DESCRIPTION EPIDEMIOLOGIQUE ET BIOLOGIQUE DES LEUCEMIES AIGUES MYELOBLASTIQUES MYELOPEROXYDASE NEGATIVE : EXPERIENCE DU SERVICE D’HEMATOLOGIE ET ONCOLOGIE PEDIATRIQUE DE CASABLANCA

Igala M¹, Oukkache B², Bachir F³, Hda N⁴, Quessar A¹

1-Service d’hématologie et oncologie pédiatrique Hôpital du 20 Août 1953 Casablanca
2- Laboratoire d’hématologie CHU de Casablanca
3- Institut National d’hygiène de Rabat
4- Laboratoire de cytogénétique de Casablanca

Auteur correspondant : Igala Marielle ; BP 14485 Libreville/Gabon ; Tel : 00 241 05 32 64 80

Résumé

Introduction : La Leucémie Aigue Myéloblastique myéloperoxydase (LAM MPO) négative entité peu décrite est caractérisée en cytochimie par une coloration MPO de positivité <3 % et une faible expression en cytométrie en flux (CMF).

Objectif : Décrire le profil épidémiologique, hématologique et cytogénétique des LAM MPO négatives et d’en déterminer le pronostic.

Patients et méthodes : Il s’agit d’une étude descriptive transversale et unicentrique, réalisée à partir d’une revue documentaire de dossiers des patients pour lesquels un diagnostic de LAM MPO négative avait été porté en Cytométrie en flux entre le 1er Janvier 2007 et le 31 Décembre 2012 au service d’hématologie et d’oncologie pédiatrique du CHU de Casablanca.

Résultats : Nous avons colligé 67 dossiers de patients dont l’âge médian était de 34 ans, avec un ratio Homme/Femme de 1,4. Le délai diagnostic médian était de 2,6 mois. A l’hémogramme la valeur médiane des leucocytes était de 33 10⁴/L. Le myélogramme de richesse variable n’a pas permis de classer la leucémie aigüe que dans 19,4% des cas. La cytologie quant à elle révélait 22,4% de LAM0. Sur le plan cytogénétique, la trisomie était l’anomalie cytogénétique retrouvée avec 17,9% des cas et concernait le chromosome 8 chez 4 patients. La MPO avait une valeur moyenne de 3,43% en CMF sans corrélation avec la cytochimie (p>0,1). Au terme de l’évaluation, seules 3 patients (4,5%) étaient en rémission maintenue.

Conclusion : Les LAM MPO négatives ont un profil épidémiologique et biologique similaire à celui des autres LAM. L’absence d’expression de MPO n’en fait pas une forme exceptionnelle de LAM. Cependant le pronostic reste sombre malgré les possibilités diagnostiques et thérapeutiques.

Mots clés : Leucémies aigues myéloblastiques, myéloperoxydase négative, cytométrie en flux

Abstract

Introduction : Myeloblastic myeloperoxidase acute leukemia (MPO LAM), a poorly described entity, is characterized in cytochemistry by MPO staining of <3% positivity and low expression in flow cytometry (CMF).

Objective: describe the epidemiological, hematologic and cytogenetic profile of MPO negative LAM and to determine its prognosis.

Patients and methods: This is a descriptive cross-sectional and unicentric study, based on a documentary review of patient records for which a diagnosis of negative MPO LAM was made in flow cytometry between January 1, 2007 and December 31, 2012 at the pediatric hematology and oncology department of Casablanca University Hospital.

Results: We collected 67 patient files with a median age of 34, with a male / female ratio of 1.4. The median diagnostic delay was 2.6 months. At the hemogram the median value of leukocytes was 33 10⁴ / L. The myelogram of variable richness was able to classify acute leukemia only in 19.4% of cases. Cytology revealed 22.4% LAM0. Cytogenetically, trisomy was the cytogenetic abnormality found with 17.9% of cases and related to chromosome 8 in 4 patients. DFO had an average value of 3.43% in CMF without correlation with cytochemistry (p> 0.1). At the end of the evaluation, only 3 patients (4.5%) were in remission maintained.

Conclusion: MPO negative LAMs have an epidemiological and biological profile similar to that of other AMLs. The absence of DFO expression does not make it an exceptional form of AML. However, the prognosis remains dark despite the diagnostic and therapeutic possibilities.

Keywords: Acute myeloblastic leukemia, negative myeloperoxidase, flow cytometry

 

Introduction

Les leucémies Aiguës Myéloblastiques (LAM) sont un groupe hétérogène d’hémopathies malignes caractérisées par la prolifération monoclonale de cellules hématopoïétiques immatures (les blastes), avec blocage de maturation (hyatus leucemicus), envahissant la moelle osseuse, le sang et parfois d’autres organes ou tissus [1]. Il s’agit d’une pathologie relativement rare dont l’incidence aux USA est de 3 à 5 pour 100 000 habitants avec plus de 20 000 cas diagnostiqués en 2015. Cette incidence augmente avec l’âge passant de 1,3 pour 100 000 habitants chez les moins de 65 ans à 12,2 chez les plus de 65 ans [2]. De façon plus spécifique elle est de 0,4 à 1,5 pour 100 000 habitants chez lez les moins de 15 ans, 0,9 à 1,3 chez les adolescents et adultes jeunes et 1,6 à 23,8 pour 100 000 habitants chez les plus de 40 ans [3]. Leur diagnostic biologique fait intervenir des critères cytologiques selon la classification Française Américaine et Britanique (FAB), cytochimiques grâce à des réactions enzymatiques dont la plus importante est celle faite à partir de la myéloperoxydase (MPO), immunophénotypiques par cytométrie en flux (CMF) qui intègrent également la recherche d’expression de la MPO et enfin de biologie moléculaire [4,5]. La myéloperoxydase est un marqueur sans équivoque de différenciation myéloïde. Son activité est mise en évidence dans les grains des cellules de la lignée granulocytaire. La démonstration de la positivité de la MPO se fait grâce à une réaction de cytochimie sur les lames de frottis médullaire ou sanguin, la cytométrie de flux sur prélèvement sanguin et du liquide d’aspiration médullaire et l’immunohistochimie sur une pièce de biopsie tissulaire ou médullaire [6]. En immunophénotypage la détection de la MPO est considérée comme la technique la plus spécifique de différenciation des blastes myéloïdes et lymphoïdes [7]. L’absence d’expression de la MPO n’élimine pas d’emblée l’appartenance d’une cellule blastique à la lignée myéloïde. En effet la LAM MPO négative est une entité peu décrite dans laquelle les cellules blastiques ont une coloration MPO de faible positivité (moins de 3 % de blastes positifs) voir négative (absence de blastes positifs) en cytochimie et une faible expression de la MPO en CMF. En cytologie selon la classification FAB, la LAM MPO négative regroupe : les LAM 0, les LAM 5 dans leur forme peu différenciée (LAM 5a), les LAM 6 et les LAM 7. Ces différents types cytologiques sont confirmés en immunophénotypage où le marquage de la MPO est négatif. La LAM MPO négative doit cependant être distinguée des Leucémies Aigues biphénotypiques au cours desquelles les cellules blastiques expriment à la fois des marqueurs myéloïdes et lymphoïdes [8,9]. En 2008 et en 2016 l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) établissait des critères qui indiquaient le rôle important de la myéloperoxydase (MPO) en CMF, en immunohistochimie et en cytochimie, pour l’identification des LAM d’origine ambiguë, c’est-àdire celles intégrant des populations blastiques de lignée différente et dont la détermination biologique est difficile. C’est ainsi que des cut-off de positivité de la MPO ont été établis afin d’assoir le diagnostic de LAM d’origine ambiguë [10,11]. L’apport de la CMF dans la caractérisation de ces leucémies n’est plus à démontrer. En effet en présence de blastes sans signe de différenciation morphologique, la cytologie, au-delà de toutes les méthodes disponibles, ne peut à elle seule permettre de formellement porter le diagnostic de LAM MPO négative. Ceci est d’autant plus vrai que dès la mise en pratique de la CMF, des diagnostiques de LAM portés par excès ont ainsi pu être révisés [8]. La rareté de données sur cette entité particulière de LAM nous a conduit à la réalisation de cette étude dont l’objectif principal était de déterminer le profil épidémiologique et biologique des LAM MPO négatives en CMF suivies au CHU de Casablanca et d’en déterminer le pronostic.

 

Matériel et Méthodes

Il s’agit d’une étude descriptive transversale unicentrique réalisée à partir d’une revue documentaire de dossiers des patients pour lesquels un diagnostic de LAM MPO négative avait été porté en CMF entre le 1ier Janvier 2007 et le 31 Décembre 2012 au service d’hématologie et d’oncologie pédiatrique du CHU de Casablanca. Nous avons inclus les patients de tout âge pour lesquels le diagnostic de LAM MPO négative avait été retenu en CMF et chez qui les examens suivants avaient été faits: un hémogramme, un myélogramme et une étude cytogénétique sur moelle. Les patients avec un diagnostic de LAM MPO négative secondaire à une autre hémopathie maligne n’ont pas été inclus. L’hémogramme a été réalisé sur l’appareil Sysmex® à partir d’échantillons de sang prélevés par ponction veineuse et réparti dans des tubes à EDTA (éthylène diamine tétracétique). Les prélèvements de moelle par ponction sternale ou iliaque postérieure, ont servi à la réalisation de l’étude cytologique, cytogénétique et immunophénotypage. Après coloration des lames de frottis médullaires au May Grünwald Giemsa (MGG), la lecture assurée et validée par des cytologistes, a permis le diagnostic de la leucémie aigüe pour un nombre de blastes supérieur à 20% [12]. Les colorations de cytochimie ont permis grâce à la classification FAB de classer les leucémies aigües [4]. La CMF a été effectuée à partir d’un automate à 4 couleurs Facs CALLIBUR® de BD (USA). Un large panel d’anticorps monoclonaux a été utilisé pour la reconnaissance des différentes lignées : CD19, CD22, CD79a et TdT pour la lignée lymphoïde B, CD3s, CD3c CD7 et TdT pour lignée lymphoïde T, CD13, CD33, CD36, CD117 et anti-MPO pour la lignée myéloïde, HLADR, CD34 et CD45 comme marqueur non spécifique et accessoirement CD41a, CD14, CD15, CD61 et Glycophorine A lorsqu’une analyse plus large était nécessaire devant une suspicion de LAM 6 et LAM 7. La classification de l’EGIL a été appliquée sur l’ensemble des échantillons avec un seuil de positivité supérieur fixé à 20% pour l’anti-MPO [13]. La cytogénétique a été réalisée par méthode conventionnelle (ou caryotype) qui a consisté à l’étude de chromosomes en métaphases (20 au moins) à partir de prélèvement de moelle. Les patients ont été traités selon un protocole local de prise en charge des LAM : protocole AML 3 pour les patients dont le diagnostic a été porté avant 2011 et protocole AML 11 pour les autres. L’analyse statistique a été réalisée à partir du logiciel Epi info.

 

Résultats

Sur une période de 6 ans, allant du 1er Janvier 2007 au 31 Décembre 2012, 327 diagnostics de LAM ont été obtenus par CMF parmi lesquels 67 patients soit 20,5% avaient une LAM MPO négative. L’âge médian était de 34 ans, 68,6% étaient des adultes de plus de 20ans. Le ratio Homme/Femme était de 1,4 (tableau I).

Tableau I : Caractéristiques épidémiologiques, cliniques et hémogramme des 67 patients

CaractéristiquesRésultatsExtrêmes
N67
Age (ans)34٭0,5-80
Age<18ans N (%)15 (22,4)
Ratio H/F1,4
Délai diagnostique (mois) 2,6*0,5-8
Découverte fortuite (%)4,5
Insuffisance médullaire (%)95,5
Leucocytes (G/L)33.109*0,5- 19,3.109
Hémoglobine (g/dL)6,6*3-11,6
Plaquettes (G/L)82.109*3-218.109
Blastes circulants (%)61*0-100

* Valeur médiane

 

Circonstances de découverte

Les données cliniques ont permis de noter un délai diagnostic médian de 2,6 mois entre la constatation du premier symptôme et la consultation spécialisée. Les signes d’insuffisance médullaire ont été retrouvés chez 95,5% des patients.

Hémogramme

Les données de l’hémogramme révélaient des valeurs médianes des leucocytes à 33.109/L, celles de l’hémoglobine à 6,6 g/dL et des plaquettes à 82.109/L. Le pourcentage médian de blastes circulants était de 61%.

Cytologie

La cytologie médullaire a montré une moelle hémodiluée chez un seul patient, concluante chez 66 d’entre eux. La moelle était pauvre et l’analyse non concluante chez 19,4% des patients. Les LAM0 a été la plus diagnostiquée dans 22,4% des cas suivie de la LAM5 et la LAM1. La MPO en cytochimie était négative, avec 10 cas de MPO au-delà de 3% qui correspondait au diagnostic de LAM 1, 2 ou 4 (tableau II).

Cytogénétique

L’étude cytogénétique a été un échec chez 8 patients et concluante chez 59. Dix-neuf patients soit 28,4% avaient un caryotype normal. Des anomalies de nombre étaient retrouvées chez 28 patients soit 41,8% (tableau III).

Tableau II : Résultats de l’étude cytologique des frottis médullaires

CytologieNombre de PatientsPourcentage
Hémodiluéi 11,5
LA*1319,4
LAL 223,0
LAL/LAM°1420,9
LAM 01522,4
LAM 169
LAM 234,5
LAM 411,5
LAM 5710,5
LAM 634,5
LAM 723

􀀀prélèvement médullaire dilué par du sang périphérique
*Patients pour lesquels la cytologie n’a pas permis de classer le type de leucémie en raison d’une moelle pauvre
°Patients pour lesquels l’aspect cytologique et le pourcentage de positivité de la MPO ne permettaient pas de conclure

 

Tableau III : Résultats cytogénétiques

ParamètresNombrePourcentages (%)
Caryotype
Effectué
Normal
Anomalies
59
19
40
100
32,2
67,8
Type d’anomalie
Monosomie
Trisomie+
Hyperploïdie
Translocation
Délétion
7
12
9
4
8
11,9
20,3
15,2
6,8
13,6

⁺ Sur les 12 patients avec des trisomies 4 avaient une trisomie du chromosome 8, 2une trisomie 21, 2 une
trisomie 22, pour les trisomies 4, 7, 9 et 11 un patient chacun en était porteur.

 

Immunophénotypage

L’ensemble des patients disposait d’un examen de CMF au diagnostic réalisé sur moelle. La médiane d’expression de la MPO était de 3,43% alors que les autres marqueurs myéloïdes étaient positifs. Vingt et un patients avaient des blastes exprimant le CD7 à plus de 20% (tableau IV).

Devenir clinique des patients

Sur soixante-sept patients : deux (3%) ont été mis d’emblée sous traitement palliatif, dix-huit (26,9%) n’ont pas été traités : 7 patients sont décédés avant le début du traitement, 10 patients ont été perdus de vue et 1 patient a refusé tout traitement. Quarante-sept patients (70,1%) ont reçu une chimiothérapie et étaient donc évaluables. Vingt d’entre eux étaient en échecs, un patient a bénéficié d’une reconversion du traitement de type LAL et six décès ont été enregistrés au cours du traitement d’induction

Tableau 4 : Résultats de l’étude des cellules blastiques en CMF chez les 67 patients

MarqueursMédianeExtrêmes (%)
Marqueurs Lymphoïdes B
CD19
CD22
CD79a
2,33
6,75
2,48
0,16-86,27
0,22-84,26
0-34,50
Marqueurs Myéloïdes
CD33
CD13
CD36
CD117
MPO*
86,97
79,43
11,51
7,80
3,43
1,17-99,43
0,12-99,88
0,23-97,95
0,31-99,31
0,19-19,60
Marqueurs Lymphoïdes T
CD3c
CD3s
CD7°
85,90
1,63
5,67
0,08-12,50
0,12-14,4
0,03-98,2
Marqueurs non spécifiques
HLA DR
CD34
CD45
85,90
84,10
100
0,16-99,50
0,14-99,8
4,22-100

* Marqueur myéloïde
°Le CD7est le marqueur lymphoïde qui a été exprimé de façon aberrante chez 20 patients

 

Deux patients ne se sont pas présentés pour l’évaluation de la réponse au traitement. Une rémission complète a pu être obtenue après la cure d’induction ou de consolidation chez 19 patients dont 12 ont rechuté, 4 sont décédés et 3 en rémission maintenue avec un recul de 6 mois (figure 1).

Figure 1 : Prise en charge des patients LAM MPO négative

 

Discussion

Les LAM MPO négative sont des affections dont la fréquence n’est pas connue car non décrite dans la littérature. Elles représentent 10% des LAM diagnostiquées dans la même période dans le service d’hématologie. Les patients étaient en moyenne âgés de 34 ans avec des extrêmes allant de 0,5 ans à 80 ans. Les patients dans 22,4% des cas avaient moins de 18 ans, le reste étant constitué par des adultes, plus souvent des hommes que de femmes. Ceci pourrait être expliqué par le mode de recrutement de nos patients, le service d’hématologie clinique de Casablanca traite aussi bien les enfants que les adultes. Après un délai moyen de 2,6 mois le diagnostic, comme pour la plupart des LAM, a été porté devant des signes d’insuffisance médullaire [8]. Une hyperleucocytose moyenne de 33G/L avec un nombre de blastes dans le sang périphérique moyen de 61% était associée à la diminution des deux autres lignées témoins de l’infiltration médullaire. La cytologie, lorsqu’elle a été concluante, retrouvait différents types de LAM pour la plupart correspondant à des diagnostics habituels de LAM MPO négative c’est-à-dire LAM 0, 5, 6, et 7. Pour 10 patients, il s’agissait de LAM 1, 2 ou 4 avec des valeurs de la MPO en cytochimie en moyenne de 3% alors qu’elle était négative pour les autres. Les diagnostics de LAM5, 6 ou 7 en cytologie ont fait nécessiter une étude en CMF avec un panel plus large. Ceci a permis dans 4 cas de confirmer les conclusions portées par les cytologistes. Les trisomies sont de loin les anomalies cytogénétiques les plus fréquentes. Elles concernent dans 4 cas le chromosome 8. Ce résultat ne peut cependant être comparé à aucune autre étude similaire en dehors de celles portant sur les LAM0, où les trisomies du chromosome 13 et 8 sont décrites [10,14]. La MPO est le marqueur le plus spécifique de la lignée myéloïde couramment utilisé en cytochimie, cytométrie en flux et immunohistochimie. Dans une étude comparant les trois méthodes de détection de la MPO chez des patients atteints de LAM, Saravanan L, a montré que la cytochimie est la méthode de détection de la MPO la moins sensible à la différence de la CMF et que l’utilisation au moins de 2 méthodes est requise pour déterminer la présence de la MPO. Il propose par ailleurs l’immunohistochimie comme alternative dans les cas où la MPO n’a pas été mis en évidence par les 2 premières méthodes [6]. Aucun consensus actuellement ne détermine la valeur seuil de la MPO en CMF pour conclure à une LAM MPO négative. De façon non consensuelle la valeur de 10% est retenue pour définir la positivité du marqueur. Van den Anker W le confirme dans une étude portant sur 198 patients [10]. Le débat reste ouvert car une étude du Groupe d’Etude Immunologique des Leucémies (EGIL= European Group for the Immunological characterization of Leukemias) ramène ce seuil à 13%. Dans notre étude l’ensemble des patients ont bénéficié de deux méthodes diagnostiques avec un seuil de positivité pour la MPO fixé à plus de 20%. Nos patients avaient en moyenne une valeur de la MPO à 5% avec des extrêmes de 0,19 à 19,7%. Onze de nos patients avaient une MPO comprise entre 10- 20%. Un d’entre eux exprimait en plus des marqueurs lymphoïdes sans que le diagnostic de LAL ou de LA biphénotypique n’ait été retenu, la cytologie ayant conclu à une LAM1. La leucémie aigue biphénotypique est défini par la présence de 2 types de marqueurs de haute spécificité (myéloïde et B rarement T) à la surface des blastes [9]. Pour un seul de nos patients ce diagnostic a été porté secondairement devant l’échec avéré du traitement selon un protocole destiné aux LAM alors que la CMF concluait initialement à une LAM MPO négative et que la cytologie ne permettait pas de trancher entre LAM et LAL. Nous n’avons pas retrouvé de rapport de cause à effet entre valeur seuil de la MPO en cytochimie et celle exprimée en CMF. Au cours du diagnostic des LAM MPO négative l’expression du CD13 et/ou du CD33 restent le critère le plus fiable d’appartenance à la lignée myéloïde, son expression est de l’ordre de 80 à 85% des patients LAM0 décrits dans la littérature [8]. Chez nos patients l’expression du CD13 et du CD33 étaient de 62 à 73,26% en moyenne. De façon générale des marqueurs lymphoïdes sont parfois exprimés dans certaines LAM. Le plus fréquent d’entre eux est le CD20 suivi du CD7. [15] L’expression aberrante de marqueurs lymphoïdes suivants CD7 (20 patients), CD19 (5), CD79 (2), CD22 (11) a été observée chez nos patients sans qu’ils ne conduisent au diagnostic de LA biphénotypique sauf pour un d’entre eux pour lequel ce diagnostic a été porté secondairement. Le devenir de nos patients comme celui des patients atteints de LAM est marqué par des échecs et des rechutes. Le taux de rémission de 28,3% est comparable à celui rapporté dans la littérature où ce taux est de l’ordre de 28 à 62%. Nos résultats ne nous ont pas permis d’établir de corrélation entre la valeur de la MPO en CMF et le devenir du patient [8].

 

Conclusion

Les LAM MPO négatives sont des entités de LAM dont le profil épidémiologique et biologique est similaire aux autres entités de LAM. L’absence d’expression de MPO n’en fait pas une forme exceptionnelle de LAM.

 

Contribution des auteurs

Igala M : rédaction du manuscrit ; Oukkache B : réalisation des examens hématologiques ; Bachir F : réalisation de l’immunophénotypage ;
Hda N : réalisation des examens de cytogénétique ; Quessar A : approbation du manuscrit final.

 

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