Okiemy EK1, Varin R2
1 Pharmacie CHU Brazzaville, boulevard Maréchal Lyaute, Brazzaville Congo,
2 Pharmacie CHU Rouen, 37 boulevard Gambetta, Rouen France
Correspondant principal :evissi-kouva@msn.com
Résumé
Introduction. Le sondage urinaire ou vésical est une technique utilisée depuis l’antiquité qui repose sur l’utilisation de dispositifs médicaux invasifs pour le patient. Cet acte de soin doit se faire de façon sécurisée et s’appuyer sur des référentiels. Les objectifs ont été l’évaluation du respect des recommandations du protocole institutionnel sur la pose d’une sonde urinaire à demeure chez l’adulte, le respect de l’hygiène et de l’asepsie et l’évaluation des conduites à tenir lors d’une fuite urinaire sur sonde.
Matériel et méthodes. Dans le cadre d’une démarche d’évaluation des pratiques professionnelles, une enquête prospective basée sur le concept des « vignettes cliniques » a été menée, avec des mises en situations des soignants du CHU Charles Nicolle, Bois-Guillaume et Oissel en 2011.
Résultats. L’enquête révèle un suivi des recommandations sur certains points comme le respect de l’asepsie et du système clos. Des divergences ont été mises en évidence concernant notamment l’usage de la bandelette urinaire chez le patient sondé, le choix du type de sonde et les couples de produits à utiliser pour la détersion et l’antisepsie.
Conclusion. Des axes d’améliorations sont proposés comme la sensibilisation des équipes soignantes mais également médicales par le biais notamment d’une plaquette simple et illustrée de support d’information sur les bonnes pratiques de sondage vésical à demeure chez l’adulte et des kits « prêts à l’emploi » de produits pour la détersion et l’antisepsie.
Mots-clé : sondage vésical à demeure, bonnes pratiques, vignettes cliniques, antibiothérapie, bandelette urinaire
Summary
Introduction: The urinary or bladder catheter is a technique used since antiquity that relies on the use of invasive medical devices for the patient. This act of care must be done in a secure manner and rely on standards.
The objectives were the evaluation of the respect of the recommendations of the institutional protocol on hanging an indwelling urinary catheter in adult, the respect of the hygiene and the asepsis and the evaluation of the behaviors to be maintained during a urinary leak on probe.
Material and methods: As part of an evaluation of professional practices, a prospective survey based on the concept of « clinical vignettes » was conducted, with situations in nurses’ CHU Charles Nicolle, Bois-Guillaume and Oissel in 2011.
Results: The survey reveals a follow-up of the recommendations on points like the respect of the asepsis and the closed system. Discrepancies have been identified in particular with regard to the use of the urine strip in the patient being probed, the choice of the type of probe and the pairs of products to be used for the debridement and antisepsis.
Conclusion: Areas for improvement are proposed, such as raising the awareness of health care teams, but also medical ones, in particular through a simple plaque illustrated with information support on good practice of adult bladder catheterization and packaging “ready to use” for debridement and antisepsis.
Key words: bladder catheterization, good practices, clinical vignettes, antibiotherapy, urine strip
Introduction
Le sondage urinaire ou vésical est une technique utilisée depuis l’antiquité pour permettre l’évacuation des urines lorsque celle-ci est difficile ou impossible. Il repose sur l’utilisation de dispositifs médicaux invasifs pour le patient. Cet acte de soin doit se faire de façon sécurisée pour le patient et le soignant, et s’appuyer sur un protocole et des recommandations. Des infections urinaires sont fréquemment décrites et accompagnent de façon régulière l’acte de sondage vésical à demeure [1,2].
L’évolution des matériaux constituant les dispositifs médicaux utilisés lors du sondage vésical, puis l’évolution de la technique elle-même ont permis une diminution de l’incidence de ces infections.
Outre une augmentation de la durée d’hospitalisation, ces infections peuvent s’étendre sous la forme de bactériémies et se disséminer à d’autres sites de l’organisme et conduire à des conséquences graves pour le patient [2]. Au CHU de Rouen, les professionnels de santé ont une approche pluridisciplinaire médico-soignante sur le sondage vésical à demeure, dans un contexte d’évaluation des pratiques professionnelles. A partir du protocole institutionnel « Pose de sonde vésicale chez l’adulte », des états des lieux, des enquêtes, des retours d’informations ont été réalisés et ont abouti à la mise en place de plans d’actions et de mesures correctives avec notamment des outils pédagogiques. Afin de poursuivre la démarche existante, une enquête prospective a été mise en place de juin à octobre 2011. Elle est basée sur le concept des « vignettes cliniques », avec des mises en situation des professionnels de santé dans le cas présent, infirmiers. Les objectifs ont été l’évaluation du respect des recommandations du protocole institutionnel sur la pose d’une sonde urinaire à demeure chez l’adulte, le respect de l’hygiène et de l’asepsie et l’évaluation des conduites à tenir lors d’une fuite urinaire sur sonde.
Matériel et méthodes
La méthode choisie a été une enquête prospective et descriptive basée sur les « vignettes cliniques » qui a consisté en l’élaboration et la présentation aux équipes soignantes d’un cas clinique [3-5]. Aucune observation des pratiques n’a été réalisée. Les soignants ont été questionnés sur les étapes de la vignette clinique. Pour mener à bien cette enquête évaluative, un groupe d’experts s’est constitué. Il est composé d’un médecin urologue, d’un pharmacien hospitalier, d’un médecin infectiologue, d’un médecin hygiéniste et d’un cadre de santé. Nous avons ciblé les infirmiers du CHU Charles-Nicolle, Bois-Guillaume et Oissel. Ce sont les acteurs du sondage vésical. Pour une bonne représentativité, 19 services ont été sélectionnés parmi les 8 pôles du CHU à partir d’une consommation annuelle supérieure ou égale à 100 sondes urinaires. Les professionnels appartenant aux services ou secteurs ne s’occupant pas de patients sondés, les professionnels appartenant aux services de pédiatrie et ceux du service d’imagerie médicale utilisant les sondes vésicales à visée diagnostique, ont été exclus de l’enquête. En collaboration avec le groupe d’experts deux thématiques ont été choisies.
Premièrement, les principes fondamentaux du sondage vésical à demeure qui reposent sur l’hygiène et l’asepsie lors de la pose, le choix du type et du calibre de la sonde urinaire, le déroulement de la pose et la vérification effective de celle-ci.
Deuxièmement, la conduite à tenir en cas de fuite urinaire en présence de la sonde urinaire. Ces thématiques ont fait l’objet de recommandations nationales et internationales [6-9]. Le référentiel de base dont ont été tirés les éléments de cette enquête est le protocole d’établissement « Pose d’une sonde vésicale chez l’adulte » ainsi que « l’Audit clinique ciblé appliqué à la pose et à la surveillance des sondes urinaires » [10] lequel a servi de modèle pour l’élaboration des critères d’évaluation. De ces recommandations, nous avons extrait 8 critères reliés aux dix questions de la vignette :
– Choix de la sonde urinaire (2 questions)
– Produits recommandés pour l’hygiène des mains (1 question)
– Produits recommandés pour la détersion du patient sondé (1 question)
– Produits recommandés pour l’antisepsie du patient sondé (1 question)
– Respect de la famille des produits utilisés pour la détersion et l’antisepsie (synthèse des 2 critères précédents)
– Déroulement du soin : pose de la sonde urinaire (2 questions)
– Mesures recommandées chez un patient lors d’une fuite urinaire sur sonde (1 question)
– Mesures recommandées concernant le système clos (sonde urinaire/sac collecteur) chez un patient ayant une fuite urinaire sur sonde (2 questions)
Les questions posées aux soignants avaient comme objectif une évaluation des connaissances des soignants sur le protocole d’établissement et sur leur conduite à tenir lors d’une fuite urinaire sur sonde.
La démarche d’élaboration de la vignette a comporté cinq étapes [6] : une réflexion quant au contenu à inclure dans la vignette et une analyse de la littérature, la rédaction de versions d’une vignette en s’adjoignant d’experts, la réalisation dans une approche évaluative d’un scénario de réponses attendues en lien avec les référentiels choisis, la réalisation d’un test de la vignette auprès de répondants similaires à ceux visés par l’enquête pour évaluer la grille d’évaluation. Quatre infirmières appartenant aux services d’urologie, de gastroentérologie et de réanimation chirurgicale ont été choisies. Leurs commentaires et questions éventuelles ont permis de mieux formuler les questions et de rédiger une question fermée (question 3). Le test a également permis de mettre en évidence d’autres réponses qui ont été intégrées à la grille préétablie. Enfin, un mois plus tard, la rédaction d’une version finale de la vignette a été réalisée. La diffusion de la vignette a consisté en la distribution en mains propres aux soignants des services sélectionnés avec des enveloppes préétiquetées pour faciliter le retour des « vignettes cliniques ». Une relance par mail a été réalisée deux semaines plus tard. Un déplacement dans les unités qui s’étaient peu mobilisées a également été réalisé. A la réception des vignettes, pour chacune d’elle, les réponses données par les soignants ont été classées en réponses « attendues » ou en réponses « autres ».
Une grille préétablie regroupant les huit critères d’évaluation et les réponses « attendues » a été réalisée. A chaque critère correspondait une ou plusieurs questions et réponses « attendues ». Les réponses données par les soignants ne figurant pas dans la grille constituaient les réponses « autres » et ont été analysées par le groupe d’experts. Si ces réponses étaient pertinentes, elles étaient prises en compte dans l’analyse. Dans notre enquête, la pertinence d’une réponse est définie comme une réponse entrant strictement dans le cadre de la question. Les réponses non pertinentes sont considérées non conformes. Chaque grille a été saisie dans un tableur Excel® afin de pouvoir analyser les résultats grâce à un programme d’analyse, le logiciel Epi-info®. Le nombre de réponses conformes et non conformes ont été calculés automatiquement pour chaque critère. Les tests statistiques du Chi 2 et t de Student ont été utilisés.
Résultats
Dix-neuf services ont été sélectionnés pour l’enquête (tableau I). 66 vignettes ont été retournées par mail et par courrier interne. Ceci représente un taux de réponse de 66% (66 soignants sur un total de 100).
L’ancienneté dans la profession se situe entre 3 et 10 ans pour 45,5% des soignants, elle est inférieure à 3 ans pour 27,3% d’entre eux et est supérieure à plus de 10 ans également pour 27,3% d’entre eux. 12 services parmi les 19 sollicités ont répondu à l’enquête soit un taux de participation de 63,2% avec une moyenne de 5,5 soignants par service (3-27).
Tableau I : Liste des services sélectionnés par pôle clinique
Résultats pour le critère « Choix de la sonde urinaire »
La réponse attendue pour le critère de choix du type de sonde était « la durée prévisionnelle de sondage ». Le taux de réponses était de 27,3% soit 18 soignants (p<0,05). Les réponses « autres » étaient « prescription médicale » 6% (p<0,05), « risque d’allergie au latex » 40,9% et « disponibilité en stock » 31,8%. Les réponses attendues pour le choix du calibre de la sonde urinaire étaient les suivantes : « Charrière la plus petite », « anatomie du patient » et « recommandations selon le protocole (16-18ch) ». Les taux de réponses des soignants étaient respectivement de 19,7% (13 soignants), 60,6% (40 soignants) et de 25,75% (17 soignants).
Une réponse « autre », « antécédents du patient » a été donné par 16 soignants soit 24,2%. Les réponses « attendues » pour le calibre et le type de sonde sont représentées dans la figure 1. Les réponses « autres » sont représentées dans la figure 2.
Figure 1: Taux des réponses « attendues » pour le choix de la sonde urinaire (p<0,05)
Figure 2 : Taux des réponses « autres » pour le choix de la sonde urinaire
Résultats pour le critère « Déroulement du soin :pose de la sonde urinaire »
Les réponses attendues pour les étapes du soin sont dans l’ordre, la « Préparation du matériel pour la pose de sonde » ; les « Informations au patient sur le sondage urinaire » ; le « Lavage des mains/port de gants non stériles » ; la « Détersion » ; le « Lavage des mains/port de gants stériles », l’« Antisepsie » ; le « Lavage des mains/changement de gants stériles » ; la « Pose aseptique de la sonde vésicale » ; le « Lavage des mains » ; la « Traçabilité du sondage dans le dossier patient ». Le taux de réponses était de 3% (2 soignants) pour la citation des réponses attendues dans le bon ordre. 22 soignants sur 66 soit 33,3% ont répondu « Informations au patient sur le sondage urinaire » en première position puis ont cité dans l’ordre le reste des réponses (figure 3). 14 soignants sur 66 soit 19,7% ont répondu « Informations au patient sur le sondage urinaire » en première position suivi de « Lavage des mains » puis de « Préparation du matériel pour la pose de sonde ».
Figure 3 : Taux des critères du déroulement de la pose de la sonde urinaire donnés dans l’ordre par les soignants
Quinze soignants sur 66 soit 22,7% ont répondu «préparation du matériel pour la pose de sonde » suivie de « Lavage des mains/port de gants stériles » et « Antisepsie ». 5 soignants ont répondu le port de gants (stériles ou non stériles) pour des actes non appropriés. Deux réponses « autres » ont été retrouvées, «pas de notion de changements de port de gants » et « antisepsie » placé avant « détersion ». La réponse attendue pour le type de produit pour gonfler le ballonnet était « eau stérile ». Le taux de réponses était de 86,4% (57 soignants). Le taux de réponses pour la réponse « autre » « sérum physiologique » était de 13,6% (9 soignants).
Résultats pour les quatre critères concernant l’hygiène et les produits utilisés pour respecter l’hygiène
Les réponses attendues pour les produits recommandés pour l’hygiène des mains étaient « SHA » et/ou « savon doux ». Le taux de réponses était de 92,4% (61 soignants) pour la réponse « SHA», de 45,4% (30 soignants) pour la réponse « savon doux », de 7,6% (5 soignants) pour la réponse « autre », « savon antiseptique ». Les réponses attendues pour les produits recommandés pour la détersion du patient sondé étaient « Bétadine scrub » et « savon doux ». Le taux de réponses était de 36,4% pour « Bétadine scrub » (24 soignants) et de 54,5% pour « savon doux » (36 soignants).
Quatre réponses « autres » ont été données: « Dakin », «Amukine », « Hibiscrub » et « Bétadine gynécologique » soit 6% pour l’ensemble de ces réponses « autres » (4 soignants). Une réponse a été annulée car toutes les réponses ont été citées. Deux soignants n’ont pas répondu. Les réponses attendues pour les produits recommandés pour l’antisepsie du patient sondé étaient « Bétadine dermique », « Amukine » et « Dakin ». Le taux de réponses était de 34,8% pour « Bétadine dermique » (23 soignants), de 25,7% pour « Amukine » (17 soignants) et de 31,8% pour « Dakin » (21 soignants). Le taux de réponses était de 4,5% (3 soignants) pour la réponse « autre », « Bétadine gynécologique ». Aucune question n’a été posée pour le critère « Respect de la famille produits détersion/antisepsie » dans la vignette. Ce critère est la synthèse des critères « produits recommandés pour la détersion » et « produits recommandés pour l’antisepsie ». Les réponses attendues étaient le couple « Bétadine scrub » et « Bétadine dermique », le couple « savon doux » et « Amukine » ou « Dakin ». 52 soignants sur 66 soit 78,8% ont donné ces réponses (tableau II). Le taux de réponses pour le couple « Bétadine scrub » et « Bétadine dermique » était de 31,8% (22 soignants), pour le couple « savon doux » et « Amukine » ou « Dakin », il était de 47% (32 soignants).
Tableau II: Réponses attendues pour le critère « respect de la famille produits détersion/antisepsie »
Résultats pour le critère « Mesures recommandées chez un patient lors d’une fuite urinaire sur sonde » :
Les réponses attendues étaient « Vérification hydratation/apport d’eau », « Vérification température », « Interrogatoire du patient », « Avis médical (ECBU) » et « Diurèse des 24 heures ».
Les taux de réponses étaient respectivement de 24,2% (16 soignants), de 28,8% (19 soignants), de 25,75% (17 soignants), de 43,4% (29 soignants) et de 7,6% (5 soignants). Deux réponses « autres » ont été données: « Bandelette urinaire » et « Bladder scan ». Leurs taux de réponses étaient respectivement de 40,9% (27 soignants) et de 12,1%
(8 soignants).
Résultats pour le critère « Mesures recommandées concernant le système clos lors d’une fuite urinaire sur sonde »
Les réponses attendues étaient « Vérification ballonnet », « Vérification position/plicature » et « Vérification sac déclive ». Les taux de réponses étaient respectivement de 56% (37 soignants), de 31,8% (36 soignants), et de 24,2% (16 soignants).
Quatre réponses « autres » ont été données :
« Respect du système clos » par 33 soignants (50%), « Regonfler le ballonnet » par 14 soignants (21,2%), « Changement de sonde urinaire » par 25 soignants (37,9%) et « Ablation du système clos » par 9 soignants (13,6%).
Les réponses attendues à la question « comment suggérez-vous de régler ce problème » étaient « anticholinergiques », « changement de sonde si obstruction » et « Dégonfler et regonfler le ballonnet ». Les taux de réponses étaient respectivement de 7,6% (5 soignants), de 7,6% (5 soignants) et de 10,6% (7 soignants). Une réponse « autre », « changement de sonde de calibre plus élevé » a été donnée par 17 soignants soit 25,75% (figure 4).
Figure 4 : Taux des réponses attendues pour le critère « mesures de recommandations lors d’une fuite urinaire sur sonde »
Discussion
Points forts et limites de la méthode
Cette méthode originale a été choisie car elle s’applique aux pratiques professionnelles pour lesquelles il existe généralement un référentiel, ce qui est notre cas. Au-delà d’une évaluation des pratiques, il est recherché une compréhension des attitudes afin de cibler les actions correctives qui découleront de l’enquête. De plus, ce type d’enquête permet de choisir de manière arbitraire une situation clinique et de la faire varier selon les objectifs recherchés sans observation des pratiques sur le terrain, ce qui apparait comme un gain de temps comme le recueil des résultats et cela permet une évaluation des connaissances (3). La publication qui a servi de « base » est celle de Cazale et al. Elle utilise les vignettes afin d’apprécier la qualité des soins d’équipes interdisciplinaires oeuvrant auprès de patients atteints d’un cancer. Cette publication est très complète quant à la méthodologie à suivre. Les vignettes ont déjà été utilisées chez les infirmières, principalement pour obtenir des informations pertinentes sur leurs attitudes ou leurs croyances ou pour mettre en évidence leur manière de réagir face à un problème difficile (3). Les vignettes ont également été introduites dans la sphère médicale dans un but didactique ou évaluatif (4, 5). La collaboration d’experts est justifiée puisqu’elle permet la co-construction d’une vignette pertinente pour les répondants ce qui fait augmenter la probabilité d’obtenir des informations de « bonne qualité » (5). Le test est une étape préalable au recueil des données qui permet d’une part la vérification de la pertinence et de la fiabilité des critères et d’autre part, l’appropriation de ces outils par les professionnels de terrain amenés à être évalués (10). L’aspect ludique des vignettes cliniques et le temps de réponse peu élevé rendent cette enquête attrayante pour les répondants. Un autre avantage de la vignette est sa flexibilité. En effet, elle permet de manipuler facilement les caractéristiques du cas proposé et notamment celles du patient fictif. Ce travail a été néanmoins assez chronophage dans la saisie des données. Le choix d’un questionnaire ouvert a obligé à une attention et à une vigilance accrues pour identifier les réponses qui correspondent au scénario de réponses attendues et répertorier les réponses « autres » pour qu’elles soient analysées par le groupe d’experts.
Le choix de la sonde urinaire
En tout, 27,3% des soignants ont donné la réponse correcte pour le choix du type de la sonde urinaire, « durée prévisionnelle de sondage ». 31,8% des soignants ont exprimé la disponibilité en stock des sondes urinaires. Ceci constitue une divergence majeure. 60,6% des soignants ont répondu qu’ils choisissaient le calibre de la sonde urinaire en fonction de l’anatomie du patient. Ceci est une réponse conforme, en effet selon les recommandations, le calibre est de 16-18ch pour un homme ayant une hypertrophie bénigne de la prostate. Cette proportion de réponses n’est pas en cohérence avec celle du choix du type de sonde urinaire (27,3%). Cela vient probablement du fait que les soignants privilégient l’acte de soin plutôt que le choix qui est plutôt celui du médecin. La durée prévisionnelle de sondage conditionne le choix du type de sonde parce qu’il a été démontré que plus longtemps un patient garde une sonde urinaire, plus il a de risques d’être colonisé à un germe bactérien. Et plus les risques de développer, plus tard une infection urinaire sont accrus [13,15]. D’autant plus, si le patient possède des facteurs de risque ou des comorbidités. Les réponses « autres », « risque d’allergie au latex » et « clampage/déclampage de la sonde urinaire » ont été considérées comme des réponses correctes par le groupe d’experts. En effet, le risque d’allergie au latex est à prendre en compte pour les soignants et le clampage/déclampage permet un sondage lent et progressif pour éviter un drainage brutal et ainsi l’apparition d’une hématurie d’après les experts médecins. Les sondes en silicone sont préconisées pour des durées de sondage urinaire supérieures à trois semaines car il a été démontré que des bactéries comme E. Coli et Klebsiella adhéraient rapidement aux sondes en latex et en latex enduit de téflon et moins bien aux sondes en silicone [16].
Nous nous demandons si les équipes soignantes qui ont participé à l’enquête sont suffisamment sensibilisées à ce problème de durée. En effet, la plupart des services sollicités sont des services d’urgence, de réanimation ou de court-séjour. Leurs durées moyennes de sondage urinaire ne dépassent pas pour la plupart les 3 semaines (les services de réanimation par exemple ont des durées moyenne de sondage urinaire de 13 jours).
Déroulement du soin : pose de la sonde urinaire
Le déroulement du soin suit plusieurs étapes qui doivent se réaliser de manière logique pour éviter les erreurs d’asepsie. Seuls 3% des soignants ont répondu correctement c’est-à-dire qu’ils ont suivi à la lettre les recommandations du protocole. 33,3% des soignants n’ont pas cité « préparation du matériel », ils ont commencé le déroulement du soin par « informations à donner au patient » puis ils ont cité le reste des critères dans l’ordre. La préparation du matériel dans ce cas est implicite. Nous pouvons donc conclure que ces soignants ont compris la logique du soin et qu’ils respectent les règles d’asepsie préconisées par le protocole. Ces réponses n’ont pas été considérées comme non conformes par le groupe d’experts. 19,7% des soignants ont répondu « informations au patient sur le sondage urinaire » puis « lavage des mains » puis « préparation du matériel pour la pose de sonde ».
Cela n’est pas conforme car l’hygiène des mains doit être réalisée avant la détersion et l’antisepsie et après la préparation du matériel afin d’éviter une éventuelle contamination. 7,6% des soignants ont dit ne pas utiliser les gants appropriés. Ces constatations révèlent une déviance du protocole. Il est important d’en évaluer les conséquences pour prendre les mesures adéquates. Une fois la sonde urinaire posée, le soignant doit gonfler le ballonnet pour la fixer. Ce gonflement doit se faire à l’aide d’eau stérile. 86,4% des soignants ont répondu correctement, ceci est un bon résultat mais qui devrait être autour des 95%. Il est constaté que les soignants, utilisant encore le sérum physiologique, n’ont pas exclusivement une ancienneté supérieure à dix ans dans la profession.
De jeunes « recrues » ont répondu qu’ils gonflaient le ballonnet à l’aide de sérum physiologique. Le sérum physiologique est à proscrire car il peut précipiter dans le ballonnet et ainsi conduire à un mauvais maintien de la sonde urinaire et donc à des probables infections urinaires (7, 9).
L’hygiène des mains
Pour cet item, 92,4% des soignants ont répondu utiliser la solution hydro-alcoolique (SHA) et moins de 50% d’entre eux utilisent également le savon doux. La conformité avec les recommandations est quasiment totale. Ce résultat montre que les soignants ont bien compris l’importance de l’hygiène des mains. Les campagnes de sensibilisation comme les audits annuels sur les précautions standards et les journées annuelles ont contribué à ce succès.
Produits utilisés pour la détersion et l’antisepsie
90,9% des soignants utilisent le bon produit pour la détersion et 92,4% des soignants interrogés utilisent le bon produit pour l’antisepsie. Néanmoins, nous constatons que 6% des soignants préconisent des produits recommandés pour l’antisepsie lors de la phase de détersion (« Dakin » et « Amukine »). Ce pourcentage étant faible, nous pouvons conclure que la majorité des soignants respecte le protocole en termes de choix de produit.
Malgré ce bon résultat, il semble persister une méconnaissance de l’association des deux produits (détersion et antisepsie) puisque 78,8% des soignants respectent la famille d’antiseptiques. Cela est probablement dû à la méconnaissance de l’impact de l’utilisation d’un produit de détersion incompatible avec un produit pour l’antisepsie. La détersion est une étape de « nettoyage » qui permet d’éliminer une partie des micro-organismes de la peau par une action mécanique. Cette étape de détersion doit toujours être suivie d’un rinçage à l’eau stérile afin d’éviter d’éventuels interactions avec le produit antiseptique. Il est fortement recommandé d’utiliser un antiseptique compatible avec le « savon » utilisé pour la détersion [12]. En effet, des interactions sont possibles avec les produits d’une autre famille [17]. Ces étapes ont pour objectif de diminuer au maximum le nombre de germes commensaux de la peau afin d’éviter toute pénétration de bactéries dans le tractus urinaire via la sonde urinaire. Une sensibilisation sur les étapes de « détersion / antisepsie » et les interactions possibles semble nécessaire auprès du personnel
soignant.
Mesures recommandées chez un patient lors d’une fuite urinaire sur sonde
Concernant cet item, 43,4% des soignants ont donné la réponse « avis médical (ECBU) », 28,8% d’entre eux ont donné la réponse « vérification de la température ». L’ECBU est une réponse correcte mais la première action qui est recommandée dans cette situation spécifique est l’interrogatoire du patient et son examen clinique. Il est évident que d’autres examens peuvent être réalisés mais ils ne sont pas au coeur du sujet. Une forte proportion de soignants (40,9%) a répondu une réponse « autre » « bandelette urinaire ». Cette réponse a été jugée non pertinente par le groupe d’experts mais les deux experts médecins ne sont pas unanimes sur ce sujet.
La revue de la littérature n’est pas non plus équivoque. Les recommandations de la SPILF (6) ne préconisent pas l’usage de la bandelette urinaire chez le patient sondé mais ces recommandations ne sont pas d’une force élevée. Cavallo et al. affirment que la présence d’une leucocyturie est moins bien corrélée avec une infection urinaire par rapport aux patients non sondés même si le sondage est de courte durée. En effet, la leucocyturie peut résulter de l’action mécanique de la sonde. Les patients sondés à demeure ont une leucocyturie quasiment systématique de même qu’une bactériurie [18]. Cavallo et al. concluent en affirmant que le critère essentiel à prendre en compte en l’absence de signes cliniques est une bactériurie supérieure ou égale à 103 CFU/ml sans tenir compte de la leucocyturie. L’argumentation avancée notamment par un des experts qui est en faveur de l’usage de la bandelette urinaire est qu’elle permet de connaître le taux de leucocytes qui guidera la prescription ou non d’un ECBU.
Mesures recommandées concernant le système clos lors d’une fuite urinaire sur sonde
Dans ce cas, 54,5% des soignants vérifient la position de la sonde urinaire. 50% des soignants ont précisé qu’ils respectent le système clos en ne déconnectant pas la sonde du sac collecteur. Ces réponses sont conformes aux recommandations et elles démontrent l’impact des précédentes actions de sensibilisation. Près de 40% des répondants préconisent un changement du système clos. 25,75% d’entre eux préconisent un changement de sonde pour un calibre plus élevé. Il est important de rappeler en premier lieu que la fuite urinaire autour de la sonde urinaire ne constitue pas une cause de changement de sonde. Les trois situations qui peuvent donner lieu à un changement sont une infection, une obstruction ou une réévaluation du sondage motivant l’arrêt du sondage urinaire [19].
En effet, un changement de sonde itératif peut engendrer des bactériémies par « décollement » du biofilm. Les bactéries vont alors coloniser un autre site de l’organisme lors du retrait de la sonde [17, 20]. De plus, augmenter la charrière de la sonde est une mauvaise idée car cela peut entraîner une dilatation de l’urètre et une majoration des fuites urinaires d’après les experts médecins. 56% des soignants vérifient le ballonnet dont 10,6% qui « dégonflent et regonflent le ballonnet ». Ce taux de réponses est insuffisant. A la question « comment suggérez-vous de régler le problème », mois de 10% des soignants ont donné les réponses attendues. Il s’agissait surtout de soignants expérimentés. En effet, ce domaine est plus l’apanage des médecins. Il est constaté que 25,75% d’entre eux ont le réflexe de proposer un changement de système clos pour un calibre supérieur. Dans l’ensemble les recommandations du protocole institutionnel sont suivies. L’hygiène et les règles d’asepsie sont respectées dans la majorité des cas. Une sensibilisation sur l’impact des produits utilisés pour la détersion et l’antisepsie devra cependant être réalisée. Les conduites à tenir en cas de fuite urinaire sur sonde sont méconnues car mois de 10% des soignants ont suggéré les réponses attendues, 40% d’entre eux préconisent un changement du système clos qui n’est pas recommandé et 25,75 % préconisent un changement pour un calibre plus élevé. Une sensibilisation de ces conduites à tenir est primordiale avec notamment la mise en place d’une plaquette illustrée.
Conclusion
Le sondage vésical à demeure est une pratique de soin largement banalisée qui a fait l’objet de nombreuses recommandations. Cette enquête a permis de montrer l’intérêt des soignants pour ce type d’enquête. Des points positifs ont été mis en valeur tel que le respect de l’asepsie dans la majorité des cas pour les soignants, le respect du système clos. Cette enquête a permis de mettre en évidence la nécessité d’une réflexion pluridisciplinaire autour de la bandelette urinaire. Les points à améliorer sont le choix du type de sonde notamment pour les services à durée courte en expliquant au personnel soignant mais également médical les risques encourus pour les patients en terme d’infections si le bon type de sonde urinaire n’est pas utilisé. Il pourrait être également proposé une ordonnance-type pré remplie sur laquelle les médecins cocheraient le type de sonde urinaire qui correspondrait à l’indication (avec un rappel sur le choix des sondes). Le point « gonflage du ballonnet » devra faire partie des éléments de sensibilisation avec rappel du bon produit à utiliser. Il serait intéressant de revoir avec les soignants le déroulement du soin notamment la place de l’information à donner au patient et la préparation du matériel. Il faudrait également rappeler les recommandations sur le port de gants et expliquer pourquoi une paire de gants doit être changée régulièrement. En effet, des phénomènes « d’essuyage » et donc de transmissions des germes est possible si le changement de gants n’est pas réalisé. Enfin, il faudrait rappeler la différence entre la détersion et l’antisepsie et les impacts des interactions entre les produits. Les axes d’améliorations proposées sont d’une part la poursuite des actions déjà engagées comme les journées « sondage urinaire » et les audits institutionnels. Et la rédaction d’un document illustré, pratique et synthétique, qui tient dans la poche d’une blouse, qui reprendrait les bonnes pratiques de sondage vésical à demeure en plusieurs points. Il pourrait être également envisagé de réaliser des « kits » contenant les produits pour la détersion et l’antisepsie « prêts à l’emploi » afin d’éviter les erreurs. Il serait intéressant de lancer une réflexion sur ce sujet en lien avec les infectiologues, les urologues et les bactériologistes pour avoir une démarche claire et unanime sur l’établissement.
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