OSTEOGENESE IMPARFAITE : DIFFICULTES DIAGNOSTIQUES ET THERAPEUTIQUES. A PROPOS DE DEUX CAS A LIBREVILLE

Lembet Mikolo A1, Kuissi Kamgaing E1, Koumba Maniaga R1, Mintsa-Mi-Nkama E1, Minto’o Rogombe Steeve2,
Abang L1, Busughu-Bu-Mbadinga I1, Ayo A1, Moupigha Mbadinga P1, Nguemou-Mba N1, Patipe V1, Ategbo S1.
1- Service de Médecine Néonatale, CHU Mère-Enfant Fondation Jeanne Ebori, BP : 212, Libreville-Gabon
2- Service de pédiatrie CHUL

Auteur correspondant : Pr Kuissi Kamgaing Eliane, service de médecine néonatale CHUME FJE,
Mail : e.kuissi@gmail.com

 

Résumé
Introduction : L’ostéogenèse imparfaite (OI) est une maladie héréditaire caractérisée par une fragilité osseuse, secondaire à un défaut de synthèse du collagène de type I. Nous rapportons deux cas d’OI de découverte néonatale au Centre Hospitalier Universitaire Mère-Enfant Fondation Jeanne Ebori (CHUME FJE) dans le but de relever les difficultés diagnostiques et thérapeutiques.
Patient 1 : Nouveau-né, de sexe masculin, né à 38 semaines d’aménorrhée, notion de consanguinité, présentait à la naissance des anomalies squelettiques à type d’incurvation prononcée des membres inférieurs, de déformation en pronation des membres supérieurs avec de fausses articulations. L’imagerie a permis d’évoquer le diagnostic d’OI malgré l’absence d’analyse génétique. Le bilan phosphocalcique était perturbé associé à un déficit en vitamine D. La prise en charge a consisté à une supplémentation en calcium, en vitamine D, en l’administration de Biphosphonates et en un traitement orthopédique. L’évolution immédiate était satisfaisante, mais à long terme, l’évolution était défavorable avec l’apparition de graves complications neurologiques de type hydrocéphalie.
Patient 2 : Nouveau-né de sexe masculin, né à 40 semaines d’aménorrhée, sans notion de consanguinité. Il présentait à la naissance des anomalies squelettiques à type d’incurvation des membres inférieurs avec déformations. L’imagerie a permis d’évoquer le diagnostic d’OI avec atteinte cardiaque. La prise ne charge était non spécifique. L’évolution était défavorable avec décès à H48 de vie dans un tableau de détresse respiratoire aiguë.

Conclusion : L’ostéogénèse imparfaite est une maladie rare, potentiellement grave dont la prise en charge multidisciplinaire et complexe est presque impossible dans notre contexte. Une meilleure connaissance de cette pathologie améliorerait le pronostic vital.

Mots-clés : nouveau-né, ostéogénèse imparfaite, difficulté thérapeutique, Libreville-Gabon.

Abstract
Introduction: Osteogenesis imperfecta (OI) is a hereditary disease characterized by bone fragility, secondary to a defect in the synthesis of type I collagen. We report two cases of OI of neonatal discovery at the Center Hospitalier Universitaire Mère-Enfant Fondation Jeanne Ebori (CHUME FJE) in order to address diagnostic and therapeutic difficulties.
Patient 1: Newborn, male, born at 38 weeks of amenorrhea, concept of consanguinity, presented at birth with skeletal abnormalities with a pronounced type of curvature of the lower limbs, pronation deformity of the upper limbs with false joints. The imaging suggested the diagnosis of OI despite the lack of genetic analysis. The phosphocalcic balance was disturbed associated with a vitamin D deficiency. Management consisted of supplementation with calcium, vitamin D, administration of biphosphonates and orthopedic treatment. The immediate course was satisfactory, but in the long term the course was unfavorable with the onset of serious neurological complications such as hydrocephalus.
Patient 2: Newborn male, born at 40 weeks of amenorrhea, with no notion of consanguinity. He presented at birth with skeletal abnormalities such as bending of the lower limbs with deformities. Imaging suggested the diagnosis of OI with cardiac involvement. The taking charge was non-specific. The course was unfavorable with death at H48 of life in a picture of acute respiratory distress.
Conclusion: Osteogenesis imperfecta is a rare, potentially serious disease whose multidisciplinary and complex management is almost impossible in our context. A better knowledge of this pathology would improve the vital prognosis.

Keywords: newborn, osteogenesis imperfecta, therapeutic difficulty, Libreville-Gabon.

 

Introduction
L’ostéogénèse imparfaite, aussi appelée « maladie des os de verre » est une maladie héréditaire rare caractérisée par une grande fragilité osseuse, liée à une mutation dans l’un des deux gènes qui code pour la chaine alpha du collagène de type I (COL1A1, COL1A2) [1,2]. Du fait de la grande hétérogénéité de la maladie, plusieurs classifications ont été proposées, dont la plus utilisée est celle de SILLENCE [1,3,4]. Dans la plupart des cas, la transmission se fait selon un Mode autosomique dominant (types I à V), bien qu’il existe des variantes de transmission autosomique récessive (quelques cas rares de type III et de types VII à VIII) et la possibilité d’une mutation de novo [5,6,7]. La prise en charge thérapeutique des patients atteints d’OI est multidisciplinaire et complexe. Le traitement médical par Biphosphonates a modifié l’évolution péjorative naturelle de cette maladie surtout chez l’enfant en croissance [1]. Aussi, nous rapportons un cas d’ostéogénèse imparfaite découvert en période néonatale au service de médecine néonatale du centre hospitalier universitaire Mère-enfant de Libreville dont a prise en charge a été particulièrement laborieuse compte tenu du manque d’expertise, de l’apparition des complications et de la non adhésion des parents.

 

Observations
Patient 1
Il s’agit du nouveau-né S…. de race noire, âgé de 3 jours de vie, de sexe masculin, référé d’une maternité publique pour suspicion d’une OI. Il est issu d’une mère de 40 ans, de nationalité malienne avec une notion de consanguinité au deuxième degré. Dans ses antécédents obstétricaux, la mère a 10 Gestes 9 pares et 3 enfants décédés. Parmi les enfants décédés, deux sont mort à l’âge de 2 ans de cause inconnue et le troisième est décédé à l’âge de 3 mois et serait né dans un tableau de fractures multiples traitées par un tradi-praticien. La grossesse était insuffisamment suivie, deux échographies réalisées la 16 et 33 SA montraient un foetus en position siège en bonne vitalité sans anomalies.
L’accouchement était eutocique en présentation  siège, à terme (38 SA). Bébé S. était eutrophe avec un poids de 2630 g, un périmètre crânien à 34 cm, la taille n’a pas pu être mesurée. L’examen clinique à l’admission dans le service montrait, un nouveau-né de petite taille avec un faciès d’aspect triangulaire, une hyperflexion des membres inférieurs sur le tronc, une brièveté et un raccourcissement des os longs des membres avec des aspects de fausses articulations [Photo 1]. Le nouveau-né était algique et difficile à mobiliser. A l’examen cutanéophanérien et ophtalmologique, la peau était fine, le fond d’oeil normal et les sclérotiques normales. Il n’y avait pas d’anomalie sur les plans hémodynamique et respiratoire. Sur le plan biologique, un déficit en vitamine D (inférieur à 8 ng/ml) a été noté ainsi qu’une hyperphosphatémie (2,11 mmol/l), une hypocalcémie (1,84 mmol/l), avec le phosphate urinaire à 2,09 mmol/l, une calciurie à 0,14 mmol/l, une hypoglycémie (2,59 mmol/l), les phosphatases alcalines élevées (360 UI/l) ainsi que la LDH (1742 UI/l). La fonction rénale était conservée, la magnésémie était normale (0,72 mmol/l), ainsi que l’ionogramme sanguin et les sérologies (BW, toxoplasmose, la syphilis, l’hépatite B et le HIV). Le caryotype n’a pas été réalisé faute de moyen financier. Sur le plan radiographique, on observait une déminéralisation osseuse des diaphyses, une fracture bilatérale des humérus, une fracture bilatérale des fémurs, la présence des cals osseux exubérants, une fracture consolidée avec incurvation des tibias, un début d’ossification du pubis et des péronés, des fractures consolidées des côtes [Photo2]. A scanner du squelette entier, on observait une déformation de tous les os longs, des fractures multiples légèrement déplacées, des cals osseux multiples, une fracture avec embarrure pariétalegauche avec des os du crane mal ossifiés et la présence d’os wormiens [Photo 3], des fractures consolidées des côtes et un rachis sans anomalies numériques. A l’étage cérébrale, une hyperdensité de l’espace sous arachnoïdien et une hémorragie méningée. A l’étage thoracique, des opacités alvéolaires diffuses et bilatérales d’aspect inflammatoire sans d’épanchement pleural [Photo4]. L’échographie rénale mettait en évidence des macros et micro-lithiases rénales bilatérales ainsi qu’un petit élargissement pyélocaliciel secondaire concluant à une nephrocalcinose bilatérale. Par ailleurs, l’échographie thyroïdienne et cardiaque était normale. Au vu des résultats de l’examen clinique, des analyses biologiques, ainsi que des images radiologiques, nous avons conclue au diagnostic d’OI de type III selon la classification de Silence avec atteinte rénale, pulmonaire et neurologique. La prise en charge était basée sur l’administration d’une supplémentation en vitamineD (Zyma D®) à la dose de 100.000 UI en dose unique et en calcium à 60 mg /kg /jour et un traitement antalgique (paracétamol 7,5mg/kg/6h). Le traitement orthopédique consistait en une réduction et une traction des membres inférieurs dans l’axe réalisé à J4 de vie [Photo 5]. Comme traitement spécifique, les Biphosphonates (Acide Zolédronique, Zolédro-Denk®) étaient administrées à la dose de 0,0125mg/kg/cycle, débuté à J34 de vie. L’évolution immédiate sous ce traitement était marquée par la diminution de la douleur dès J4 post biphosphonate permettant une possible mobilisation et le retour en flexion des membres inférieurs dès J38 de vie [Photo 6] et une normalisation du bilan biologique, hormis une phosphorémie élevée (3,57 mmol/l). A long terme, apparaissait une hernie ombilicale, une hydrocéphalie tri-ventriculaire majeure à l’échographie trans-fontanellaire à J53 de vie [Photo 7]. Il était également noté sur le plan osseux une nette amélioration des images radiographiques marquée par une absence de nouvelles fractures et la présence des fractures en voie de consolidation ou consolidées des arcs postérieurs et moyens des côtes [Photo 8].
Une dérivation ventriculo-péritonéale était réalisée à J57 de vie permettant la sortie de bébé S. à J70 de vie(soit 2 mois et 10 jours après la naissance) à la demande des parents pour motif de soins complémentaires sur le plan spirituel et traditionnel. A 3 mois et 2 semaines de vie, nous apprenions le décès de bébé S.

 

Patient 2
Il s’agit du nouveau-né A…, de race noire à H2 de vie, de sexe masculin né au centre hospitalier universitaire mère-enfant fondation jeanne Ebori. Il a été admis en médecine néonatale pour investigation et prise en charge d’une asphyxie périnatale sur terrain de malformation congénitale. Il est né d’une mère de 31 ans de nationalité gabonaise sans notion de consanguinité. Dans ses antécédents obstétricaux, la mère a 5 gestes, 3 pares, 3 enfants vivants et 2 avortements non médicalisés. La grossesse était suivie par une sage-femme dans un centre de santé de la place. Elle a bénéficié de trois (3) consultations prénatales. Les sérologies étaient toutes normales et aucune échographie obstétricale n’a été réalisée. Aucune pathologie intercurrente n’a été notée durant la grossesse. L’accouchement était eutocique en position siège, à terme (40SA+4jours). Il est né en mauvaise adaptation à la vie extra utérine avec un score d’APGAR à 4 (1 minute), 7 (5 minutes) et 8 (10 minutes). Bébé A… était hypotrophe sans retard de croissance intra-utérin avec un poids de 2140 g, une taille de 37 cm et périmètre crânien à 33 cm. L’examen clinique à l’admission dans le service retrouvait, un nouveauné de petite taille avec un raccourcissement des os long des membres et une arthrogrypose des membres inférieurs, une dysmorphie faciale (oreille bas inséré/ fontanelles larges et molles) [photo 9]. Le nouveau-né était algique et difficile à mobiliser. Il présentait une détresse respiratoire avec un score de Silverman à 4/10. Une tachycardie à 192 battements /minute. Sur le plan neurologique, les réflexes archaïques étaient absents et il était hypotonique. Il était pale, normotherme (T=36,7°C). Le reste de l’examen était normal. Sur le plan biologique :
hyperleucocytoses à 27200/mm3, l’hémoglobine à 13,2 g/dL, une thrombopénie à 106000/mm3, la CRP (négative), la Calcémie normale à 2,32mmol/L, la glycémie à jeun normal à 4.74 mmol/L, une cytolyse hépatique avec les ASAT 419 UI/L et ALAT 86 UI/L. La fonction rénale était conservée. Les sérologies (BW, toxoplasmose, la syphilis, l’hépatite B et le HIV) étaient toutes normales. Le reste du bilan phosphocalcique n’a pas pu être réalisé du fait de l’issu fatale. Sur le plan radiographique, il est noté une fracture de la clavicule droite, fracture humérale droite, fracture de la 5ème, 6ème, 7ème côtes gauches.Des multiples fractures des membres supérieurs avec présence de cals osseux, des fractures des membres inférieurs avec aspect en Fer à Cheval [photo 10].

L’Échographie cardiaque révélait une CIV musculaire haute, un gros canal artériel avec flux important et une fraction d’éjection à 77%. L’échographie trans-fontanellaire était normale. Le reste du bilan morphologique (scanner, échographie rénale….) n’a pas été réalisé. Au vu des résultats, nous avons conclue à une ostéogénèse imparfaite de type III avec atteinte cardiaque. La prise en charge initiale a consisté en une mise sous antibiotiques, antalgique, hydratation, traitement orthopédique. Il décédait à J3 de vie dans un tableau de sepsis et de détresse respiratoire aiguë sévère.

 

Discussion

Aspect épidémiologique
L’ostéogenèse imparfaite est une maladie rare caractérisée par une fragilité osseuse et une ostéopénie. Elle atteint un nouveau-né sur 25 à 50000 naissances, sans prédominance de sexe ou de race et sans distribution géographique préférentielle [8, 9]. En France, 3 000 à 6 000 personnes seraient atteintes, soit une prévalence de 1 sur 10 000 à 20000 personnes. [1]. De nombreux cas ont été rapportés en Afrique centrale, de l’ouest et du nord. [6,7,10-14]. Les auteurs s’accordent à dire que l’âge est un élément épidémiologique et pronostique important. L’ostéogénèse imparfaite touche les hommes et femmes, sans prédominance ethnique ou raciale. Cette relative prépondérance concerne essentiellement des sujets de race noire. Au Cameroun Nko’o sur 5 ans, a trouvé 2 cas de type III, 2 cas de type II et un cas de type I [14]. vingt cas ont été décrits au Maroc en 2015 avec quatre (4) familiaux [15]. En Côte d’Ivoire, Diabaté décrit une atteinte de 3 cas familiaux de type VII [12]. A Ouagadougou, Kaboré a décrit 1 cas de type I et 3 cas de type III de pronostique fatale [13].

Aspect génétique
L’ostéogénèse imparfaite fait partie d’un groupe d’affections génétiques et héréditaires caractérisée par une anomalie de la synthèse du collagène de type 1 conduisant à une production réduite et un collagène anormal. Les progrès de la génétique moléculaire ont permis de localiser les gènes responsables de la maladie. Ces deux gènes COL1 A1 et COL1 A2 codent respectivement pour la synthèse des chaînes a1 et a2 du collagène de type I. Ces mutations sont pour la plupart dominantes, elles sont soit de novo, ce qui est le plus fréquent, soit résultent d’une mosaïque d’un des parents [8,16,17]. Lorsque la mutation est récente, le risque de récurrence chez un couple ayant déjà un enfant atteint est très faible, réduit au risque d’une mosaïque germinale (6%). En cas de mosaïque germinale, un des 2 parents cliniquement sain porte la mutation dans certains de ses gamètes, expliquant des cas de récurrence dans des familles sans antécédent [1,12]. Dans notre cas, nous pensons qu’il s’agit d’une mosaïque germinale pour le patient 1 à cause de la récurrence dans la fratrie et une mutation de novo pour le patient 2. Par ailleurs, au cours des 10 dernières années, des variantes pathogènes dans plus de 20 gènes différents peuvent conduire à une OI, et les phénotypes peuvent aller de formes légères à mortelles. [2,18,19]

Aspect clinique
L’OI recouvre un ensemble d’affections caractérisées par une ostéopénie et une tendance aux fractures de sévérité variable [6,20]. Le tableau clinique associe des signes squelettiques (fractures en l’absence de traumatisme et déformations osseuses) et des signes extra squelettiques inconstants (sclérotiques bleues, dentinogenèse imparfaite, hyperlaxité ligamentaire, surdité à l’âge adulte et fragilité vasculaire) [4,5,7,21].

Nos patients présentaient des caractéristiques d’OI de type III, la forme la plus sévère compatible avec la survie. Ce diagnostic était retenu devant des multiples fractures présentes dès la naissance avec des extrémités courtes et incurvées, une taille petite, une dysmorphie faciale, une déformation du rachis en scoliose, une sclérotique normale. Ce diagnostic devait être suspecté sur l’échographie anténatale. Car, pour les formes sévères, l’ostéogenèse imparfaite est Visible avant la 20eme semaine d’aménorrhée (SA). Le diagnostic anténatal sera évoqué devant des anomalies osseuses à type de fracture, incurvation, déformation thoracique ou raccourcissement d’un membre. Pour les formes modérées, l’échographie peut ne pas être contributive (signes discrets ou absents). La brièveté des os longs et leur incurvation permettent d’évoquer le diagnostic. [1, 9, 22]. Chez nos patients, malgré les échographies réalisées au 1er et au 3ème trimestre de la grossesse, le diagnostic anténatal n’a pas été fait. Ceci peut s’expliquer par l’insuffisance de suivi de la grossesse et surtout par le manque d’expérience de l’échographiste. Le diagnostic anténatal peut être également fait par biologie moléculaire lorsque l’anomalie moléculaire a déjà été identifiée. La mutation sera recherchée sur l’ADN foetal provenant soit de cellules trophoblastiques prélevées à 12 SA soit sur des amniocytes recueillis par amniocentèse à partir de 17 SA [1, 23]. Ce diagnostic moléculaire n’est pas actuellement disponible dans notre pays. Le diagnostic de l’OI en postnatale est clinique, comme dans notre cas. Il repose sur les manifestations squelettiques décrites ci-dessus ainsi que les manifestations extra squelettiques. Les différentes manifestations extra squelettiques sont variables, telles qu’une laxité ligamentaire avec retentissement variable sur la statique, une coloration bleutée des sclérotiques due à la transparence excessive de la sclérotique, une perte de l’audition, une atteinte du système cardiovasculaire. Les ecchymoses et les épistaxis sont fréquentes chez l’enfant atteint d’ostéogenèse imparfaite ainsi que les atteintes rénales, neurologiques et hépatiques [1,9]. Dans notre premier cas, il s’agit bien d’une ostéogenèse imparfaite avec atteinte rénale, pulmonaire et neurologique. En effet la nephrocalcinose consécutive à une hypercalciurie, liée à l’hyperremodelage osseux, est habituelle et son importance semble refléter la gravité de cette maladie [24].
Aussi, une échographie rénale est recommandée dans le bilan initial d’un enfant atteint d’ostéogenèse imparfaite. L’atteinte pulmonaire serait liée aux lésions des côtes. L’atteinte neurologique chez notre patiente était marquée par une hydrocéphalie. Cette hydrocéphalie existe dans 20 à 33 % des cas, souvent asymptomatique, elle ne nécessite aucun traitement. Dans de rares cas, l’hydrocéphalie est symptomatique et la dérivation du liquide céphalorachidien devient alors nécessaire [1], ce fut le cas de notre patient 1. Pour le patient, il s’agit d’une ostéogénèse imparfaite avec atteinte cardiaque. L’échographie rénale était aussi normale.

Aspect thérapeutique
Sur le plan thérapeutique, il s’agit d’une approche pluridisciplinaire, associant une prise en charge médicale, chirurgicale, une rééducation fonctionnelle et un suivi psychosocial en vue d’une réinsertion. Concernant le traitement médical, l’utilisation des Biphosphonates a révolutionné la prise en charge de cette affection. Ils inhibent puissamment la résorption osseuse en empêchant principalement l’action des ostéoclastes [1].
L’objectif de ce traitement est de diminuer le nombre de fractures, diminuer le risque de survenue de nouveaux tassements vertébraux, diminuer les douleurs osseuses chez l’enfant douloureux, augmenter la mobilité lorsqu’elle est limitée [6,7,25]. Bien que la forme utilisée chez l’enfant soit la pamidronate, l’absence de cette molécule en officine nous a amené à utiliser le zolédronate à faible dose pour le patient 1 qui est une alternative avec une efficacité comparable à celle du pamidronate telle que recommandé par Saraff Vrinda [26]. La dose utilisée était de 0,0125mg / kg en prise unique en intra veineuse lente à renouveler tous les 3 mois. Dès la première cure du traitement nous avons observé de façon spectaculaire, une quasi-disparition des douleurs osseuses en 4 jours, une augmentation de la mobilité, l’absence de nouvelles fractures. Ce constat a également été fait par d’autres auteurs où la disparition de la douleur était obtenue deux (2) semaines après la première cure [7,27,28]. Il faut souligner que concernant le traitement orthopédique, nous avons réalisé une traction des membres inférieurs afin de remettre les membres dans l’axe mais également de diminuer la douleur. Concernant le cas n°2 aucun traitement spécifique n’a pu être utilisé du fait du décès précoce du nouveau-né. Il est important de souligné que la thérapie intraveineuse aux biphosphonates diminue les taux de fractures des os longs mais sont moins efficaces pour les prévenir. Des études précliniques en court ont montré des effets encourageants lorsque l’effet antirésorptif d’un biphosphonate était associé à une thérapie anabolique osseuse utilisant un anticorps sclérostine mais l’efficacité et la sécurité de ces médicaments, en particulier chez les enfants, doivent être mieux établies avant de pouvoir être utilisées dans la pratique clinique [18,19].D’autres approches de traitement expérimentales comprennent l’inhibition de la signalisation bêta du facteur de croissance transformant avec un anticorps neutralisant et l’inhibition de la myostatine et de l’activine A par un récepteur d’activine soluble 2B [19]. Cependant des nouvelles approches thérapeutiques sont en court notamment la thérapie cellulaire. Elle met en jeu les cellules souches / stromales mésenchymateuses (MSC) qui sont des cellules indifférenciées capables de s’autorenouveler et, sous des stimuli appropriés, de se différencier en lignées cellulaires spécifiques [29]. Pour l’induction de la différenciation à partir des MSC, plusieurs protocoles ont été mis en place pour favoriser l’adipogenèse, la chondrogenèse et l’ostéogenèse [30]. Mais malgré les avancées, ces processus de différenciation ne sont pas complètement compris. Différentes études ont démontré que les facteurs et les voies qui stimulent l’adipogenèse inhibent l’ostéogenèse. Inversement, l’induction adipogénique inhibe l’ostéogenèse [31,32]. L’équilibre entre adipogenèse et ostéogenèse est important pour maintenir l’homéostasie dans l’organisme. Les cellules souches adultes peuvent être trouvées dans tous les tissus d’un organisme adulte. Parce qu’elles ne montrent pas les effets indésirables biologiques des cellules souches embryonnaires. Elles peuvent être utilisées dans les greffes autologues et présentent moins de problèmes éthiques, elles ont fait l’objet de recherches fondamentales et cliniques visant leur utilisation dans les thérapies cellulaires [33,34]. Les cellules souches / stromales mésenchymateuses existent dans divers tissus, la moelle osseuse, le tissu adipeux et le sang du cordon ombilical étant la source préférée de cellules dans la recherche fondamentale et clinique. Leur potentiel de différenciation de plusieurs lignées et leur capacité à proliférer in vitro font de ces cellules une grande valeur pour l’ingénierie tissulaire [30,35]. Néanmoins, de plus en plus de preuves indiquent qu’une paracrine et un effet immunomodulateur sont également responsables des résultats positifs observés dans les thérapies cellulaires [36-38], leur potentiel à proliférer, différencier et repeupler l’organe cible reste un premier choix pour reconstruire le tissu endommagé[39-42].

Aspect évolutif
L’évolution de l’OI se fait de manière variable, il dépend du type et de la gravité de l’expression clinique. A côté des formes régressives types I et IV de SILLENCE, qui sont des formes rares d’évolution favorable, il y a des formes sévères, types II b et III, qui sont les plus fréquentes, souvent mortelles entre 3 mois et 3 ans. En effet, notre nouveau-né présentant un type III est décédé à 3 mois en postopératoire immédiat de la dérivation ventriculopérinéale indiquée devant l’hydrocéphalie massive. Les formes incompatibles avec la vie dites formes létales (type IIa et IIc) sont plus dramatiques et rares [11,43].

Conclusion
L’ostéogénèse imparfaite est une maladie génétique rare et potentiellement grave. Le phénotype est très hétérogène allant de formes peu sévères à des formes létales. L’incidence en Afrique noire subsaharienne, plus qu’ailleurs, est sous-évaluée du fait d’une faible couverture médicale pouvant expliquer que les formes anténatales létales ne soient pas prises en compte. La nécessité d’une surveillance échographique des grossesses à la recherche de formes anténatales s’impose chez les parturientes malades ou ayant des ascendants ou des collatéraux malades. La prise en charge multidisciplinaire et complexe est presque impossible dans notre contexte. Le traitement médical par les biphosphonates est devenu une partie intégrante dans la prise en charge de cette maladie.

 

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