ERYTHEME PIGMENTE FIXE A L’ANAFRANIL®

LENGA – LOUMINGOU I.A1 LAMINI N’SOUNDHAT N E2 BILECKOT R.U3

1- Service de Dermato-vénérologie Centre Hospitalier Universitaire de Brazzaville 13, boulevard du Maréchal Lyautey, BP 32, République du Congo.
2- Service de Rhumatologie Centre Hospitalier Universitaire de Brazzaville 13, boulevard du Maréchal Lyautey, BP 32, République du Congo.
3- Service d’Immuno Rhumatologie et de Rééducation fonctionnelle Centre Hospitalier Universitaire de Brazzaville 13, boulevard du Maréchal Lyautey, BP 32, République du Congo.

Auteur correspondant : Lenga-Loumingou Ida Aurélie ; Dermatologue, Service de Dermatologie Centre Hospitalier Universitaire de Brazzaville
Maître-assistant, Faculté des Sciences de la Santé, Université Marien NGOUABI, Brazzaville Congo
EMAIL : idalengaloumingou@gmail.com

Résumé

Les toxidermies sont des effets secondaires cutanéo-muqueux et ou phanériens aux médicaments. Les manifestations cliniques des toxidermies se caractérisent par leurs polymorphismes lésionnels. Les formes anatomocliniques des toxidermies sont variées tels que les toxidermies bulleuses (Syndromes de Lyell et de Steven Johnson), les toxidermies lichénoïdes, pustuloses exanthématique aigue généralisée, Dress syndrome… L’Erythème pigmenté fixe est une des toxidermies les plus courantes. Les médicaments imputables à l’érythème pigmenté fixe sont : Les sulfamides, les antiinflammatoires non stéroïdiens, les anti épileptiques, l’Allopurinol, les céphalosporines, et plus récemment, la névirapine. L’imputabilité à l’Anafranil est exceptionnelle. Nous rapportons un érythème pigmenté fixe chez une femme de 55 ans ayant arrêté sans avis médical son traitement d’hypertension artérielle et d’hypercholestérolémie, chez qui sont apparues deux poussées d’érythème pigmenté fixe à chaque introduction d’Anafranil lors d’un traitement de lombalgies chroniques.

Mots clés : érythème pigmenté, Anafranil®, toxidermie.

Abstract
Toxidermies are cutaneo-mucous and / or phaneral side effects to drugs. The clinical manifestations of the toxidermies are characterized by their lesional polymorphisms. The anatomoclinical forms of the toxidermies are varied such as the bullous toxidermies (Syndromes of Lyell and Steven Johnson), the lichenoid toxidermies, generalized acute exanthematous pustuloses, and Dress syndrome. The fixed pigmented erythema is one of the most common toxidermies. Drugs attributable to fixed erythema pigmentosa are: sulfonamides, nonsteroidal anti-inflammatory drugs, anti-epileptics, Allopurinol, cephalosporins, and more recently, nevirapine. Accountability to Anafranil is exceptional.
We report a fixed pigmented erythema in a 55-year-old woman who, without medical advice, discontinued her treatment of arterial hypertension and hypercholesterolemia, in whom two episodes of fixed erythema pigmentosa appeared each time Anafranil was introduced during treatment. chronic low back pain.

Keywords: pigmented erythema, Anafranil®, toxidermies.

 

Introduction

Les étiologies des toxidermies sont bien répertoriées et rapportées selon leur répartition géographique [1]. Les molécules fréquemment incriminées sont les sulfamides, les antituberculeux, l’allopurinol et actuellement les antirétroviraux et l’interféron [1, 2]. Les toxidermies dues aux antidépresseurs tricycliques sont rares [3, 4, 5]. Dans l’érythème pigmenté fixe des poussées bulleuses sont décrites [5]. Nous rapportons le cas d’une patiente, ayant développé un érythème pigmenté fixe bulleux au chlorhydrate de clomipramine.

Cas clinique
Il s’agit de madame NG… Henriette, âgée de 52 ans,suivie en Rhumatologie depuis 2015 pour une lombosciatalgie commune dégénérative. Elle a des antécédents d’hypertension artérielle traitée par Amlodipine 5 mg depuis 5 ans et une hypercholestérolémie améliorée par simvastatine. Le début de l’histoire remonte à Juillet 2015, dans un contexte de consultation multidisciplinaire et de poly médication par la survenue à 15 jours d’intervalles de deux poussées, de lésions bulleuses et inflammatoires de la région fessière, des coudes et des cuisses (figure1).

 

Figure 1 : lésions maculeuses hyper chromiques et deux érosions post bulleuses de la région fessière.

L’évolution était favorable sous traitement symptomatique. Aucune imputabilité médicamenteuse n’avait été clairement établie la patiente étant sous polymédication. En Octobre 2016, la prise de chlorhydrate de clomipramine 25 mg seul, provoque une réapparition de la dermatose inflammatoire, bulleuse et prurigineuse sur les macules hyper chromiques séquellaires au niveau des fesses, des coudes et des cuisses. Un mois plus tard, la réintroduction du chlorhydrate de clomipramine s’accompagne d’une nouvelle poussée. L’état général est conservé, il n’y a ni atteinte muqueuse, ni adénopathies loco-régionales. La CRP n’est pas élevée. La sérologie rétrovirale est négative. Il s’agit d’un érythème pigmenté fixe au chlorhydrate de clomipramine. La méthode d’évaluation de l’imputabilité utilisée est celle de L’AFSSAPS / ANSM qui est une évaluation chronologique et clinique utilisant une cotation [6].

Discussion
Le chlorhydrate de clomipramine est un psychotrope de la classe des antidépresseurs tricycliques comme l’amitriptyline et l’imipramine. Il est utilisé en neuropsychiatrie mais aussi dans d’autres spécialités médicales, notamment comme co-analgésique dans les douleurs neuropathiques [7]. Les toxidermies imputables au chlorhydrate de clomipramine sont rares ; photo dermatoses, urticaires, alopécies ont été rapportés [4, 8]. Un cas exceptionnel de DRESS Syndrome (Drug Rash with Eosinophilia and Systemic Symptoms) est décrit dans l’étude de DESCAMPS [9].Les agents psychotropes incriminés dans les toxidermies bulleuses et l’érythème pigmenté fixe sont : la carbamazépine, les barbituriques, l’hydantoïne, l’ethosuxinide [1, 5]. Le diagnostic différentiel des lésions bulleuses récurrentes dans l’érythème pigmenté fixe est à faire avec des lésions herpétiques. Selon HERSTOWSKA et DESCAMPS [5, 9], les antidépresseurs tricycliques favoriseraient une réactivation du virus de l’herpès, mais dans notre cas, l’anamnèse, la localisation multifocale, l’atteinte olécranienne, les critères chronologiques et l’absence de syndrome infectieux plaident pour une toxidermie. Le principe actif du chlorhydrate de clomipramine pourrait être directement mis en cause. L’excipient contient : amidon de maïs, stéarate de magnésium, dioxyde de titane, talc et lactose ; éléments retrouvés dans de nombreux médicaments. Les toxidermies aux excipients sont exceptionnelles et souvent méconnues. Nous pensons humblement que la mise en cause de l’Anafranil® dans la survenue de l’érythème pigmenté fixe chez cette patiente, par ailleurs sujette à une polymédication, mérite une démarche méthodologique plus rigoureuse.

Conclusion
L’intérêt de ce dossier est de décrire une étiologie exceptionnelle d’érythème pigmenté fixe pour une participation à la pharmacovigilance.

Déclarations d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts

 

Références

1. Lebrun-Vignes B, Valeyrie-Allanore LL. Toxidermies cutaneous adverse drug reactions. La Revue de Médecine Interne 2015 ;36(4) :256-70.
2. Dereure O. Nouveau médicament … Nouvelle toxidermie. Edition : Amazon – France 2013 P: 207.
3. Bigata Viscasillas X. Dermatologie chez les patients à peau noire. Edition: EUROMEDICE 2008 P : 99.
4. Mauras T, Gay C, Masson M. Les toxidermies médicamenteuses en psychiatrie. L’exemple d’un DRESS induit par la clomipramine. Annales Médico – Psychologiques 2013; 171 (4): 277-83.
5. Hertowska M, Komorouwska O, Cubala WJ et al. Severe skin complications in patients treated with antidepressants: a literature review. Poslepy Dermatol Allergol 2014 31 (2):92-7.
6. ANSM. Programme de travail 2016. Janvier 2016.
7. HAS. Anafranil. Commission de transparence. Avis du 20 février 2013.
8. Repellin A, Roure S. Photo sensibilisation iatrogène et réaction croisées : le pharmacien d’officine a u c oeur d e l a p rise e n c harge. Thèse. Faculté de pharmacie de Grenoble. n°54. Mai 2009.
9. Descamps V, Ranger-Rogez S, Musette P et al. Le DRESS: Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms. Revue du Rhumatisme (monographies) 2011; 78: 197-200.