INTERET DU MASQUE LARYNGE EN ANESTHESIE PEDIATRIQUE : EXPERIENCE D’UNE MISSION HUMANITAIRE.

Nze Obiang PC1,2, Ngomas JF2, Obame R3, Essola L2, Nnang JF3, Nzoghe Nguéma P3, Sima Zué A2

(1) Service d’Anesthésie-Réanimation, CHU Mère-Enfant, Libreville, Gabon
(2) Département d’Anesthésie-Réanimation et Urgences, CHU de Libreville, Gabon
(3) Département d’Anesthésie-Réanimation et Urgences, CHU d’Owendo, Libreville
Correspondance : nzepascal@gmail.com ; tel : 241.74526820

Résumé

Introduction : L’optimisation du réveil anesthésique repose en grande partie sur la gestion des voies aériennes. Notre travail avait pour objectif d’évaluer l’impact du masque laryngé lors d’une mission ponctuelle de chirurgie pédiatrique.

Patients et méthodes : Il s’agit d’une étude prospective, descriptive, observationnelle et comparative portant sur les patients de 0-16 ans ayant bénéficié d’une chirurgie sous anesthésie générale. Deux groupes ont été constitués, un groupe masque laryngé (ML) et un groupe intubation trachéale (IT). Les paramètres étudiés étaient : âge, risque anesthésique (ASA), type de chirurgie, protocole anesthésique, temps opératoire et délai de réveil anesthésique.

Résultats: Trente-cinq patients ont été inclus, 12 ML et 23 IT. Les enfants de 1 à 8 ans étaient majoritaires dans les deux groupes. La classe ASA 1 constituait 83% de ML et 95,7% d’IT. Les chirurgies viscérales, urologiques et orthopédiques étaient les plus réalisées. Le recours à la curarisation a été noté uniquement chez 56,5% d’IT. La majorité des patients des deux groupes a présenté un temps opératoire de 1 et 2 heures, soit 83,3% (ML) et 60,9% (IT). Presque la moitié des patients ML (41,7%) a eu un réveil rapide en moins de 10 minutes après la fin de la chirurgie, aucun dans le groupe IT mais par contre 26,1% de patients avec un réveil plus retardé.

Conclusion : Notre étude montre que le masque laryngé a contribué à atteindre l’objectif de cette mission de chirurgie pédiatrique dans la réalisation d’un grand nombre d’actes dans les temps requis.

Mots clés : Contrôle des voies aériennes en pédiatrie – Masque laryngé – Réveil anesthésique

Abstract

Introduction : The optimization of anesthetic wake-up is most based on the management of airways. Our objective was to evaluate the impact of laryngeal mask during a punctual mission in paediatric surgery.

Patients and methods : It was a prospective, descriptive, observational and comparartive study on patients from 0 to 1 year old who benefitted from a surgery under general anesthesia. Two groups were formed, the first had laryngeal mask (ML) and the second had a tracheal intubation (IT). We took the following parameters into account : age, anesthetic risk (ASA), type of surgery, anesthetic protocole, operating time and anesthetic wake up delay.

Results: Thirty-five patients included 12 ML and 23 IT. Children from 1 to 8 years old were the represente in both groups. The class ASA1 constituted 83% of ML and 95.7% of IT. The most realised types of surgery were abdominal, urological and orthopedic. We resorted to curarisation only in 56.5% IT. The majority of patients of both groups presented an operating time of 1 or 2 hours ; that is to say 83.3% (ML) and 60.9% (IT) . Almost half ML patients had a rapid wake-up, less than 10 minutes after the end of surgery, no one in the IT group but 26.1% of patients had a more delayed wake up.

Conclusion : Our study shows that laryngeal mask contributed to reach the objective in that paediatric surgery mission in the realisation of a wide range of acts within the requested time.

Key-words : airways control in paediatry – laryngeal mask – anesthetic wake-up

 

Introduction

La prise en charge des voies aériennes supérieures est déterminante dans la gestion optimale de la durée et du réveil anesthésique. Les particularités physiologiques la rendent encore plus spécifique chez l’enfant [1]. La fonction ventilatoire assure un rendement maximum en conditions de base chez le nouveau-né et le nourrisson [2]. La consultation d’anesthésie permet d’anticiper la gestion périopératoire des voies aériennes supérieures.
L’intubation trachéale est le dispositif de contrôle des voies aériennes supérieures le plus sûr, ce d’autant que l’enfant est jeune [2]. Le masque laryngé est un dispositif intermédiaire, dont la courbe d’apprentissage est lente pour juger qu’un praticien est expérimenté [3]. Son avantage principal est représenté par son caractère non invasif, son inconvénient majeur étant qu’il ne protège pas contre l’inhalation de liquide gastrique. Il n’existe pas de différence notable entre les différents dispositifs de masques laryngés en termes de difficultés à l’insertion et d’effets secondaires [4]. Dans une stratégie d’actes chirurgicaux importants et rapprochés à réaliser, comme lors des missions humanitaires ponctuelles, l’utilisation large du masque laryngé peut faciliter le turn-over dans les blocs opératoires. Notre étude avait pour objectif d’évaluer l’impact de l’utilisation du masque laryngé lors d’une mission ponctuelle de chirurgie pédiatrique.

Patients et méthodes
Il s’agit d’une étude prospective, descriptive, observationnelle et comparative portant sur les patients ayant bénéficié d’une anesthésie au cours d’une mission humanitaire de chirurgie infantile menée du 08 au 11 juillet 2014 à l’Hôpital Régional de l’Estuaire-Mélen (Libreville, Gabon). Tous les patients jugés éligibles pour cette mission ont été préalablement vus en consultation préanesthésique dont les fiches ont constitué le support de recueil des données. Les principales indications chirurgicales étaient les hernies congénitales, les anomalies et séquelles orthopédiques, les malformations labiopalatines et urogénitales. Les patients de plus de 16 ans et ceux ayant bénéficié d’une anesthésie locorégionale exclusive n’ont pas été retenus dans cette l’étude. Les enfants de 0 à 16 ans opérés sous anesthésie générale ont été répartis en deux groupes :
un groupe masque laryngé (ML) et un groupe intubation trachéale (IT) en fonction du dispositif utilisé pour la ventilation peropératoire. Les critères de comparaison pour les deux groupes ont porté sur : l’effectif, l’âge des enfants, la classe du risque anesthésique ASA (American Society of Anesthesia), le type de chirurgie, le protocole d’entretien de l’anesthésie associant ou pas un curare, le temps opératoire et le délai de réveil anesthésique. Les données ont été enregistrées sur le logiciel Microsoft Excel 2010 et l’analyse a porté sur le calcul des effectifs et des pourcentages.

Résultats
Sur les 104 patients examinés dans le cadre de la mission humanitaire, 43 ont été déclarés aptes pour bénéficier d’un traitement chirurgical et 35 obéissaient aux critères d’âge et d’anesthésie générale. La répartition dans chaque groupe comprenait 12 ML (34,3%) et 23 IT (65,7%).
La répartition des techniques anesthésiques utilisées en fonction des tranches d’âge a été résumée dans le tableau suivant (tableau I). Les enfants les plus nombreux avaient un âge compris entre 1 et 5 ans.

Tableau I : Répartition des patients en fonction de l’âge

 

Dans le groupe ML, 10 patients (83,3%) et 2 (16,7%) étaient classés respectivement ASA 1 et ASA 2. Vingt-deux patients (95,7%) étaient classés ASA 1 dans le groupe IT, et un enfant y était ASA II. La chirurgie viscérale a été réalisée chez 50% des patients du groupe ML et 26,1% du groupe IT. Les enfants ont bénéficié d’une chirurgie orthopédique dans 25% des cas du groupe ML et 39,1% du groupe IT (Tableau II).

Tableau II : Répartition des patients en fonction de la chirurgie

 

Pour l’entretien de l’anesthésie, les douze patients du groupe ML et 10 patients du groupe IT ont bénéficié uniquement de l’association hypnotique et morphinique. La curarisation a été associée à l’hypnotique et au morphinique chez 13 patients (56,5%) du groupe IT. Les différentes répartitions des temps opératoires sont résumées dans le tableau III.

Tableau III : Temps opératoires dans chaque groupe

Les délais de réveil rapides (<10 minutes) étaient constitués de 41,7% de patients du groupe ML et aucun du groupe IT. Dans les délais intermédiaires (10-20 minutes) on avait 7 patients (58,3%) et 17 patients (73,9%) respectivement des groupes ML et IT. Six patients (26,1%) du groupe IT avaient des délais de réveil prolongés (> 20 minutes).

 

Discussion

Devant la taille et la disparité des effectifs de nos deux groupes d’étude, le principal critère de comparaison a porté sur le poids des pourcentages des différents effectifs. La popularité du ML n’a cessé de croître et les indications se multiplient tant chez l’enfant que chez l’adulte. Plusieurs études de grande échelle ont démontré que le ML pouvait être utilisé dans des situations cliniques variées [3,5,6], même dans certaines situations de chirurgie céphalique [7]. Depuis sa mise sur le marché en 1981 par Brain, la place définitive du ML n’est pas encore complètement établie chez l’enfant [6]. De façon générale, l’utilisation du ML chez l’enfant de moins d’un an (< 10 kg) semble plus délicate que chez l’enfant plus âgé ou l’adulte [2,8]. L’âge de la majorité des patients des deux groupes se situe entre 1 et 8 ans, excluant l’hypothèse que le ML ait préférentiellement était utilisé chez les enfants plus âgés. Il en est de même pour les types de chirurgie et la classe ASA. Les chirurgies viscérales, urologiques, orthopédiques et la classe ASA I constituent l’essentiel des patients dans chaque groupe.
L’utilisation d’un ML libère les mains de l’anesthésiste mais requiert une vigilance permanente de l’efficacité de la ventilation et de la profondeur d’anesthésie. La profondeur d’anesthésie requise pour l’insertion du ML est plus faible que celle nécessaire à l’IT [1,2]. Le recours à la curarisation est plus souvent préconisé pour assurer une meilleure ventilation avec l’IT, pouvant constituer un facteur de retard de réveil d’anesthésie [9]. La moitié de nos patients du groupe IT a bénéficié d’une curarisation et aucun dans le groupe ML. La proportion des chirurgies de moins d’une heure est plus élevée (34,8%) dans le groupe IT que dans celui du ML (16,7%). La majorité des patients des deux groupes a bénéficié d’un temps opératoire entre 1 et 2 heures. Les différences observées dans les délais de réveil peuvent avoir été favorisées par l’utilisation du ML chez les patients [10]. Presque la moitié des patients ML a eu un réveil rapide en moins de 10 minutes après la fin de la chirurgie, aucun dans le groupe IT mais plutôt 26,1% de patients avec un réveil plus retardé. De façon globale, le ML offre moins de complications périopératoires que la sonde trachéale conventionnelle [11,12]. Son intérêt est reconnu dans les cas d’intubation difficile pour temporiser et stabiliser les situations difficiles [13]. Ce dispositif contribue ainsi à améliorer la morbimortalité respiratoire périopératoire [1].

 

Conclusion

Les besoins d’optimisation du turn-over dans les blocs opératoires reposent sur l’adaptation de la technique anesthésique au type de chirurgie et au terrain du patient. La rapidité du réveil anesthésique est un facteur important de cette stratégie de prise en charge. En tenant compte des limites de notre échantillonnage, notre étude a montré que l’utilisation large du masque laryngé a permis de mener à bien et d’atteindre les objectifs de cette mission de chirurgie pédiatrique en permettant la réalisation d’un grand nombre d’actes chirurgicaux dans les temps requis.

Références

1. Constant I, Louvet N, Guye ML, et al. Anesthésie générale chez l’enfant : quid des pratiques en 2010 ? AFAR 2012;31(9):709-23.
2. Dadure C, Sabourdin N, Veyckemans, et al. Gestion des voies aériennes de l’enfant. RFE communes SFAR-ADARPEF 2018.
3. Dadure C, Sabourdin N, Veyckemans, et al. Gestion des voies aériennes de l’enfant. Anesth Reanim 2019;5:408-26.
4. Bordes M, Semjen F, Meymat Y, et al. Etude clinique du masque laryngé en pédiatrie. Comparaison du LMA-classic et du LMA-ProSeal taille 2 et 2,5. Doi:10.1016/j.annfar.2006.03.007.
5. Piana R, Bruno G, Meo MT, et al. The laryngeal mask in pediatric anesthesia. Minerva Anesthesiol 1996;162(1-2):17-23.
6. Lopez-Gil M, Brimacombe J, Alvarez M. Safety and efficacy of the laryngeal mask airway. A prospective survey of 1400 children. Anesthesia 1996;14:969-72.
7. Zhang Q, Sun Y, Wang B, et al. Comparative study of the Ambu Aura Once laryngeal mask and endotracheal intubation in anesthesia airway management during neurosurgery. Journal of International Medical Research 2020 ;48(2):1-12.
8. Maino P, Dullenkopf A, Keller C, et al. Cuff filling volumes and pressures in pediatric laryngeal mask airways. Paediatr Anaesth 2006;16(1):25-30.
9. Byun SH, Kim SJ, Kim E. Comparison of the clinical performance of the flexible laryngeal mask airway in pediatric patients under general anesthesia with or without a muscle relaxant: study protocol for a randomized controlled trial. Trials 2019;20:31.
10. Kuo PJ, Lee CL, Wang JH, et al. Inhalation of volatile anesthetics via a laryngeal mask is associated with lower incidence of intraoperative awareness in non-critically ill patients. PLoS ONE 2017;12(10):e0186337.
11. Xu R, Lian Y, Li WX. Airway complications during and after general anesthesia: a comparison, systematic review and meta-analysis of using flexible laryngeal mask airways and endotrachéale tubes. PLoS ONE 2016;11(7):e0158137.
12. Keidan I, Fine GF, Kagawa T, et al. Work of breathing during spontaneous ventilation in anesthetized children: a comparative study among the face mask, laryngeal mask airway and endotrachéale tube. Anesth Analg 2000;91(6):1381-8.
13. Joshi GP, Inagaki Y, White PF, et al. Use of the laryngeal mask airway as an alternative to the tracheal tube during ambulatory anesthesia. Anesth Analg 1997;85:573-7.