MOBILISATION POST OPERATOIRE PRECOCE APRES CESARIENNE SOUS RACHIANESTHESIE : EXPERIENCE DU CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE D’OWENDO

Obame R¹, Ngomas JF², Mandji Lawson JM², Sima Olé B³, Essola L², Mandji Lawson JM², Nzé Obiang PK², Sagbo Ada LV¹, Sima Zué A².

(¹) Service d’anesthésie-réanimation – Centre Hospitalier Universitaire d’Owendo
(²) Département d’anesthésie-réanimation- Centre Hospitalier Universitaire de Libreville
(³) Service de Gynécologie- Obstétrique – Centre Hospitalier Universitaire d’Owendo

Auteur correspondant : Obame Ervais Richard ; Email : Ebame_ozer2005@yahoo.fr
BP : 2990 ; téléphone portable : 02 06 19 24/04 35 73 43

Résumé

Introduction : En occident, les césarisées bénéficient d’une réhabilitation en post opératoire immédiat. Au Gabon, la règle applicable par les anesthésistes est une interdiction de tout lever précoce avant les 24 premières heures après une rachianesthésie. L’objectif de cette étude est de démontrer la possibilité d’une mobilisation précoce après rachianesthésie chez la césarisée dans notre contexte.

Patientes et méthode : Il s’agit d’une étude prospective et descriptive réalisée sur une période de 3 mois dans les services d’anesthésie –réanimation et de gynécologie-obstétrique du CHUO. Seules les césariennes programmées, les césariennes en urgences relatives et les césariennes sous rachianesthésies étaient inclues. Le protocole comprenait une rachianesthésie, Une analgésie multimodale avec l’association des blocs de la paroi abdominale et une analgésie systémique. La mobilisation était obligatoire à la cinquième heure post opératoire. Les variables de l’étude étaient l’âge, les indications des césariennes, le délai de mobilisation et les complications neurologiques.

Les résultats : Cent onze patientes avaient bénéficié d’une césarienne. Seules, 51 (46% des cas) ont été incluses. La moyenne d’âge était de 29,5 ± 5,7 ans. Dès les six premières heures après le lever du bloc moteur, 62,7% des patientes, arrivaient à se mettre en position assise. La reprise de la marche avait été observée chez plus de la moitié de nos parturientes (62,5%) pendant les douze premières heures. Aucune complication neurologique n’avait été retrouvée.

Conclusion : à partir de cette étude, nous démontrons que la mobilisation précoce après césarienne sous rachianesthésie est aussi possible dans notre contexte.

Mots clés : césarienne, rachianesthésie, mobilisation précoce

Summary

Introduction: In the West, the Caesarean sections have an immediate post-operative rehabilitation. In Gabon, the applicable rule is a ban to all up early before the first 24 hours after an anaesthesia. The objective of this study is to demonstrate the possibility of an early mobilization after anaesthesia at the course.

Patients and method: it is a prospective and descriptive study conducted over a period of 3 months in the services of anesthesia – reanimation and Gynecology-obstetrics of the CHUO. Only scheduled Caesareans, in emergency cesarean section and cesarean section under anaesthesia were included. The Protocol included an anaesthesia, analgesia multimodal with the association of the blocks of the abdominal wall and systemic analgesia. The mobilization was required at the fifth time post-surgery. The study variables were age, the indications of Cesarean section, the period of mobilization, and neurological complications.

Results: one hundred eleven patients had a c-section. Only, 51 (46% of cases) were included. The average age was 29.51 ± 5.7 years. In the first six hours after getting out of the engine block, 62.7% of the study population happened to be in a sitting position. The recovery of the market had been observed in more than half of our parturient (62.5%) during the first 12 hours. No neurological complications had been found.

Conclusion: from this study, we demonstrate that early mobilization after cesarean under anaesthesia is also possible in our context.

Keywords: cesarean section, anaesthesia, early mobilization

 

Introduction

La césarienne est une des interventions chirurgicales les plus pratiquées chez la femme dans le monde [1]. Dans les pays développés elle atteint 20 à 25 % des accouchements et est en constante augmentation comme en France [2]. Les patientes césarisées bénéficient, dans une large mesure, d’une réhabilitation en post opératoire immédiat [2,3]. Parmi les composantes de cette réhabilitation, La mobilisation précoce occupe une place importante.
Elle favorise la récupération de l’autonomie de la patiente et aide à la prévention des accidents thromboemboliques et des troubles de l’équilibre observés lors du retour à l’orthostatisme en cas d’immobilisation prolongée [4]. Au Gabon, dans la pratique quotidienne, seule la conception empirique fondée sur la hantise des complications neurologiques à type de céphalées post brèche dure mérienne, est d’actualité dans la majorité des hôpitaux. La règle applicable est donc une interdiction formelle de tout lever précoce avant les 24 premières heures après rachianesthésie, prolongeant le séjour postopératoire de 5 jours en moyenne. L’objectif de cette étude est de démontrer la faisabilité d’une mobilisation précoce après rachianesthésie chez la césarisée sans majoration du risque de complications neurologiques.

 

Patientes et méthode

Il s’agissait d’une étude prospective et descriptive réalisée sur une période de 3 mois, du 1er mars au 31 mai 2017. Les services d’anesthésie –réanimation et de gynécologie-obstétrique du Centre Hospitalier Universitaire d’Owendo servaient de cadres d’étude. Seules les césariennes programmées, les césariennes en urgences relatives (délai de réalisation pouvant attendre les 10 à 30 minutes) et les césariennes sous rachianesthésies étaient incluses dans cette étude. Les césariennes en urgence absolue, les césariennes sous anesthésie générale, les césariennes entre 24 heures et 4 heures du matin, le refus des patientes de participer à l’étude constituaient les critères de non inclusion. Le protocole utilisé comprenait une rachianesthésie avec de la bupivacaïne à 0,5% (10 mg) associée à du Fentanyl (25 μg), réalisée au bloc opératoire. Seules les aiguilles spinales de 26 et 27 gauges muni d’un introducteur étaient utilisées. Une analgésie multimodale était débutée par la réalisation des blocs de la paroi abdominale (soit le bloc ilio inguinal ilio hypogastrique seul ou associé au bloc para-ombilical lorsque la césarienne est effectuée par une incision médiane, soit le TAP Block) après l’intervention, associée à une analgésie systémique. L’analgésie systémique comprenait du Paracétamol 1g/06 heures, du Kétoprofène 100mg/12 heures (à diluer dans 100ml de sérum salé 0,9%) en perfusion de 15 à 30 minutes. Le Néfopam 20mg y était associé dans les cas de contre-indications aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et si l’échelle verbale simple(EVS) ≥ 2. La mobilisation était obligatoire à la cinquième heure post opératoire. Les variables de l’étude étaient l’âge, les antécédents médicaux et de césarienne, les indications des césariennes, la classification ASA, l’évaluation de l’intensité de la douleur par EVS), le délai de mobilisation et les complications neurologiques. Le logiciel SSPS version 17 a été utilisé pour réaliser le traitement et l’analyse des données.

 

Les résultats

Cent onze patientes avaient bénéficié d’une césarienne sur un total de 546 accouchements soit 20% des accouchements. Parmi elles, 51 patientes(46% des cas) ont été incluses. La moyenne d’âge des parturientes était de 29,51 ± 5,7 ans. Les extrêmes étaient de 16 ans et 41 ans. 72,5% des patientes avaient au moins eu une grossesse. Plus de la moitié de la population étudiée : 64,7% (n=33) n’avait jamais bénéficié de césarienne auparavant. Cependant 35,3% (n=18) avait des antécédents de césarienne. 88,2 % des patientes étaient classée ASA 1 (tableau I).

Tableau I : Répartition des patientes selon leur score ASA

Classification ASAEffectifPourcentage (%)
ASA 14588,2
ASA 259,8
ASA 312,0
Total51100

 

Les indications de césarienne les plus fréquentes étaient la macrosomie foetale (25,5%) suivi de la souffrance foetale aigue avec 21,6% des cas. (Tableau II). La quasi-totalité des patientes (n=45 soit 88%) avaient un EVS à 0 au repos et 71% (n=36) à la mobilisation dans les 6 premières heures post opératoire. Dès les six premières heures après le lever du bloc moteur, on observait que 62,7% de la population étudiée arrivait à se mettre en position assise.

Tableau II : Répartition des patientes en fonction des indications de césarienne

Indications de CésarienneEffectif
Pourcentage(%)
Macrosomie foetale1325,5
Souffrance foetale aigue (SFA)1121,6
Position vicieuse815,7
Bassin rétrécit713,7
Utérus cicatriciel611,8
Pré éclampsie35,9
Post terme12,0
Retard de croissance12,0
Dystocie cervicale12,0
Total51100,0

 

La reprise de la marche avait été observée chez plus de la moitié de nos parturientes (62,5%) pendant les douze premières heures. Seules trois patientes (5,1%) avaient repris la marche après la 24ième heure post opératoire (tableau III). Aucune complication neurologique à type de céphalées n’avait été retrouvée.

Tableau III: Délai de reprise de la position assise et de la déambulation des patientes en fonction des tranches

Tranches horaires (h)Position assise N (%)Déambulation N (%)
1-632 (62,7)18 (35,3)
7-1213 (25,5)14 (27,5)
13-184 (7,9)8 (15,7)
19-242 (3,9)8 (15,7)
25-300 (0,0)1 (1,9)
31-360 (0,0)2 (3,2)

 

 

Discussion

Nos résultats démontrent que le lever précoce avec une mobilisation rapide des parturientes est possible après une césarienne pratiquée sous rachianesthésie sans complications neurologiques. La rachianesthésie est aujourd’hui considérée comme la méthode anesthésique la plus sûre dans la césarienne [5]. Depuis 1996, la prise en charge des césariennes a évolué tant sur le plan chirurgical avec l’application des techniques moins délabrantes, que sur le plan anesthésique, avec la prépondérance de l’anesthésie locorégionale [6]. La rachianesthésie est devenue le « gold-standard ». La crainte d’observer des complications neurologiques à type de céphalées post brèche dure mérienne dans notre contexte est responsable d’une interdiction formelle de tout lever précoce avant les 24 premières heures après rachianesthésie. Ceci impose un alitement prolongé et ne favorise pas une autonomisation rapide des patientes. De nos jours, il est bien établi que la prévention de ces céphalées post-brèche dure mérienne passe par un geste atraumatique, mais surtout par l’utilisation d’aiguille de faible diamètre [7]. C’est ainsi que nous n’avons utilisé que des aiguilles dont le diamètre était ≥ 26 Gauges. En général, il est fait état d’un syndrome d’effraction dure-méro-arachnoïdienne (EDA) après rachianesthésie. Il se caractérise par des céphalées posturales exacerbées par l’orthostatisme et calmées par le décubitus dorsal. Leur incidence est liée non seulement à l’usage d’aiguille de gros diamètre 20 ou 22 Gauges, mais également par la multiplicité des ponctions lors d’échecs répétés au cours d’une rachianesthésie avec risque de traumatisme de la dure-mère [7]. Les céphalées post-EDA des rachianesthésies ne sont quasiment plus rencontrées depuis l’introduction des aiguilles dites atraumatiques et de petits diamètres 25, 26 et 27 Gauges [7]. C’est ainsi qu’aucune complication neurologique n’a été notée chez nos patientes aussi bien dans le postopératoire immédiat qu’au-delà de la 48ème heure postopératoire. En effet, 62,7 % des patientes arrivaient à se mettre en position assise pendant les 6 premières heures et la reprise de la marche avait été observée chez plus de la moitié de nos parturientes pendant les 12 premières heures. Ces résultats sont similaires à ceux de Malhotra et al. Dans leur étude de 2005, où les patientes allaient au fauteuil de manière significativement plus précoce (6 heures) et déambulaient pendant les 15 premières heures [8]. Après une césarienne, l’incidence des événements thromboemboliques serait cinq fois plus élevée qu’après un accouchement par voie basse [9].
Toutefois, aucune étude n’a spécifiquement étudié la réalité de l’efficacité anti thrombotique du lever précoce (avant 24 heures). En raison des bénéfices escomptés en termes de reprise des activités et de la prévention des accidents thromboemboliques, un lever précoce dès le premier jour (voire plus précocement dès les 6ème et 8ème heures postopératoire) avec aide de l’équipe soignante est conseillé et encouragé [4]. La mobilisation précoce prévient également les troubles de l’équilibre et les vertiges, lors du retour à l’orthostatisme que l’on peut rencontrer en cas d’immobilisation prolongée. Il faut y penser, mais ils ne doivent pas faire interdire les tentatives répétées de mobilisation, dont la tolérance dépend de chaque patiente [3]. Par ailleurs, Elle favorise aussi la récupération de l’autonomie de la patiente, contribuant rapidement aux liens mèreenfant. Cette mobilisation précoce repose entre autres, sur une analgésie multimodale efficace. Cette analgésie multimodale, selon le protocole de cette étude, reposait sur une association de techniques d’analgésie par blocs abdominaux (bloc ilio-inguinal ilio-hypogastrique, TAP Block) et d’antalgiques par voie intraveineuse puis orale. L’efficacité de celle-ci explique l’absence de douleurs (EVS=0) au repos chez 88 % de nos patientes et chez 71% des patientes à la mobilisation à partir de la 6ème heure post opératoire après épuisement de l’effet analgésique de la rachianesthésie. Dans une autre étude, Sharkey et al. ont démontré la réduction des scores de douleur au repos jusqu’à la 12ème heure post opératoire et au mouvement jusqu’à la 6ème heure, ainsi qu’une épargne morphinique jusqu’à la 48ième heure post opératoire dans l’analgésie de la césarienne par TAP Block [10]. Une analgésie insuffisante peut être délétère après un accouchement par voie vaginale ou par césarienne, car elle peut compromettre l’allaitement maternel, la reprise de la déambulation, la naissance du sentiment maternel et favoriser la chronicisation de douleurs post opératoires [9]. L’autonomisation précoce et rapide des patientes a pour corollaire une réduction de leur durée de séjour à l’hôpital avec baisse du coût global de leur prise en charge.

 

Conclusion

Après une césarienne, la mobilisation précoce est aussi possible dans notre contexte dès lors que tous les blocs liés à la rachianesthésie sont levés et que l’analgésie est efficace au repos ainsi qu’aux mouvements. Cette mobilisation précoce permet aussi un retour rapide des parturientes à domicile et partant une réduction des coûts. Tous ces avantages plaident pour l’instauration de protocoles de mobilisation précoce dans toutes nos structures hospitalières pratiquant de l’obstétrique. La marche et/ou la mobilisation précoce après césarienne est considérée aujourd’hui comme un élément essentiel de la réhabilitation améliorée. Contributions des auteurs Sima Zué A approbation du manuscrit ; Mandji Lawson JM : révision et correction du manuscrit ; Obame R : élaboration du protocole, analyse des données et rédaction du manuscrit ; Sima Olé B, Essola L, Ngomas JF et Nzé Obiang PK ; rédaction du manuscrit ; Sagbo Ada LV : collection et analyse des données.

 

Références

1. Menard S, Theau A, Le Ray C. Réhabilitation et humanisation en cours de césariennes : le point de vue de l’obstétricien. Pratan 2016;20:78-82.
2. Wyniecki A, Tecsy M, Benhamou D. La césarienne : une intervention qui doit maintenant bénéficier d’un concept de réhabilitation postopératoire. Pratan 2010;14:375-382.
3. Wallois M. Prise en charge de la douleur après césarienne sous anesthésie locorégionale. Pratan 2015;19:28-33.
4. Benhamou D, Fuchs F. Césarienne et postpartum. Recommandations pour la pratique clinique. J Gynécol Obst Biol Reprod 2015 ; 44 :1111-7.
5. Wylie BJ, Mirza FG. Cesarean delivery in the developing word. Clin Peritoneal 2008; 35: 571-82.
6.Morau E, Bonnal A, Deras P, et al. Césarienne, allaitement et douleur. Pratan 2012 ; 16:206-12.
7. Diemunsch P, Pottecher J, Noll E. Rachianesthésie pour césarienne. In: Anesthésie-Réanimation obstétricale. Paris: Masson.2009; 104-5.
8. Malhotra N, Khanna S, Pasrija S, et al. Early oral hydratation and its impact on bowel activity after elective caesarean section-Our experience. Eur
J Obst Gynecol Reprod Biol 2005; 120: 53-6.
9. Brichant JF. Réhabilitation Postpartale. In. Anesthésie-réanimation obstétricale. Paris, Masson. 2009; 31-32.
10. Sharkey A, Finnerty O, McDonnel JG. Rôle of transversus abdominis plane block after caesarean delivery. Curr Opin Anaesthesiol 2013; 26(3): 268-72.