ETATS DES LIEUX DE LA CHIRURGIE PEDIATRIQUE AU CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE LIBREVILLE (GABON)

Boumas N1,2, Nzé Obiang PC3, Mougougou A1,2, Mba Ella R2, Mba Meyo J2, Ondo Ndong F2.

1 Service de Chirurgie du Centre Hospitalier Universitaire de Libreville, Gabon
2 Département de Chirurgie Université des Sciences et de la Santé, Gabon
3 Service d’Anesthésie – Réanimation – Urgences, Centre Hospitalier Universitaire de Libreville, Gabon
Correspondance : Dr Boumas Natacha
E-mail : natacha_boumas@yahoo.fr
Tel +241 04 31 54 95

 

Résumé
Introduction : Les hospitalisations en chirurgie pédiatrique ont augmenté du fait des traumatismes accrus, des maladies d’urgence et de la survie en cas de maladies congénitales. Notre but était de de décrire la pratique de la chirurgie pédiatrique au Centre hospitalier universitaire de Libreville (CHUL).
Patients et méthodes : Nous avons mené une étude observationnelle rétrospective allant de janvier 2015 à décembre 2017 au CHUL. Les aspects démographiques, diagnostiques, thérapeutiques et anesthésiologiques ont été analysés.
Résultats : Cinq cents trente-cinq patients ont été inclus durant la période d’étude. Ils représentaient 15% de l’ensemble des interventions chirurgicales. L’âge moyen était de 4 ans et le sex ratio de 4. La chirurgie en urgence représentait 25,4%. L’anesthésie générale au masque laryngé était réalisée dans 69,9 % suivie de l’anesthésie avec intubation orotrachéale dans 28,7%. L’anesthésie était associée à une anesthésie loco régionale dans 56,2% des cas.
Les anomalies congénitales étaient les plus fréquentes (74%) suivies des affections gastro intestinales (14%). Les interventions les plus réalisées étaient la cure de la persistance du canal péritonéo-vaginal (52,7 %) suivie de l’appendicectomie (8,2%). Les patients étaient dans 61,8% des cas opérés par des chirurgiens viscéraux adultes et dans 26,5% par des chirurgiens pédiatriques. La durée moyenne de chirurgie était de 49 minutes avec des extrêmes de 5 et 300 min.
Conclusion : L’activité chirurgicale pédiatrique demeure importante, la formation des chirurgiens pédiatres et la mise en place d’une unité chirurgicale pédiatrique amélioreraient la prise en charge des enfants.

Mots clés : Chirurgie pédiatrique ; Epidémiologie

 

Abstract
Introduction : The hospitalizations in Pediatric Surgery have increased due to increased trauma, emergency disease and survival in the case of congenital diseases. Our aim was to describe the practice of Pediatric Surgery carried out at
the university hospital center of Libreville (CHUL).
Patients and methods : we conducted a retrospective observational study from January 2015 to December 2017 at CHUL. The demographic, diagnostic, therapeutic and anesthesiological aspects have been analysed.
Results : we identified 535 patients during the study period. They accounted for 15% of all surgical procedures. The average age was 4 years and the sex ratio was 4. Emergency surgery accounted for 25.4%. Patients were classified ASA II and above in 7.1%. General anesthesia with laryngeal mask was performed in 69.9% followed by anaesthesia with orotracheale intubation in 28.7%. Anesthesia was associated with regional locoanesthesia in 56.2% of cases.
Patients were in 61.8% of cases operated by adult visceral surgeons and in 26.5% by pediatric surgeons. The average duration of surgery was 49 minutes with extremes of 5 and 300 min. Four periperatory incidents were found.
Conclusion : the training of pediatrician surgeons and the setting up of a Pediatric Surgical Unit would improve the care and therefore prognosis of these children.

Key words : Pediatric Surgery, hospitalizations

 

Introduction
Il existe peu de données en Afrique subsaharienne sur le spectre des affections chirurgicales, la mortalité, la morbidité associées à l’absence de service de chirurgie pédiatrique ainsi que la charge des affections chirurgicales pédiatriques sur le système de santé [1]. Il est donc nécessaire de définir le rôle approprié pour la chirurgie pédiatrique en Afrique et d’évaluer l’impact des affections chirurgicales sur la santé de l’enfant. Peu d’études sur la pratique de cette chirurgie au Gabon ont été publiées. L’objectif de ce travail est de déterminer la prévalence et le profil des interventions chirurgicales pédiatriques réalisées au CHU de Libreville (CHUL), qui ne dispose pas d’un service dédié à cette spécialité.

Patients et méthodes
Notre étude s’est déroulée dans les services de chirurgie viscérale et urologique du CHUL. Il s’est agit d’une étude rétrospective, descriptive et analytique allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, soit une période de 3 ans. Ont été inclus tous les patients âgés de 1 jour à 15 ans hospitalisés ayant bénéficié d’une intervention chirurgicale dans les services de chirurgie viscérale et urologique du CHUL pendant la période. La collecte des données s’est faite à l’aide des dossiers médicaux ainsi que des fiches d’anesthésie. Les paramètres analysés portaient sur les aspects démographiques, diagnostiques, thérapeutiques et anesthésiologiques des patients.

Résultats
Nous avons recensé durant la période d’étude 535 Patients. Ils représentaient 15% de l’ensemble des interventions chirurgicales. L’âge moyen était de 4 ans avec un sex ratio de 4. La tranche d’âge de 1 à 30 mois représentait 41,1%. La chirurgie en urgence était réalisée dans 25,4 % des cas. Selon le score de l’American Society of Anesthesiologists, les patients étaient classés ASA II et plus dans 7,1%. L’anesthésie générale a été effectuée dans 98,6% des cas, associée à une anesthésie locorégionale dans 56,2% des cas (tableau I).

Tableau I : Répartition des patients en fonction du type d’anesthésie locorégionale effectuée

Les différentes pathologies chirurgicales sont résumées dans le tableau II. Les pathologies les plus fréquemement retrouvées correspondaient aux anomalies congénitales (74%), pathologies gastrointestinales (14%), puis venaient les pathologies non digestives (3,6%), urologiques (3,6%) et tumorales (2,4%).
Les autres pathologies, à type de traumatismes (avulsion de l’ongle, traumatisme abdominal et plaie de la face), pathologies thoraciques et épanchements pleuraux enre autres, ne rendaient compte que de 1,8% des cas.
Les patients ont été opérés par des chirurgiens viscéraux adultes dans 61.8% des cas, et 26.5% par des chirurgiens pédiatres. La durée moyenne de chirurgie était de 49 minutes avec des extrêmes de 5 et 300 min.

 

Discussion
Cette étude nous a permis d’avoir un aperçu du profil des pathologies chirurgicales pédiatriques observées au CHUL. La fréquence de ces pathologies chirurgicales pédiatriques représente dans notre série 15% des admissions. Des taux similaires ont été retrouvés en Gambie [1,2] avec un taux de 11,3% d’intervention chirurgicale pédiatrique et au Nigéria [3] 15,5 % des admissions. L’âge moyen de nos patients était de 4 ans. Au Niger [4] et au Nigéria [3], il était respectivement de 4,9 ans et 6,2 ans. Trois grandes catégories de pathologies ressortent comme diagnostic ; les anomalies congénitales, les pathologies gastro intestinales et infectieuses représentent 90% des admissions chirurgicales pédiatriques dans notre série. Stephen W Bickler et al [1] retrouvait un taux plus important de traumatismes suivis des anomalies congénitales et des infections concernant 90% des admissions. Paingha et al [4] ont observé plus d’anomalies congénitales suivis des traumatismes et des infections chirurgicales représentant 60% des admissions. Notre faible incidence des cas de traumatologie est liée à l’existence d’un hôpital dédié à la traumatologie à Libreville (Centre Hospitalier Universitaire d’Owendo). En ce qui concerne les anomalies congénitales, la catégorie diagnostique la plus rencontrée est la pathologie du canal péritonéovaginal (52,7%). Ce taux est supérieur aux 20% rapportés par Amadou [5] et Sewa [6] respectivement au Mali et au Togo. Bastiani [7] affirme que c’est la pathologie la plus fréquente du nourrisson. L’appendicite aigue est la pathologie gastro-intestinale la plus fréquente (8.2%) dans notre travail. En Gambie [1], l’appendicite aigue n’est que la 24ème pathologie. Sur la pratique anesthésique, une étude réalisée au CHUL [8] sur 8 ans (2003-2011) notait un taux de 3,2% d’anesthésie générale associée à une anesthésie locorégionale. Quatre ans plus tard, plus de la moitié de nos patients (56,2%) ont bénéficié de cette association. Au Togo, seuls 8% des patients avaient bénéficié d’une anesthésie générale associée à une anesthésie pédiatrique du fait de la prise en charge quasi exclusive faite par des techniciens supérieurs d’anesthésie et de réanimation [9]. Des études africaines ont mis en cause l’insuffisance qualitative de personnel dédié à la prise en charge des patients pédiatriques [9,10,11]. Nos résultats se justifient par la présence lors de ces interventions d’un médecin anesthésiste assisté d’un infirmier anesthésiste diplômé d’Etat comme recommandé par La Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR) et l’Association Des Anesthésistes- Réanimateurs Pédiatriques d’Expression Française (ADARPEF), mais aussi par la formation des équipes en anesthésie pédiatrique et locorégionale et l’amélioration des équipements dans notre structure. Notre travail permet de montrer que le CHUL, bien qu’étant une structure à vocation adulte, est suffisamment impliqué dans la prise en charge des enfants devant bénéficier d’une intervention chirurgicale.

Conclusion
Dans les proportions de la prévalence des actes de chirurgie pédiatrique au CHUL, la formation des chirurgiens pédiatres et la mise en place d’une unité chirurgicale pédiatrique exclusive deviennent des mesures indispensables pour optimiser la prise en charge des enfants. Nos données peuvent aider à définir les priorités en termes d’amélioration des soins chirurgicaux pédiatriques à l’échelle locale, voire nationale. L’ouverture récente d’un service de chirurgie pédiatrique au sein du nouveau CHU Mèreenfant va certainement y contribuer.

Références

1- Bickler SW, Sanno-Daunda B. Epidemiology of paediatric surgical admissions to a government referral hospital in the Gambia. Bulletin of World Health Organization 2000;78(11):1330-6.
2- Bickler Stephen W. Out of Africa: Insights from a Prospective Pediatric Surgery Database, Journal of Pediatric Surgery 2018;53 (1): 12-20.
3- Olasinde A, Oluwadiya K, Akinkuolie A, et al. Paediatric surgical admissions in a tertiary hospital in Western Nigeria. The Internet Journal of Paediatrics and Neonatology 2004;5(2): 1-6.
4- Paingha J A, Isesoma G. Pattern of paediatric surgical admissions in a tertiary hospital in a semi- urban community in the Niger Delta: a
three- year review. International Journal of Tropical Disease and Health 2014;4(1):45-51.
5- Amadou I, Coulibaly Y, Coulibaly MT, et al. Les pathologies du canal péritonéo-vaginal en chirurgie pediatrique du CHU Gabriel Toure. Le Mali Medical 2018;33(2):17-20.
6- Sewa E V, Tengue KK, Kpatcha MTK, et al. Aspects cliniques et thérapeutiques des pathologies du canal péritonéo-vaginal au Centre Hospitalier Régional de DAPAONG (TOGO). J Conf Ouest Afr Uro Andro 2016;6(1):1-15.
7- Bastiani F, Guys JM. Peritoneo-vaginal canal Pathology. Soins Gynécol Obstet Pueric Pediatr 1990;107:12-4.
8- Essola L, Sima Zué A, Obame R, et al. C. Anesthésie pédiatrique en milieu africain : expérience d’un hôpital gabonais à vocation adulte. Rev Afr Anesth Med Urgence 2013;18 : 20-5.
9- Mouzou T, Egbohou P, Tomta K, et al. Pratique de l’anesthésie pédiatrique dans un pays en développement : expérience du CHU Sylvanus Olympio de Lomé au Togo Rev Afr Anesth Med Urgence 2016;21(3):38-42.
10- Ouro-Bang’na AF, Kaboré R, Zouménou E, et al. Anesthesia for children in Sub-Saharan Africa–a description of settings, common presenting conditions, techniques and outcomes. Pediatric Anesthesia 2009;19:5-11.
11- Zoumenou E, Gbenou S, Assouto P, et al. Pediatric anesthesia in developing countries: experience in the two main university hospitals of Benin in West Africa. Pediatric Anesthesia 2010;20:741- 7.