard considérable avec seulement 6,1% des enfants admis dans les 24 h [12]. Mensah explique ce retard de consultation par une automédication, une prise en charge non spécialisée dans 67% des cas [13]. Dans notre série, nous avons recensé 10 traumatismes à globe ouvert et 5 contusions oculaires. Les résultats corroborent ceux de Lam au Sénégal avec 62% de traumatismes à globe ouvert [15]. Par contre Koki au Cameroun rapporte 75% de traumatismes à globe fermé [18]. Dans la prise en charge, tous les patients ont eu un traitement médical. Un traitement chirurgical a été réalisé dans 80% des cas comme le rapporte MEDA au Burkina-Faso avec 65% des cas [9] et Ben Zina en Tunisie avec 73,63% des cas [14]. Le pronostic fonctionnel à la fin du traitement est réservé, voire mauvais. Il dépend du bilan lésionnel et des réparations effectuées. C’est ainsi que 6 enfants dans notre série avaient une absence de perception lumineuse. La baisse d’acuité visuelle profonde avait également été rapportée par Meda au Burkina-Faso dans 39 % des cas [9], Mensah en République de Côte d’Ivoire dans 55 % des cas [13] et Lam au Sénégal dans 67 % des cas [15]. Cela s’explique par la violence et la nature du traumatisme en cause.

 

Conclusion

Les traumatismes oculaires chez l’enfant sont fréquents. Ils touchent principalement l’enfant de sexe masculin qu’ils soient à globe ouvert ou à globe fermé. Leur prise en charge doit se faire dans un service spécialisé et ne doit souffrir d’aucun retard car ils sont responsables dans une proportion élevée de perte de la fonction visuelle. Un accent particulier doit être mis sur le rôle de la prévention.

 

Références

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