HYPERALDOSTERONISME PRIMAIRE PAR HYPERPLASIE FOCALISEE DE LA GLANDE SURRENALE. UNE CAUSE CURABLE RARE DE L’HYPERTENSION ARTERIELLE

Nsame Daniela1, Mougougou A2, Ntoutoume Sima F3, Ntyonga Pono MPB1, Kouna Ndouongo P4
1- Service d’endocrinologie, CHU de Libreville
2-Service d’urologie, CHU de Libreville
3-Service d’Anatomopathologie, CHU de Libreville
4- Service de Neurologie Chef de Département de Médecine

Auteur correspondant : Dr NSAME Daniela ; BP : 15640 Libreville ; Email: daniela_nsame@yahoo.fr

Résumé

Introduction: L’hyperaldostéronisme primaire (HAP) ou Syndrome de Conn est une cause rare de l’hypertensionartérielle et de diagnostic difficile. Nous rapportons l’observation d’un HAP par hyperplasie unilatérale focalisée de la surrénale pris en charge au CHU de Libreville.
Observation: Il s’agissait d’une patiente de 35 ans, obèse, qui présentait une HTA permanente grade II. Le bilan biologique notait une hyperaldostéronémie à 2054 pmol/L et une hypokaliémie à 3,1mmol/L. La Tomodensitométrie abdominale retrouvait une hypertrophie surrénalienne gauche, sans adénome individualisable. L’examen anatomopathologique de la pièce de la surrénalectomie retrouvait une hyperplasie focalisée. En post opératoire, une normalisation de la kaliémie et de la tension artérielle était notée au bout de 3 mois et maintenu stable tout au long du suivi qui a duré 1 an.
Conclusion: L’HAP est une pathologie difficile à dépister compte tenu des différentes formes étiologiques. La découverte d’une hypokaliémie chez un patient hypertendu doit rester une indication à son dépistage. La chirurgie améliore son pronostic.

Mots-clés : HTA, Hypokaliémie, Hyperaldosteronisme primaire, Surrenalectomie

Abstract
Introduction: Primary hyperaldosteronism (PAH) or Conn’s Syndrome is a rare cause of high blood pressure and difficult to diagnose. We report the observation of a PAH by focused unilateral hyperplasia of the adrenal gland treated at the University Hospital of Libreville.
Observation: This was a 35-year-old obese patient with permanent grade II hypertension. The laboratory tests noted hyperaldosteronemia at 2054 pmol/L and hypokalaemia at 3.1mmol/L. Abdominal CT scan found left adrenal hypertrophy, without individualizable adenoma. Pathological examination of the adrenalectomy specimen revealed focused hyperplasia. Postoperatively, normalization of serum potassium and blood pressure was noted after 3 months and maintained stable throughout the follow-up which lasted 1 year.
Conclusion: PAH is a difficult pathology to detect given the different etiological forms. The discovery of hypokalaemia in a hypertensive patient should remain an indication for its screening. The surgery improves his prognosis.

Keywords: Hypertension, Hypokalaemia, Primary hyperaldosteronism, Surrenalectomy

 

Introduction

L’hyperaldostéronisme primaire ou syndrome de Conn est dû à la production excessive et autonome d’aldostérone uni ou bilatérale par le cortex surrénalien, et se traduit par une HTA ± associée à une hypokaliémie [1, 2]. L’hyperaldostéronisme primaire (HAP) est la cause la plus fréquente d’HTA secondaire. Il concernerait 4 à 14% des hypertendus [3]. Il conviendrait de le rechercher chez les hypertendus ayant une hypokaliémie et chez les hypertendus normo kaliémiques ayant une hypertension artérielle résistante à un traitement bien conduit comportant un thiazidique [4]. Le diagnostic d’HAP repose sur des critères hormonaux : élévation de l’aldostérone en présence d’une rénine basse et sur la mesure du rapport aldostérone sur rénine (RAR). Malheureusement du fait des méthodes diverses de mesures il n’existe pas de valeur-seuil utilisable par tous les laboratoires. Devant un HAP confirmé, les recommandations de l’Endocrine Society [5] préconisaient la réalisation d’un scanner centré sur les surrénales pour commencer la démarche diagnostique, suivi d’un cathétérisme des veines surrénaliennes pour les patients éligibles et désireux d’une prise en charge chirurgicale. Une fois le diagnostic posé d’HAP, il faut identifier son étiologie. Dans 60% des cas, il peut s’agir d’une hyperplasie bilatérale des surrénales, dans 30% il fait suite à un adénome uni ou bilatéral, pour 1 à 2 % une hyperplasie surrénalienne unilatérale primitive ou plus rarement, un carcinome cortico- surrénalien, un hyperaldosteronisme familial [3].

 

Observation

Il s’agissait d’une patiente âgée de 35 ans, admise dans le service d’endocrinologie du CHU de Libreville pour exploration d’une hypertension artérielle permanente grade II, évoluant depuis 2 ans et révélée par une dyspnée stade II de la classification de la NYHA. Elle avait des antécédents familiaux d’HTA et de diabète.
L’examen clinique à l’admission retrouvait un Poids de 80,5 kg et une Taille de 163 cm soit une obésité avec un IMC à 30,2 kg/m² et une HTA à 180/100 mmHg sous Aldactone 50 mg /j et Coversyl 10 mg/j. Le bilan biologique réalisé objectivait une urémie à 7,8 mmol/l, une créatininémie à 154 μmol/L avec une clairance de la créatinine à 43 ml/min/1,73m2, une glycémie à jeun à 5,1mmol/l/dl, une natrémie à 137,9 mEq/L et une hypokaliémie à 3,1mEq/L, un taux de cholestérol total à 6,30mmol/l avec LDL cholestérol à 4,4 mmol/L et HDL cholestérol à 1,45 mmol/l et les triglycérides à 1 mmol/l. L’ECG révélait une tachycardie sinusale régulière à 120 battements/min avec hypertrophie biauriculaire et hypertrophie ventriculaire gauche. L’échographie doppler cardiaque mettait en évidence une cardiopathie hypertrophique concentrique à prédominance septale avec dilatation biauriculaire, une fraction d’éjection ventriculaire conservée avec par ailleurs une régurgitation triscupidienne. L’exploration hormonale notait une hyperaldostéronémie à 2054pmol/l et un taux de rénine à 0, 5 μU/L. La Cortisolémie de 8h dosée par technique immunofluorimétrique « ELFA » BioMérieux était à 111μg/L. Les dérivés méthoxylés urinaires n’étaient pas analysés. La Tomodensitométrie abdominale retrouvait une hypertrophie surrénalienne gauche sans adénome individualisable. La patiente a bénéficié d’une surrénalectomie unilatérale sans incident. En post opératoire, une normalisation de la kaliémie et une amélioration des chiffres tensionnelles étaient notés au bout de 3 mois et maintenu stable tout au long du suivi. L’examen anatomopathologique révélait une hyperplasie focalisée de la surrénale gauche.

 

Discussion

L’hyperaldostéronisme est défini par une hypersécrétion d’aldostérone par les surrénales, soit par une tumeur isolée et unilatérale de la zone glomérulée de la corticosurrénale (adénome de Conn), soit par des lésions nodulaires multiples uni ou bilatérales [3]. Devant le tableau clinique de notre patiente, nous avons retenu le diagnostic d’hyperaldosteronisme primaire par hyperplasie unilatérale. L’hyper aldostéronisme primaire était classiquement considéré comme une cause rare d’HTA secondaire. Les séries publiées au cours des dernières années indiquent que son incidence n’est en réalité pas négligeable et que près de 5% des hypertendus présenteraient cette pathologie [3].
Toutefois, la forme clinique avec une lésion unilatérale curable chirurgicalement (adénome de Conn) reste rare puisqu’elle ne représente que moins de 1% des patients hypertendus [4]. Elle peut être responsable de paralysie flasque aiguë chez les adultes. D’où l’intérêt son exploration afin de rechercher une étiologie [6]. Le diagnostic d’hyperaldostéronisme primaire chez notre patiente était évoqué devant le non équilibre des chiffres tensionnels alors qu’elle était en bithérapie à dosemaximale. Ce diagnostic s’est fait selon les recommandations internationales qui préconisent que l’exploration avant traitement de toute hypertension artérielle doit comporter la mesure de la Kaliémie [1]. Ainsi, l’association d’une hypertension artérielle et d’une hypokaliémie doit faire explorer le système rénine-angiotensinealdostérone, que le malade reçoive un traitement hypotenseur ou non [6,7]. Par ailleurs, il est recommandé de rechercher une cause secondaire aux HTA résistantes au traitement (pression artérielle≥140/90mmHg, malgré une trithérapie à des doses adéquates contenant un diurétique thiazidique [8]. Des études ont montré que les effets sur le coeur comprennent une augmentation de la matrice intercellulaire et un remodelage microvasculaire, ainsi que la fibrose auriculaire et ventriculaire [9,10] comme ce fut le cas chez notre patiente ou l’échographie doppler cardiaque a mis en évidence une cardiopathie hypertrophique concentrique.
Compte tenu du risque de morbidité cardiovasculaire causée par l’excès d’aldostérone, la surrénalectomie unilatérale ou un antagoniste minéralocorticoïde doit être proposée. Chez notre patiente, une surrénalectomie unilatérale a été réalisée et l’évolution était favorable.

 

Conclusion

L’HAP est une pathologie difficile à dépister compte tenu des différentes formes étiologiques et leurs expressions clinico-biologiques variées. La découverte d’une hypokaliémie chez un patient hypertendu doit rester une indication à son dépistage bien que des formes non hypertendues ou non hypokaliémiques existent. La détermination du rapport aldosterone renine réprésente probablement le meilleur choix de dépistage. La surrénalectomie améliore son pronostic.

Conflits d’intérêt : Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts.

 

Références

1. Amar L, Gimenez Roqueplo A-P, Hernigou A et al. Hyperaldostéronisme primaire. Encyclopédie medicochirurgicale [10-015-B-30] – Doi: 10.1016/S1155-1941(07) 40441-3.
2. McAreavey D, Murray GD, Lever AF,Robertson JI. Similarity of idiopathic aldosteronism and essential hypertension. A statistical comparaison. Hypertension1983; 5(1):116-21.
3. Menegaux F, Trésallet C, Jublanc C. Causes rares d’hypertension artérielle d’origine surrénalienne. Annales de Chirurgie 2005;130(6):426-29.doi:10.10-16/j.anchir.2005.03.005.
4. Ganguly A. Primary aldosteronism. N Engl J Med 1998; 339:1828-34.
5. Piaditis G, Markou A, Papanastasiou L etal: Progress in aldosteronism: A review of the prevalence of primary aldosteronism in pre-hypertension and hypertension. Eur J Endocrinol 2015; 172: R191–203.
6. Biglieri EG. Spectrum of minerolocoticoid hypertension. Hypertension 1991;17:251-61.
7. JR Young WF, Hogan MJ, Klee GG, Grant CS et al. Primary aldosteronism: diagnostic and treatment. Mayo clin Proc 1990; 65:96-110.
8. Baguet JP, Steichen O, Mounier-Véhier C, Gosse P. SFE/SFHTA/AFCE consensus on primary aldosteronism, part 1: Epidemiology of PA, who should be screened for sporadic PA? Ann Endocrinol (Paris). 2016; 77(3):187-91.
9. Milan A, Magnino C, Fabbri A et al: Left heart morphology and function in primary
aldosteronism. High Blood Press Cardiovasc Prev 2012; 19(1): 11-7.