ACTIVITES ANTIBACTERIENNE, ANTILEISHMANIENNE ET TRYPANOCIDE D’HYMENOCARDIA ACIDA

Akendengué B1*, Ambolo Kanga CM1, Mbongo Kama E2, Bories C3, Loiseau P3

1 Département de Pharmacologie et Toxicologie, Faculté de Médecine et des Sciences de la Santé, BP 4009,
Libreville, Gabon
2 Laboratoire de Biologie Médicale, Hôpital d’Instruction des Armées Omar Bongo Ondimba,Libreville, Gabon
3 Laboratoire de Chimie des Substances naturelles et de Chimiothérapie antiparasitaire, UMR 8076 CNRS BioCIS, Faculté de Pharmacie, Université Paris XI, 92296 Châtenay-Malabry Cedex, France

*Correspondance : Blandine Akendengué, BP 7464 Libreville (Gabon), E-mail : akendengueb@gmail.com

Résumé

Introduction : Une résistance accrue des microbes aux médicaments est observée. L’activité d’Hymenocardiaacida, plante africaine, a été évaluée sur diverses espèces.

Matériel et méthodes : Les extraits ont été préparés par macération successive de l’écorce de tronc d’H. acida, récoltée à Ekala et broyée, dans des solvants organiques à polarité croissante. Deux extraits ont été obtenus par traitement direct de la drogue par le méthanol et l’eau. Tous les extraits préparés ont été filtrés et évaporés sous vide. Les activités antibactérienne et antifongique ont été évaluées in vitro par la méthode de diffusion des disques sur Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Staphylococcus aureus, Streptococcus B et Candida albicans alors que les activités antiparasitaires ont été déterminées selon la méthode de dilution contre Leishmania donovani donovani et Trypanosoma brucei brucei. Le criblage chimique des extraits a été réalisé avec les réactifs spécifiques des composés.

Résultats : L’extrait méthanolique brut d’écorce d’H. acida a révélé une forte activité contre Staphylococcus aureus et Streptococcus B suivi de l’extrait acétate d’éthyle. Les extraits méthanoliques ont aussi été actifs sur K. pneumoniae, T. brucei brucei et C. albicans. L’extrait chlorométhylénique s’est révélé actif sur L. donovani donovani. Aucune activité n’a été observée sur Escherichia coli. H. acida contient des alcaloïdes, flavonoïdes, terpènes, saponosides et stérols, responsables de son activité.

Conclusion : L’activité antimicrobienne d’H. acida justifie son utilisation dans le traitement des pathologies infectieuses.

Mots clés : Hymenocardia acida, antibactérien, antileishmanien, H. acida, Staphylococcus aureus, Streptococcus B, Klebsiella pneumoniae, Leishmania donovani donovani, Trypanosoma brucei brucei.

Summary

Introduction: The problem of microbial resistance is growing. Hymenocardia acida activity, an African plant, was evaluated against various species.

Materials and methods: The extracts were obtained by maceration of powdered dried trunk bark of H. acida, collected in Ekala village, which was sequentially extracted with organic solvants. Two crude extracts were obtained by direct maceration of plant in methanol and water. All extracts were filtered and evaporated to dryness under reduced pressure with a rotatory evaporator. Antibacterial and antifungal activities were evaluated in vitro, using diskdiffusion method on Agar plate, against Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Staphylococcus aureus, Streptococcus B and Candida albicans. Extracts were screened for antileishmanial and antitrypanosomal activities, against Leishmania donovani donovani and Trypanosoma brucei brucei respectively, using the microdilution assay. Chemical screening was also conducted.

Results: The crude methanol extract of H. acida trunk bark showed the highest activity against Staphylococcus aureus and Streptococcus B followed by the ethyl acetate extract. The crude and residual methanol extracts were active against K. pneumoniae, T. brucei brucei and C. albicans. The dichloromethane extract displayed an activity against L. donovani donovani. All extracts of H. acida trunk bark were inactive against Escherichia coli. Results showed alkaloids, flavonoids, terpenoids, saponins and tannins, responsible of H. acida activity.

Conclusion: Antibacterial and antileishmanial activities exhibited by the extracts of H. acida trunk bark justify the traditional use of the plant.

Keywords: Hymenocardia acida, antibacterial, antileishmanial, Staphylococcus aureus, Streptococcus B, Klebsiella pneumoniae, Leishmania donovani donovani, Trypanosoma brucei brucei.

 

Introduction

Hymenocardia acida Tul. est un arbuste de savane faisant anciennement partie de la famille des Euphorbiaceae et qui a été récemment intégré dans celle des Phyllantaceae selon des critères phylogénétiques [1,2]. En Afrique, la plante est reconnue antalgique, fébrifuge, antipaludique, antiinfectieuse [3,4] et antidiarrhéique [5]. Elle est recommandée pour le traitement de la drépanocytose au Bénin et au Congo [6,7], de l’hypertension [6,8], et en cas de crises convulsives [6]. Les feuilles et l’écorce de tiges sont utilisées pour le traitement des maladies digestives [3, 9,10]. Le décocté de la racine traite les hémorroïdes [5]. Au Gabon, l’écorce de tronc est utilisée pour teindre le raphia en rouge [11]. Les études biologiques réalisées sur H. acida ont mis en évidence ses propriétés antibactérienne et antifongique [12], antiplasmodiale [4] et trypanocide [13]. Son action sur la drépanocytose [7] et sa toxicité ont été décrites [9,14,15]. L’extrait aqueux d’écorce de tiges d’H. acida a révélé, in vivo, une action sur l’ulcère de l’estomac chez le rat [9]. Les études chimiques d’H. acida, ont conduit à l’isolement d’alcaloïdes tels que l’hymenocardine [4], de flavonoïdes, triterpènes et stilbenoïdes [2]. Une enquête ethnopharmacologique, réalisée dans le sud-ouest du Gabon au village Ekala, a permis de recenser H. acida, désignée Onguaragha par les Tékés qui utilisent le décocté de l’écorce de tronc pour soigner les maux de ventre, la toux et la tuberculose. Ekala est un village où il n’existe pas de centre médical. Les habitants de cette localité ayant presque exclusivement recours aux plantes médicinales et à la médecine traditionnelle pour leurs soins de santé, nous avons choisi d’étudier l’activité biologique de quelques espèces de leur arsenal thérapeutique. Nous sommes intéressés aux plantes utilisées dans le traitement des pathologies infectieuses et notamment à H. acida. Quelques travaux ont déjà été publiés sur les plantes antiinfectieuses du Gabon [16-24]. L’objectif de l’étude a été d’évaluer les activités antibactérienne et antiparasitaire de l’écorce de tronc d’H. acida, parallèlement à un ciblage chimique, en vue de conforter son utilisation en ethnomédecine. Aucune étude ne semble avoir été préalablement réalisée sur cet organe.

 

Matériel et méthodes

Matériel végétal

L’écorce de tronc d’Hymenocardia acida a été récoltée en avril 2016 au village Ekala du Département des Hauts Plateaux, Province du Haut Ogooué. L’identification scientifique de la plante a été faite par Henri Paul Bourobou Bourobou à l’Herbier national du Gabon.

Méthodes de préparation des extraits d’H. acida

L’écorce de tronc d’H. acida a été découpée en morceaux et séchée dans une salle climatisée à 17°C durant deux semaines. L’écorce sèche a ensuite été broyée à l’aide d’un broyeur. La poudre d’écorce de tronc d’H. acida obtenue (400 g) a été extraite par 1600 ml de cyclohexane à température ambiante pendant 72 heures. Après filtration, la solution extractive a été évaporée sous vide à l’aide d’un évaporateur rotatif BUCHI® pour fournir un extrait cyclohexanique de couleur verte (HAH). Le marc a ensuite été séché et successivement extrait selon le même procédé par le dichlorométhane (CH2Cl2) pour donner un extrait chlorométhylénique vert-noir (HAD), par l’acétate d’éthyle qui a conduit à un extrait acétate d’éthyle sec marron (HAE)et par le méthanol (MeOH) pour fournir un extrait méthanolique résiduel d’aspect rouge-sang (HAR). L’extraction directe de 20 g de poudre d’écorce de tronc d’H. acida par 80 ml de MeOH a fourni, après filtration et évaporation à l’aide d’un évaporateur rotatif, un extrait méthanolique brut sec rouge foncé (HAM). Un extrait alcaloïdique a par ailleurs été préparé par extraction par CH2Cl2 (80 ml) de 20 g de poudre d’écorce de tronc préalablement dégraissée par du cyclohexane puis alcalinisée avec de l’ammoniaque (NH4OH) 15%. Après concentration à pression réduite, la phase organique alcaline a été extraite par une solution diluée d’acide chlorhydrique (HCl). La phase aqueuse acide a été séparée de la phase organique puis elle a été alcalinisée avec du NH4OH 15% avant d’être extraite par le CH2Cl2. L’évaporation du solvant a conduit à l’extrait alcaloïdique total (HAA) contenant les alcaloïdes bases. La recherche des saponosides a été effectuée sur l’infusé aqueux d’écorce de tronc d’H. acida. Dans un erlenmeyer, 50 ml d’eau bouillante ont été ajoutés à 0,5 g de poudre d’écorce de tronc. Le mélange a été maintenu pendant 30 minutes dans un bain marie à 100 °C puis il a été filtré. Après refroidissement, on a ajouté de l’eau distillée au filtrat afin d’ajuster le volume à 50 ml et fournir l’infusé aqueux d’écorce de tronc d’H. acida (HAO).

Evaluation de l’activité antileishmanienne in vitro

Les promastigotes de Leishmania donovani donovani (MHOM/IN/80/DD8) ont été employés et les tests ont été réalisés selon le protocole décrit par Raynaud-Le Grandic et al., 2004 [25]. Il s’agit d’un criblage dont le but est de sélectionner des drogues pouvant présenter un potentiel thérapeutique intéressant. Une suspension de 105 leishmanies au stade promastigote dans 100 μl de milieu complet de culture a été placée au fond de chaque puits d’une microplaque (96 puits). Le milieu de culture était composé d’Hepès (25 mM)-RPMI 1640, enrichi de sérum de veau foetal décomplémenté (10%) et de gentamicine (50 μg/ml) [26]. Les extraits à tester ont d’abord été mis en solution dans le diméthylsulfoxide (DMSO). Ce solvant étant toxique pour les leishmanies, les solutions ont ensuite été diluées dans du RPMI (1x) afin d’abaisser la concentration finale en solvant à moins de 2% (v/v), pourcentage qui n’affecte pas la viabilité des parasites. Après 1 heure d’incubation à 27 °C, les extraits à tester à raison de 5 μl par puits, ont été mis en contact avec les parasites. Les extraits ont été testés à une concentration initiale de 1000 μg/ml, suivie de dilutions successives de moitié pour ceux qui se sont révélés actifs. Après une incubation de 3 jours à 27 °C, la viabilité des promastigotes a été évaluée. La concentration inhibant 50 % des parasites en culture (CI50), a été évaluée par le test colorimétrique au MTT (bromure de diméthyl-thiazoldiphényltétrazolium). Le MTT est un colorant jaune pénétrant dans les cellules vivantes au sein desquelles il est réduit en formazan par les enzymes de la chaîne respiratoire. La coloration bleue obtenue est proportionnelle au nombre de cellules vivantes. La CI50 a été obtenue à partir de la courbe concentration du produit – % de parasites survivants. L’iséthionate de pentamidine a été employé comme substance de référence.

Evaluation de l’activité trypanocide in vitro

L’activité trypanocide a été évaluée par des essais in vitro sur une souche de Trypanosoma brucei brucei GVR 35 (Glasgow Veterinary Research), au stade trypomastigote. La souche a été conservée dans l’azote liquide. Les parasites ont été récupérés par la méthode du buffy-coat dans le sang d’une souris fortement infectée, puis ils ont été dilués de façon adéquate à l’aide du milieu de culture (Minimum Essential Medium, Gibco, BRL) pour obtenir 200.000 trypomastigotes par ml. Les formes circulantes du parasite ont été cultivées in vitro sans perte de leur pouvoir infectieux, pendant 24 heures à 37 °C dans une atmosphère d’air contenant 5 % de CO2. Les parasites ont été répartis en plaques de 96 puits de 200 μl à raison de 2×105 par ml. Les parasites ont été cultivés pendant 24 h [27]. Ensuite, 5 μl de la dilution adéquate, dans le DMSO, des produits testés ont été ont été additionnés, chaque concentration étant testée deux fois. Les extraits ont été testés à une concentration initiale de 1000 μg/ml, suivie de dilutions successives de moitié pour ceux qui se sont révélés actifs. Les puits témoins ont reçu seulement le solvant de dissolution (5 μl, soit 2,5 %). Après 24 heures d’incubation, la viabilité des trypanosomes a été estimée par observation directe à l’aide du microscope optique. Les résultats ont été exprimés sous forme de CL100, concentration minimale tuant tous les parasites dans les puits après 24 heures. Les plus fortes dilutions du produit évalué, où il n’y a plus de trypanosomes vivants, ont été injectées à une souris naïve pour vérifier la totale disparition de trypanosomes infectieux. La substance de référence utilisée a été un dérivé du mélarsoprol (Mel W) soluble en milieu aqueux.

Détermination de l’activité anti-infectieuse in vitro par la méthode de diffusion des disques

Les bactéries utilisées ont été des souches cliniques d’Escherichia coli (sauvage et BMR), Klebsiella pneumoniae, Staphylococcus aureus (sauvage et BMR) et Streptococcus B du Laboratoire de Biologie médicale de l’Hôpital d’Instruction des Armées Omar Bongo Ondimba de Libreville (HIAOBO). Escherichia coli, K. pneumoniae ont été isolées de prélèvements urinaires. Streptococcus B a été obtenue à partir de liquide céphalo-rachidien et S. aureus à partir d’un abcès. Candida albicans, souche clinique isolée de prélèvements vaginaux, a été fournie par le même laboratoire. Deux milieux de culture ont été utilisés pour la réalisation des tests biologiques par la méthode de diffusion des disques. Le milieu Müller Hinton est le produit de référence recommandé par le comité de l’antibiogramme de la Société française de microbiologie pour l’étude de la sensibilité aux antimicrobiens des bactéries [28] et le milieu Sabouraud-chloramphénicol est utilisé pour la culture et l’isolement des champignons [22]. Les extraits ont été testés à 10 mg de produit sec dans 1 ml de DMSO. La gentamicine et l’amoxicilline ont été utilisées comme antibiotiques de référence à la concentration de 1 mg/ml. L’amphotéricine B (FUNGIZONE®) a été l’antifongique de référence (1 mg/ml) alors que le DMSO a été le contrôle négatif. Les inocula ont été préparés dans du sérum physiologique. Une colonie isolée a été prélevée et délayée dans 3 ml de sérum physiologique. La densité de la suspension a ensuite été mesurée à l’aide d’un densitomètre (turbidité de 0,5 McFarland, correspondant environ à 105 ou 106 cellules/ml). Dix (10) μl de cette suspension ont été prélevés à l’aide d’une micropipette et dilués dans 3 ml de sérum physiologique. Les inocula ont été ensemencés par la méthode d’inondation dans les boites de Pétri qui ont ensuite été placées à l’étuve à 37°C pendant environ 30 minutes afin d’être séchées. Les disques de 5 mm de diamètre ont été préalablement stérilisés dans une étuve à 100° C pendant 15 minutes. Dans chaque boite de Pétri ont été déposés les disques imbibés par 6 μl de la solution d’extrait, de médicament de référence et de DMSO respectivement. Les boites de Pétri ont été ensuite incubées dans une étuve bactériologique à 37 °C pendant 24 heures, puis les diamètres d’inhibition obtenus ont été mesurés. Deux essais ont été réalisés pour chaque concentration.

Méthodes phytochimiques

Les groupes chimiques recherchés dans H. acida ont été les alcaloïdes, les flavonoïdes, les coumarines, les quinones, les stérols et triterpènes, les saponosides et les tanins. Test des alcaloïdes La recherche des alcaloïdes a été faite avec le réactif de Dragendorff (solution acide d’iodobismuthate de potassium) dans les extraits alcaloïdique, chlorométhylénique et méthanoliques, susceptibles de renfermer ces produits. Chaque extrait a été dissout dans 2 ml de méthanol auxquels ont été ajoutés 2 à 3 gouttes du réactif de Dragendorff. L’apparition d’un précipité rouge ou d’une coloration orangée indique la présence d’alcaloïdes [29].

Test des tanins

a. Test au chlorure ferrique : Les tanins ont été identifiés par addition de quelques gouttes d’une solution aqueuse de chlorure ferrique à 2% dans l’infusé aqueux et dans l’extrait méthanolique brut. L’apparition d’une teinte bleu-noire indique la présence de tanins galliques tandis que l’apparition d’une coloration brun-verdâtre est caractéristique des tanins catéchiques [30].

b. Test au réactif de Stiasny : Les tanins catéchiques ont été recherchés par addition du réactif de Stiasny à l’infusé aqueux. A 30 ml d’infusé aqueux ont été ajoutés 5 ml de réactif de Stiasny (formol 30% – HCl concentré 2/1) puis le mélange a été chauffé au bain marie à 90°C. Seuls les tanins catéchiques précipitent avec ce réactif.

Test des flavonoïdes

Un (1) mg d’extrait à tester a été dissous dans 2 ml de méthanol auxquels ont été ajoutés 3 à 4 gouttes d’acide chlorhydrique concentré, quelques copeaux de tournure de magnésium et 5 gouttes d’alcool isoamylique. On a observé un dégagement gazeux et de chaleur puis l’apparition d’une coloration. Elle peut être orangée (flavones), rouge (flavonols) ou rose violacée (flavanones). Ce test a été réalisé sur les deux extraits méthanoliques.

Test des terpènes

La recherche des terpènes a été réalisée avec l’extrait chlorométhylénique (HAD) selon la réaction de Liebermann-Burchard. Dans un tube à essai contenant une solution chlorométhylénique diluée de HAD, 3 à 5 gouttes d’anhydride acétique ont été ajoutés en présence d’acide sulfurique (2 gouttes). Une coloration de la solution témoigne d’une réaction positive.

Test des stérols

La révélation des stérols a été faite grâce à la réaction de Salkowski [31]. A 1 ml d’une solution chlorométhylénique diluée de HAD, a été progressivement ajouté de l’acide sulfurique concentré. L’apparition d’un anneau rouge à l’interface indique la présence de stérols.

Test des substances réductrices

Dans un tube à essai a été introduit 0,5 ml d’une solution alcoolique de l’extrait méthanolique résiduel à laquelle ont été ajoutés 1 ml d’eau distillée et 5 à 8 gouttes des liqueurs de Fehling A et B. Le mélange a ensuite été chauffé pendant 30 minutes. La formation d’un précipité rouge-brique témoigne de la présence de composés réducteurs.

Test des saponosides

Ils ont été recherchés selon le test de l’indice de mousse dans l’infusé aqueux. Dans une série de tubes, nous avons mesuré successivement 1, 2, 3…10 ml d’extrait et ajusté le volume à 10 ml avec de l’eau distillée. Chaque tube a été agité verticalement pendant 15 secondes (2 agitations par seconde)après avoir été bouché avec le pouce. Les tubes ont ensuite été laissés au repos 15 minutes et la hauteur de mousse a été mesurée pour chaque tube.

Résultats

Quatre (4) extraits organiques (HAH, HAD, HAE, HAR) ont été obtenus à l’issue de l’extraction de l’écorce de tronc d’H. acida par solvants à polarité croissante. Dans le tableau I nous avons présenté aussi les rendements des extraits méthanolique brut (HAM) et alcaloïdique total (HAA) de l’écorce de tronc d’H. acida.

Tableau I : Rendement des extraits d’écorce de tronc d’H. acida (400 g)

Le criblage chimique de ces extraits a permis de mettre en évidence la présence d’alcaloïdes, flavonoïdes, saponines, stérols, tanins et terpènes dans l’écorce de tronc H. acida (Tableau II).

Tableau II : Résultats du criblage chimique des extraits d’écorce de tronc d’H. acida

H. acida a révélé une activité antiparasitaire. L’extrait chlorométhylénique de l’écorce de tronc d’H. acida a montré in vitro une activité antileishmanienne avec une CI50 de 80 μg/ml sur la forme promastigote d’une souche sauvage de Leishmania donovani donovani. Sur Trypanosoma brucei brucei seuls les extraits méthanoliques brut (HAM) et résiduel (HAR) de l’écorce de tronc d’H. acida ont présenté in vitro une activité (CL100 de 480 μg/ml) alors que tous les autres extraits ont été inactifs. Seul l’extrait méthanolique résiduel de l’écorce de tronc d’H. acida a inhibé C. albicans
(tableau III).

Tableau III : Activités antileishmanienne (CI50 en μg/ml), trypanocide (CL100 en μg/ml) et antifongique
(diamètre d’inhibition en mm) in vitro des extraits d’écorce de tronc d’H. acida

A 10 mg/ml, les extraits méthanoliques brut et résiduel d’écorce de tronc d’H. acida ont révélé in vitro une activité antibactérienne sur les souches sauvages de K. pneumoniae, S. aureus et Streptococcus B mais ont été inactifs sur la souche de S. aureus résistante à la gentamicine. Les plus fortes activités ont été observées avec l’extrait méthanolique brut d’écorce de tronc d’H. acida (HAM) qui a révélé sur S. aureus et Streptococcus B des diamètres d’inhibition respectifs de 14 mm et 13 mm. L’extrait le plus actif sur K. pneumoniae a été l’extrait méthanolique résiduel (HAR). Les extraits acétate d’éthyle et alcaloïdique ont montré une faible activité sur S. aureus et ont été inactifs sur K. pneumoniae. Tous les extraits d’écorce de tronc d’H. acida ont été inactifs sur E. coli (tableau IV).

Tableau IV : Activité antibactérienne in vitro des extraits d’écorce de tronc d’H. acida à 10 mg/ml (diamètres
d’inhibition en mm), de la gentamicine et de l’amoxicilline (1 mg/ml)

 

Discussion

L’enquête ethnopharmacologique révèle que les Tékés du Gabon utilisent le décocté d’écorce de tronc d’H. acida (« Onguaragha ») pour soigner les maux de ventre, la toux et la tuberculose. Son action contre la toux a déjà été rapportée au Congo et au Bénin [5,6]. L’écorce de tronc d’H. acida contient des alcaloïdes, flavonoïdes, saponosides, stérols, terpènes et tanins, composés déjà identifiés dans les tiges d’H. acida [12]. Le criblage biologique réalisé a permis de révéler les propriétés de l’écorce de tronc d’H. acida. Les résultats obtenus confirment l’activité antileishmanienne des extraits chlorométhyléniques d’H. acida. L’extrait chlorométhylénique d’écorce de tronc s’est révélé actif in vitro sur la forme promastigote de Leishmania donovani donovani avec une CI50 de 80 μg/ml. Des extraits chlorométhyléniques de brindilles et de feuilles d’H. acida récoltés au Bénin ont révélé sur les formes promastigotes de Leishmania mexicana mexicana des CMI de 19-56 μg/ml [13]. Les extraits méthanoliques brut et résiduel d’écorce de tronc se sont révélés inactifs sur L. donovani donovani. Ces résultats sont similaires à ceux de Hoet et al. dont les extraits méthanoliques de feuilles et de brindilles n’ont montré aucune activité sur L. mexicana mexicana [13]. L’activité antileishmanienne d’H. acida est en partie due aux terpènes mis en évidence dans cet extrait. Le pouvoir antiseptique et antiparasitaire de ces produits, notamment celui des huiles essentielles riches en terpènes, est décrit [32].

Les extraits méthanoliques d’écorce de tronc d’H. acida ont montré une activité trypanocide in vitro sur Trypanosoma brucei brucei avec une CL100 de 480 μg/ml. Les extraits éthanoliques et aqueux d’écorces de tiges et de racines, récoltées au Nigeria, ont révélé une plus faible activité avec une CL100 de 2,5 mg/ml ainsi qu’un extrait méthanolique de brindilles d’H. acida [13, 33]. L’extrait chlorométhylénique d’écorce de tronc d’H. acida a été inactif contre T. brucei brucei alors que les extraits chlorométhyléniques de feuilles et de brindilles d’H. acida ont révélé une activité sur cette espèce [13]. Un extrait méthanolique de racines récoltées en Tanzanie a aussi été actif contre Trypanosoma brucei rhodesiense avec une CI50 de 2,2±0,9 mg/ml, ce qui confirme l’activité trypanocide d’H. acida [34]. Dans notre cas, comme pour la majorité des études antérieures, les extraits alcooliques sont les plus actifs, ce sont donc les composés polaires d’H. acida qui sont responsables de son activité trypanocide. L’extrait méthanolique résiduel d’écorce de tronc d’H. acida (10 mg/ml) a révélé in vitro une faible activité antifongique sur Candida albicans avec un diamètre d’inhibition de 8 mm (tableau III). Nos résultats sont cependant meilleurs que ceux obtenus avec un extrait éthanolique de tiges d’H. acida qui a été inactif à 12,5 mg/ml et a présenté un diamètre de 3,53 mm à 50 mg/ml sur C. albicans [12].

L’étude a permis de confirmer l’activité antibactérienne d’H. acida. La plante a été plus active sur les bactéries à Gram + que sur celles à Gram –. La résistance des bactéries à Gram – est due à la présence d’une membrane externe [32]. La plus forte activité a été observée avec l’extrait méthanolique brut d’écorce de tronc d’H. acida (10 mg/ml) qui a été actif sur S. aureus avec un diamètre d’inhibition de 14 mm comparativement à la gentamicine (1 mg/ml) qui a montré un diamètre de 16 mm. Cette activité est largement supérieure à celle obtenue avec un extrait éthanolique de tiges qui a révélé des diamètres de 5,20 mm et 8,50 mm aux concentrations respectives de 12,5 mg/ml et 25 mg/ml [12]. L’activité antibactérienne de l’extrait méthanolique brut d’écorce de tronc d’H. acida a aussi été observée sur Streptococcus B avec une zone d’inhibition de 13 mm. L’activité antibactérienne de l’extrait méthanolique est en partie due aux flavonoïdes révélés par le criblage chimique. Ces composés sont utilisés en thérapeutique dans le traitement de l’insuffisance veineuse mais certains ont révélé in vitro des propriétés antibactériennes [32]. L’activité antibactérienne d’H. acida peut être aussi imputée aux stilbenoïdes (hymenocar-dichromènes AF) et à l’acide hymenocar-dichromanique, produits qui se sont révélés actifs contre une souche résistante de S. aureus et qui ont été isolés d’un échantillon également récolté au Haut Ogooué [2]. Un extrait éthanolique de tiges d’H. acida (25 mg/ml) a été beaucoup moins actif sur Streptococcus pyogenes et S. mutans avec des diamètres d’inhibition de 6 mm [12, 14]. Les extraits éthanoliques brut et résiduel d’écorce de tronc d’H. acida ont montré une faible activité sur K. pneumoniae. L’extrait acétate d’éthyle a révélé une faible activité sur S. aureus et a été inactif sur K. pneumoniae (tableau IV). Nous avons décrit, semble-t-il, pour la première fois les activités antibactérienne et antileishmanienne de l’écorce de tronc d’H. acida et l’action d’H. acida contre Streptococcus B, Klebsiella pneumoniae et Leishmania donovani donovani.

 

Conclusion

Les résultats obtenus à l’issue de l’étude de l’activité anti-infectieuse d’H. acida justifient son emploi traditionnel pour le traitement des maladies infectieuses en Afrique. Les extraits méthanoliques brut et résiduel d’écorce de tronc d’H. acida ont montré la plus forte activité antibactérienne alors que l’extrait chlorométhylénique s’est révélé le plus actif contre L. donovani donovani. Bien qu’étant utilisée pour soigner la toux au Gabon et en Afrique centrale, nous rapportons pour la première fois son action antibactérienne sur K. pneumoniae. La purification et l’isolement des molécules responsables des activités d’H. acida méritent d’être poursuivis.

 

Contributions des auteurs

L’enquête ethnobotanique et la collecte d’Hymenocardia acida au village Ekala du Haut Ogooué ont été effectuées par Blandine Akendengué qui a d’autre part préparé les extraits végétaux et réalisé leur criblage chimique au sein du Département de Pharmacologie et Toxicologie de la Faculté de Médecine et des Sciences de la Santé à Libreville. L’étude de l’activité antibactérienne a été réalisée par Chelsy Ambolo Kanga et Elvire Mbongo Kama au Laboratoire de Biologie Médicale de l’Hôpital d’Instruction des Armées Omar Bongo Ondimba à Libreville. L’étude des activités antileishmanienne et trypanocide a été faite par Christian Bories et Philippe Loiseau au Laboratoire de Chimie des Substances naturelles et de Chimiothérapie antiparasitaire de la Faculté de Pharmacie de l’Université Paris XI.

 

Remerciements

Les auteurs remercient le Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris et Sylvie Le Bomin pour leur contribution à la réalisation de la première enquête ethnobotanique à Ekala en 2006. Les auteurs expriment leur gratitude aux informateurs d’Ekala pour leur collaboration et la mise à disposition du matériel végétal. Ils expriment leurs remerciements à Henri Paul Bourobou Bourobou pour l’identification botanique d’Hymenocardia acida.

 

Références

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