PROFIL EPIDEMIOLOGIQUE, CLINIQUE ET PRISE EN CHARGE DE LA BASSE VISION DE L’ENFANT A L’INSTITUT D’OPTHALMOLOGIE TROPICALE DE L’AFRIQUE (BAMAKO)

Mba Aki T1, Assoumou PA1, Sylla F2, Mve Mengome E1

1.Département d’Ophtalmologie, FMSS/USS, Gabon, Libreville,
2. Institut d’Ophtalmologie Tropicale de l’Afrique, Mali

Auteur correspondant: Mba Aki Tatiana, E-mail: mbatati4@yahoo.fr

Résumé

Introduction: De nombreuses études africaines ont été menées sur la déficience visuelle infantile. Elles ont été essentiellement axées sur la recherche des facteurs épidémiologiques et cliniques. Les données sur la prise en charge sont rares.

Objectif : Décrire le profile épidémiologique, clinique et la prise en charge de la basse vision de l’enfant à l’Institut d’Ophtalmologie Tropical de l’Afrique (IOTA).

Patient et méthodes : L’étude prospective et descriptive a concerné 46 enfants de 5 à 15 ans, malvoyants. Les données recueillies ont été l’âge, le sexe, l’acuité visuelle sans et avec les lunettes ordinaires, les gains visuels, les résultats du champ visuel, de la vision des couleurs et du contraste, les principales étiologies et la prescription d’aides visuelles. L’analyse statistique a été réalisée avec le logiciel Epi info 6.04dfr.

Résultats : L’âge moyen a été de 11,3 ±2,6 ans et les filles ont représenté 45,6% de l’effectif. Avant le port de lunettes ordinaires, 39,1% d’enfants avaient une basse vision modérée, 28,3% une basse vision sévère et 32,6% une cécité. Avec les verres, la vision de loin a été améliorée de 1 à 2 lignes pour 58,7% d’enfants et celle de près de 4 lignes pour 30,4%. Le champ visuel était altéré chez 19,6% d’enfants, la vision des couleurs chez 23,9% et la
sensibilité aux contrastes chez 32,6%. L’amblyopie a représenté 32% des étiologies. En plus des lunettes ordinaires, 4 aides visuelles ont été prescrites.

Conclusion : L’amblyopie et la rétinopathie pigmentaire sont les premières causes d’insuffisance visuelle chez les enfants à l’unité basse vision à l’IOTA. La prise en charge de ce handicap est surtout axée sur la prescription de lunettes ordinaires.

Mots-clés : Basse vison, lunettes, amblyopie, rétinopathie, acuité visuelle, champ visuel, cécité, vision des couleurs

Abstract

Introduction: Many African studies were conducted on childhood visual impairment. They mainly focused on the search for epidemiological and clinical factors. Data on management is scarce.

Purpose: To describe the epidemiological, clinical and low-vision profile of children at the Institute of Tropical Ophthalmology of Africa (IOTA).

Patients and methods: The prospective and descriptive study concerned 46 children from 5 to 15 years old, visually impaired. The data collected were age, sex, visual acuity with and without ordinary glasses, visual gains, visual field results, color vision and contrast, major etiologies and prescribing visual aids. The statistical analysis was performed with the software Epi info 6.04dfr.

Results: The mean age was 11.3 ± 2.6 years and girls accounted for 45.6% of the workforce. Before wearing ordinary glasses, 39.1% of children had a moderate low vision, 28.3% a low severe vision and 32.6% a blindness. With lenses, distance vision was improved by 1 to 2 lines for 58.7% of children and that of almost 4 lines for 30.4%. The visual field was impaired in 19.6% of children, color vision in 23.9% and sensitivity to contrast in 32.6%. Amblyopia accounted for 32% of etiologies. In addition to ordinary glasses, 4 visual aids have been prescribed.

Conclusion: Amblyopia and retinopathy pigmentosa are the leading causes of visual impairment in children with low vision unit at IOTA. The management of this handicap is mainly focused on the prescription of ordinary glasses.

Keywords: low mink, glasses, amblyopia, retinopathy, visual acuity, visual field, blindness, color vision

 

Introduction

La basse vision et la cécité représentent l’ensemble des déficiences visuelles dont la définition se fonde sur la classification internationale des maladies dans sa 10ème édition (CMI-10). Selon cette définition, la basse vision correspond à une acuité visuelle de loin, du meilleur oeil, avec la meilleure correction optique portée, comprise entre moins de 3/10ème et 1/20ème et/ou un champ visuel inférieur à 20°, quelle que soit l’acuité visuelle [1]. D’après les données 2010 de l’OMS, il y aurait dans le monde près de 285 millions de personnes présentant une déficience visuelle, dont 246 millions avec une basse vision, parmi elles, 19 millions d’enfants de moins de 15 ans. Par ailleurs, 12 millions d’enfants environ ont une déficience due à des défauts de réfraction [2]. En raison de nombreuses années à vivre avec ce handicap, la déficience visuelle de l’enfant a un impact économique et social. Elle constitue un lourd fardeau par les coûts importants qu’elle génère et qui concernent à la fois la consommation de ressources médicales et humaines [3]. Bien que de nombreuses études africaines aient été menées sur la question, la plupart étaient essentiellement axées sur la recherche des facteurs épidémiologiques et cliniques notamment étiolo-giques. Les données concernant la prise en charge de ce handicap sont rares en Afrique au sud du Sahara [4-6]. Cette prise en charge aide à améliorer la qualité de vie et l’intégration socioéducative d’enfants malvoyants. Toutefois elle nécessite une équipe pluridisciplinaire et un plateau technique adéquat qui ne sont pas souvent disponibles dans les pays à faibles revenus. De nombreuses raisons de ce manque ont été avancées [7,8]. Dans le souci d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients malvoyants au Mali, l’Institut d’Ophtal-mologie Tropicale de l’Afrique (IOTA) a mis en place un service basse vision. C’est dans cette unité que nous avons mené cette étude dont le but a été de décrire non seulement les aspects épidémiologiques et cliniques mais aussi la prise en charge de la déficience visuelle infantile.

 

Patients et méthodes

Il s’agit d’une étude observationnelle, transversale, à visée descriptive menée sur une période de six mois à l’unité basse vision de l’IOTA. La population d’étude a été constituée d’enfants présentant une basse vision ou déficience visuelle modérée et sévère avec les verres ordinaires. Le consentement parental a été obtenu au préalable. La déficience visuelle modérée se définit par une acuité visuelle de loin, du meilleur oeil, avec la meilleure correction optique, comprise entre moins de 3/10ème et 1/10ème et/ou un champ visuel inférieur ou égal à 20° quelle que soit l’acuité visuelle. La déficience visuelle sévère quant à elle se définit par une acuité visuelle de loin du meilleur oeil avec la meilleure correction optique comprise entre moins de 1/10ème et 1/20ème et/ou un champ visuel compris entre moins de 20° et 10° quelle que soit l’acuité visuelle. Il a été inclus les enfants âgés de 5 à 15 ans, déficients visuels modérés et sévères selon la définition de la CMI-10 de l’OMS, en tenant compte uniquement de l’acuité visuelle [1]. Tous les enfants ne répondant pas à la définition de la basse vision et ceux dont l’accord parental n’avait pas été obtenu n’ont pas été inclus. Le recrutement s’est déroulé à l’unité basse vision par un optométriste et un ophtalmologiste. Les données recueillies ont été l’âge (année), le sexe, l’acuité visuelle de loin du meilleur oeil et de près en binoculaire. L’acuité visuelle de loin (échelle décimale) a été évaluée à l’aide de l’échelle des E de Snellen placée à 4 mètres, sans, puis avec des lunettes ordinaires. La prescription des lunettes a nécessité l’utilisation d’un cycloplégique (Skiacol®). L’acuité visuelle de près (échelle de Parinaud) a été évaluée avec l’échelle de Rossano-Weiss placé à 33 centimètres sans, puis avec les lunettes ordinaires. Le bénéfice visuel de loin et de près après prescription de verres ordinaires a été évalué en calculant le gain visuel. Le calcul a consisté à faire la différence entre l’acuité visuelle avec les verres ordinaires et sans pour la vision de loin et de près. L’examen biomicroscopique a permis de préciser la principale lésion responsable de l’insuffisance visuelle. Le bilan fonctionnel visuel réalisé sans port de verres ordinaires a concerné le champ visuel, la vision des couleurs et le contraste. Les résultats de ce bilan fonctionnel ont été exprimés selon les termes satisfaisant, altéré et non réalisé. En ce qui concerne le champ visuel, il a été évalué par la méthode manuelle à la coupole de Goldman. Les résultats ont été notés en fonction de l’endroit où l’enfant déclarait voir le stimulus. Pour les enfants plus petits, la mobilisation des yeux à la l’approche du stimulus a été considérée comme stimulus vu. Le champ visuel a été considéré comme satisfaisant s’il était supérieur à 20°. La vision des couleurs a été testée par la méthode d’appariement de cinq crayons de couleur différente. Elle était dite satisfaisante si l’enfant arrivait à apparier toutes les couleurs (5/5). La sensibilité aux contrastes a été évalué avec le low contrast flip chart®. Elle a été considéré comme satisfaisante si le patient arrivait à reconnaitre les objets avec un contraste de 1,25%. En dehors de la prescription des lunettes ordinaires, les aides visuelles ont été essayées ultérieurement. Il s’était agi de loupes à poser ou à main et de téléloupes. L’analyse statistique a été réalisée à l’aide du logiciel Epi info 6.04dfr. Il a été calculé la fréquence des différents items.

Résultats

Caractéristiques sociodémographiques Cette série a colligé 46 enfants âgés de 5 à 15 ans dont l’âge moyen a été de 11,3 ±2,6 ans. La tranche d’âge de 10-15 ans a représenté 78,3% de l’effectif. La proportion des filles a été de 45,6%, soit un ratio homme/femme de 1,2. Acuité visuelle de loin sans et avec les lunettes ordinaires Avant la prescription de lunettes ordinaires, 39,1% d’enfants ont eu une basse vision modérée et 28,3% une basse vision sévère et 32,6% une cécité. Après le port de lunettes, 69,6% avaient une basse vision modérée et 30,4% (n=14/46) une basse vision sévère (Tableau I).

Tableau I: Acuités visuelles sans et avec lunettes ordinaires

Acuités visuellesSans lunettes ordinaires N (%)Avec lunettes ordinaires N (%)
De loin
- [1/10-3/10[18 (39,1)32 (69,6)
- ]1/10-1/20]13 (28,3)14 (34,4)
- <1/2015 (32,6)
De près
- Non évalué10 (21,7)10 (21,7)
- P26 (13,0)15 (32,6)
- P3-P66 (13,0)7 (15,2)
- < P624 (52,2)14 (30,4)

Acuité visuelle de près sans et avec les lunettes ordinaires
L’acuité visuelle de près n’a pas été évaluée chez 21,7% d’enfants, elle a été normale pour 13% et altérée (supérieure à P2) pour 65,2%. Après la prescription des lunettes, 42,9% (n=15/35) de l’effectif avait une vision de près normale (P2).

Gains visuels de loin et de près avec les lunettes ordinaires
L’acuité visuelle de loin s’est améliorée de 1 à 2 lignes pour 58,7% de l’effectif. Pour la vision de près, elle avait progressé de plus de 4 lignes pour 30,4% des enfants (Tableau II).

Tableau II: Gains visuels de loin et de près avec lunettes ordinaires

Gains visuelsEffectifs%
Gains visuels de loin
- Aucun gain1430,4
- 1-2 lignes2758,7
- 3-4 lignes510,9
Gains visuels de près
- Non évalué1021,7
- Aucun gain817,4
- 1-2 lignes715,2
- 3-4 lignes715,2
- >4 lignes1430,4

 

Autres bilans fonctionnels visuels Nous avons résumé les résultats des autres bilans fonctionnels réalisés chez les patients dans le tableau III. Ainsi, nous avions observé une altération du champ visuel chez 19,6% des enfants, une baisse de la vision des couleurs chez 23,9% et enfin une baisse des contrastes chez 32,6%.

Tableau III: Autres bilans fonctionnels visuels

Bilans fonctionnelsSatisfaisantsAltérésNon réalisés
Champ visuel27 (58,7%)9 (19,6%)10 (21,7%)
Vision des couleurs31 (67,4%)11 (23,9%)4 (8,7%)
Contrastes28 (60,9%)15 (32,6%)3 (6,5%

Principales étiologies responsables de la déficience visuelle du meilleur oeil
L’amblyopie a représenté 32% des étiologies responsables de la déficience visuelle, suivi de la rétinopathie pigmentaire, 21,3% (Tableau IV).

Aides visuelles
Tous les enfants ont bénéficié d’une prescription de lunettes ordinaires. En plus de ces verres, un enfant a été équipé d’une loupe à main, un d’une loupe à poser et deux autres de téléloupes

Tableau IV: Principales étiologies responsables de la déficience visuelle du meilleur oeil

Diagnostics cliniquesEffectifs (n= 46)%
Amblyopie1532,0
Rétinite pigmentaire1021,3
Albinisme919,1
Glaucome48,5
Uvéite24,2
Maculopathie24,3
Hypoplasie papillaire24,3
LCET* (stade IV de Joseph Diallo)2 4,3
Kératocône12,1

*limbo-conjonctif endémique des tropiques

 

Discussion

Cette étude a permis de colliger 46 cas de déficience visuelle infantile modérée et sévère. Elle a retrouvé que l’amblyopie était la principale cause d’insuffisance visuelle chez les enfants admis à l’unité basse vision. Aussi, la prescription des lunettes ordinaires a constitué l’essentielle de la prise en charge, les aides optiques étant faiblement prescrites.

Caractéristiques sociodémographiques
La moyenne d’âge des enfants admis à l’unité basse vision a été de 11,3 ans. Cette moyenne d’âge est conforme à celle retrouvée dans de nombreux centre de réhabilitation visuels [9-11]. En effet, elle était de 10,6 ±3,0 ans dans une série turque où la population d’étude avait entre 6 et 18 ans [9]. Dans deux centres Indiens, les âges moyens étaient de 10,5±3,2 ans et 11,9±2,3 ans [10, 11]. Le fait que cette moyenne d’âge soit fréquente dans certains centres de réhabilitation serait probablement en rapport avec le fait qu’il s’agit d’un âge verbal où l’évaluation de la fonction visuelle est plus aisée. Aussi, il s’agit d’une période où l’enfant est déjà scolarisé et nécessite une bonne vision. Bien qu’elle ne soit pas significative, il a été retrouvé une prédominance masculine dans cette étude. Cette tendance est observée dans de nombreuses régions du monde. Au niveau du centre de réhabilitation d’Ankara, les garçons ont représenté 58,7% de l’effectif [9]. Dans celui de l’état de Telangana en Inde, l’effectif masculin était quant à lui de 57% [11]. Concernant les milieux hospitaliers non spécialisés et éducatifs spécialisés il existe une variabilité des résultats [12-15].

Acuité visuelle de loin avant et après le port des lunettes ordinaires
Avant la prescription des verres ordinaires, moins de la moitié d’enfants avait une déficience visuelle modérée (catégorie I, OMS). Après la prescription de verres, cet effectif était passé à deux tiers. De plus, les 32,6% d’enfants qui avaient une déficience visuelle profonde, catégorie III de l’OMS avaient amélioré leur vision. Grâce au port de lunettes ordinaires, ces patients avaient quitté le statut de déficient visuel profond. Ovenseri-Ogbomo et al, avaient également étudié le bénéfice du port de lunettes dans une population de patients déficients visuels âgés de 14 ans et plus. Ils avaient noté qu’avant le port des verres, 51,6% de leur effectif avait une basse vision modérée, après le port, ce taux avait augmenté pour atteindre 74,2%. Ils avaient aussi constaté que le nombre de patients qui avait une déficience visuelle profonde avait diminué après le port des verres [3]. Aussi He et al avaient amélioré la vision des enfants déficients visuels avec les verres optiques à Shanghai [16].

Acuité visuelle de près sans et avec prescription des lunettes ordinaires
Malgré le fait que la vision de près n’a pu être évaluée chez tous les enfants, elle était cependant normale chez 21,7% avant le port des lunettes. Après la prescription, un tiers avait une vision de près normale. Bien que les données de la littérature soient fournies en matière de déficience visuelle, l’analyse de la vision de près est rarement discutée par les auteurs. Néanmoins, Omar et al retrouvaient que la totalité des enfants déficients visuels de leur série avait une baisse de la vision de près avant la prescription des aides visuelles. Elle s’améliorait pour 67,6% d’entre eux après utilisation des aides optiques sans pour autant se normaliser [17].  Ovenseri-Ogbomo et al avaient aussi étudié le bénéfice visuel de près après l’utilisation des aides optiques à partir d’un questionnaire de la fonction visuelle de l’Institut national des yeux sur la qualité de vie. Le score avant l’utilisation des aides optiques était de 54,37% contre 76,59% après usage de cellesci. Ces études, ainsi que la nôtre suggèrent donc de l’importance de l’atteinte visuelle de près dans la déficience visuelle. Toutefois, le fait que la fiche standardisée de l’OMS pour l’enregistrement des causes de perte visuelle chez l’enfant soit celle utilisée par plusieurs enquêtes concernant la malvoyance pourrait expliquer le manque de données concernant la vision de près. En effet, celleci ne tient compte que de l’acuité visuelle de loin et la vision fonctionnelle. Une autre raison pourrait être que la classification internationale des maladies (CIM) catégorise les handicaps visuels en fonction de l’acuité visuelle de loin et du champ visuel et ne tient pas compte également de la vision de près. Il serait souhaitable que l’acuité visuelle de près rentre dans la nouvelle classification internationale du handicap visuel et vienne s’ajouter à l’acuité visuelle de loin. La prescription de lunettes ordinaires a permis une amélioration modeste aussi bien de la vision de loin que de près. Toutefois, une dégradation de celle-ci est à prévoir dans notre série chez les enfants qui ont présenté des affections dont l’évolution se fait naturellement vers la cécité, c’est le cas de la rétinopathie pigmentaire.

Gains visuels de loin et de près avec les lunettes ordinaires
Les bénéfices visuels de loin et de près ont été exprimés en ligne d’acuité visuelle. Cette amélioration visuelle a été utilisée comme critère de réussite de la prise en charge de la basse vision infantile dans cette étude. Toutefois, il est établi que les mesures d’acuité visuelle ne sont pas bien corrélées avec les performances réelles des patients malvoyants en raison des différences entre le milieu clinique où l’acuité visuelle est mesurée et l’environnement des patients, d’où l’utilisation d’autres critères. En effet, certains travaux ont utilisé comme critère d’évaluation de la réussite d’une réhabilitation visuelle, la capacité d’exécuter différentes activités au quotidien [3,11,18]. Selon ces critères, le succès des services de basse vision est défini par la réduction du niveau de difficulté à effectuer une tâche ou un objectif visuel.

Autres bilans fonctionnels visuels
L’acuité visuelle et le champ visuel qui définissent la déficience visuelle ne sont pas suffisants pour apprécier la qualité de la vision restante, utile pour
mieux déterminer les moyens de compensation, d’où l’intérêt d’une évaluation de la sensibilité aux contrastes et de la vision des couleurs. La vision des couleurs a été altérée chez 23,9% d’enfants de cette série. Ce taux est probablement sous-estimé à cause de sa non appréciation chez certains enfants de cette étude et aussi à cause de la méthode d’évaluation pratiquée. En effet, le choix d’apparier les couleurs a été le nôtre dans ce travail à cause de sa facilité de compréhension et de réalisation. Les personnes souffrant de basse vision présentent souvent une perception réduite des couleurs [3,4,19]. Dans ce contexte, il est généralement suffisant de vérifier si le patient peut voir ou faire correspondre les couleurs primaires à partir des crayons de couleurs ou des morceaux de tissu de couleur. Toutefois, les tests formels de la vision des couleurs tels que l’Ishihara et le Farnsworth peuvent être indispensables pour poser le diagnostic exact quant à la cause de la perte de la vision [19,20]. La sensibilité aux contrastes a été réalisée pour un grand nombre d’enfants déficients visuels de cette série. Elle a été altérée chez plus du tiers des enfants de l’étude. Son analyse est un bon test de suivi permettant de détecter les variations fines de la fonction visuelle. Aussi, une faible sensibilité au contraste peut expliquer des difficultés à effectuer de nombreuses tâches lorsque l’éclairage est faible [19,20]. L’évaluation de la vision des couleurs et de la sensibilité aux contrastes permet de mettre en place des stratégies de réhabilitation.

Principales étiologies responsables de la déficience visuelle du meilleur oeil
L’amblyopie (32%) a été la première cause d’insuffisance visuelle, suivi de la rétinopathie pigmentaire (21,3%) et de l’albinisme (19,1%). Une étude menée dans la même ville mais en milieu scolaire spécialisé pour enfants déficients visuels retrouvait que l’amblyopie et la rétinopathie pigmentaire représentaient seulement 3,6% et 2,7% des causes respectivement. Ce grand écart entre les résultats serait probablement dû au fait que la population de cette étude citée était plus grande, de plus il y était inclus tous les différents stades de déficience visuelle [21]. Au Nigéria une étude sur la basse vision fonctionnelle d’enfants d’âge scolaire observait comme nous que les lésions rétiniennes et l’amblyopie étaient les causes les plus fréquentes d’atteintes visuelles [22]. Au sud Soudan, les causes principales étaient le trachome (58,1%) et la cataracte congénitale (29,3%) [23], tout comme au Cameroun pour ce qui est de la cataracte congénitale (25,4%) [6]. Pour Haddad, les affections congénitales telles que le glaucome (30,6%), la choriorétinite maculaire liée à la toxoplasmose (16,7%) et la cataracte (12,8%) étaient surtout incriminés [24]. L’albinisme, la rétinopathie pigmentaire et la dystrophie cônes-bâtonnets affectaient un grand nombre d’enfants néerlandais déficients visuels [25]. Cette disparité étiologique de la déficience visuelle pourrait s’expliquerait par une différence des facteurs ethniques, génétiques et environnementaux d’une part et d’autre part par les différences méthodologiques.

Aides visuelles
Tous les enfants ont bénéficié d’une prescription de lunettes ordinaires. En plus de ces lunettes, les aides optiques essayées étaient une loupe à main, une loupe à poser et deux téléloupes. Bien que disponibles et gratuits à l’unité basse vision de l’IOTA, les aides optiques ont été faiblement prescrits. Une faible prescription de celles-ci était également décrite dans les études de Li et al [26], de Shah et al [15] et d’Omar et al [17]. En effet, l’utilisation des aides visuelles nécessite une longue période d’apprentissage au cours de nombreuses séances de réhabilitation se déroulant aussi bien en milieu hospitalier qu’en milieu scolaire et à domicile dans certains cas. Cette prise en charge exige un personnel qualifié. Ses différentes contraintes pourraient expliquer la faible prescription des aides optiques chez les enfants déficients visuels.

 

Conclusion

L’amblyopie et la rétinopathie pigmentaire sont les premières causes d’insuffisance visuelle chez les enfants admis à l’unité de basse vision à l’IOTA. La prise en charge de ce handicap est surtout axée sur la prescription de lunettes ordinaires qui offrent dans certains cas une amélioration modeste de la vision aussi bien de loin que de près. Il est retrouvé une faible prescription d’autres types d’aides optiques pourtant disponibles et gratuites. Une meilleure organisation de l’unité basse vision et la formation de personnels qualifiés pourrait permettre d’optimiser la prise en charge et donc la vision d’enfants malvoyants. Toutefois il serait souhaitable d’approfondir cette étude en évaluant le retentissement de cette amélioration sur la qualité de vie des enfants malvoyants à partir d’un questionnaire validé.

 

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