RESULTATS FONCTIONNELS DU TRAITEMENT CHIRURGICAL DE 14 CAS DE RUPTURES TRAUMATIQUES RECENTES DU LIGAMENT PATELLAIRE AU CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE D’OWENDO

Mba Mba C1, Mezene C1, Obame R2, Ondo Edzang SP1, Mamfoumbi N1, Djembi Y.R1, Allogo J J1
1. Service d’orthopédie et de traumatologie, Centre Hospitalier Universitaire d’Owendo
2. Service d’anesthésie et de réanimation, Centre Hospitalier Universitaire d’Owendo
Correspondance : Dr MBA MBA Cyprien ; B.P 443 Libreville / Gabon, Tel: +241- 66 51 29 41 / E- Mail : cyprienmba@yahoo.com

 

Résumé

Buts : évaluer les résultats fonctionnels du traitement chirurgical des ruptures traumatiques du ligament patellaire au Centre Hospitalier Universitaire d’Owendo (CHUO).

Patients et Méthodes: Il s’agissait d’une étude rétrospective, continue, de janvier 2016 à décembre 2018, au service d’orthopédie et de traumatologie du CHUO. L’étude incluait tous les patients traités dans le service pour rupture traumatique du ligament patellaire et suivis régulièrement en consultation externe. Pour chaque patient, une fiche de collecte des données a été remplie et l’analyse des données a été faite à partir du logiciel Excel version Microsoft Office 2010.

Résultats: 14 cas ont été colligés dont 12 hommes. Leur âge médian était de 35,5±13,7 (extrêmes: 17 – 62 ans). La suture tendineuse avec renforcement au fil métallique était la technique chirurgicale la plus utilisée (57,1%,(n=8)). La moyenne des indices de Caton-Deschamps en post-opératoire indiquant le repositionnement normal de la hauteur patellaire était de 0,99 (0,60 – 1,20). Nos résultats, évalués sur la base du score de Lysholm avec un recul minimal de 8 mois, avaient un score médian de 83,5 points (67 – 100). Dans 64,3% (n=9) des cas, les résultats étaient très bons, bons dans 28,6% (n=4) des cas et mauvais dans 7,1% (n=1) des cas. En dehors de celui qui présentait un mauvais résultat, tous les autres patients avaient repris leur travail.

Conclusion: Nos résultats sont satisfaisants. Les ruptures du ligament patellaire sont de bon pronostic lorsqu’elles sont diagnostiquées et opérées précocement.

Mots clés: ligament patellaire, rupture récente, traitement chirurgical, hauteur patellaire.

Summary

Aims: to evaluate the results of surgical treatment of recent traumatic ruptures of the patellar ligament at Owendo University Teaching Hospital
Patients and Methods: it was a continuous retrospective study from January 2016 to December 2018 at Owendo University Hospital Center. The study concerned the analysis of the files of patients treated in the department for traumatic rupture of the patellar ligament and followed regularly in outpatient setting.
Results: 14 cases were collected including 12 men. Their median age was 35.5±13.7 (range: 17-62 years). The most commonly used surgical technique was tendon suturing with wire reinforcement (57.1%, n=8). The mean post-operative Caton-Deschamps indices indicating normal repositioning of the patellar height was 0.99 (0.66 –1.20). Our results; evaluated on the basis of Lysholm Score with a minimum follow-up of 8 months, had an average score of 83.5 points (67-100). In 64.3% (n=9) of cases, the results were very good, good in 28.6% (n=4) of cases and poor in 7.1% (n=1) of case. Apart from the one with a poor result, all the other patients had returned to work.
Conclusion: Our results are satisfactory. Patellar ligament ruptures have a good prognosis when they are diagnosed and operated on early. Early kenesitherapy improves results.

Keywords: Patellar ligament, recent rupture, surgical treatment, patellar height

 

Introduction

Les ruptures du ligament patellaire sont définies comme une solution de continuité interrompant la chaîne de transmission de l’appareil extenseur du genou. Ce sont des lésions rares et invalidantes [1]. Elles surviennent préférentiellement chez les sujets de moins de 40 ans au décours d’un traumatisme indirect par contraction brutale du quadriceps sur un genou légèrement fléchi [2]. Elles sont en général unilatérales et post-traumatiques. Les ruptures bilatérales sont beaucoup plus rares et font l’objet des rapports de cas [3]. Le diagnostic est facile à évoquer devant une notion de traumatisme du genou avec impossibilité d’extension active de celui-ci. Même si la prise en charge des ruptures récentes du ligament patellaire est aujourd’hui bien codifiée, peu d’études ont cependant évalué les résultats fonctionnels de cette pathologie [4,5]. Ceci s’explique par la faible fréquence de ces ruptures et donc une faible puissance des séries de la littérature.
Le but de ce travail était d’évaluer les résultats fonctionnels du traitement chirurgical des ruptures récentes du ligament patellaire au CHU d’Owendo.

 

Patients et méthodes

Il s’agissait d’une étude rétrospective, continue, de Janvier 2016 à Décembre 2018, soit trois ans, au service de traumatologie et d’orthopédie du CHUO. L’étude incluait tous les patients admis, pour une rupture traumatique récente du ligament patellaire et traités chirurgicalement dans le service avec un suivi régulier en consultation externe. Les patients dont les dossiers étaient incomplets, les traumatismes ouverts, les ruptures itératives, les ruptures non traumatiques, les ruptures associées à une fracture ou les perdus de vue, constituaient les critères de non inclusion. Les paramètres d’étude étaient : l’âge, le sexe, les antécédents, le mécanisme lésionnel, l’examen clinique, la radiographie standard, l’index de Caton et Deschamps [6], la technique chirurgicale et les résultats fonctionnels. L’évaluation des résultats fonctionnels a porté sur le caractère ou non de la flexion et de l’extension du genou, la présence des douleurs, la reprise du travail, la reprise d’une activité physique. Enfin un score de Lysholm (tableau I) a été calculé et une évaluation subjective du résultat a été demandée au patient lors du suivi post-opératoire jusqu’au dernier recul. Toutes nos données ont été analysées par le logiciel Excel version Microsoft Office 2010.

Tableau I : description du calcul du score de Lysholm [7]

Résultats

Quatorze cas ont été colligés dont 12 hommes. Leur âge médian au moment du traumatisme était de 35,5±13,7 (extrêmes: 17- 62 ans). Le genou gauche était le plus touché avec 85,7% (n=12) des cas. Les ruptures tendineuses de la pointe patellaire étaient plus fréquentes avec 71,4% (n=10) suivie des ruptures en plein corps avec 14,3% des cas (n=2). Les ruptures par choc direct sur le genou en dehors des pratiques sportives étaient prédominantes avec 57,1% des cas (n=8) suivies de traumatismes lors de la pratique sportive en dehors des chutes avec 42,9% des cas (n=6), dont 28,6% des cas (n=4) sur le pied d’appel avec le genou légèrement fléchi et 14,3% des cas (n=2) sur le pied d’appel genou en extension. On notait comme antécédents pathologiques tendineux, l’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens dans 50% (n=7) des cas, de tendinites patellaires dans 14,3% (n=2) des cas, de tendinites achilléennes dans 7,1% (n=1), d’obésité morbide dans 7,1% (n=1) alors que 21,4% (n=3) de patients étaient sans antécédents pathologiques. La voie d’abord utilisée chez tous nos patients était l’incision médiane prérotulienne (figure 1). La technique chirurgicale la plus utilisée était la suture tendineuse avec renforcement au fil métallique en huit de chiffre (figure 2). Les autres techniques utilisées dans cette étude sont résumées dans la figure 3.

 

 

Figure 3 : Répartition selon les techniques chirurgicales

La valeur médiane des indices de Caton-Deschamps [6] en post-opératoire était de 0,99 ; tandis que celle des consultations externes était de 1,06. Tous nos patients ont bénéficié d’une immobilisation postopératoire, l’attelle amovible Genu-clips était la plus utilisée (57,1%), suivie de l’attelle plâtrée cruropédieuse (28,6%) et de la genouillère plâtrée (14,3%). Aucun de nos patients n’a débuté la rééducation de manière immédiate. 78,6% (n=11) ont bénéficié d’un appui partiel entre J10 et J15 postopératoire. La mobilité précoce n’a été possible que dans 57,1% des cas (n=8). Dans 28,6% (n=4) des cas, il y avait des complications dont 14,3% (n=2) d’infections post-opératoires, 7,1% (n=1) de raideur articulaire avec une flexion à 75° et enfin 7,1% (n=1) de rupture de fil métallique. Nos résultats, évalués sur la base du score de Lysholm, avec un recul minimal de 8 mois, présentaient un score médian de 83,5 points (67 – 100). 64,3% (n=9) avaient une flexion maximale (figure 4), 28,6% (n=4) avaient une légère diminution de la flexion passive mais avec une flexion active proche de la normale et 7,1% (n=1) avait une raideur du genou avec une flexion à 75°, 13 sur 14 patients avaient un score satisfaisant et tous avaient repris leur travail.

 

Figure 4 : Patient de 52 ans, présentant une flexion et une extension maximale à huit mois de recul

Discussion

Le ligament patellaire fait partie intégrante de l’appareil extenseur du genou et joue un rôle essentiel dans la marche et la station debout. Sa rupture est une lésion relativement rare [1]. Dans cette étude, l’adulte jeune de sexe masculin est plus exposé à cette pathologie, Core et al. [8] ont retrouvé le même résultat. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que les adultes jeunes surtout de sexe masculin constituent la couche sociale la plus active et la plus exposée aux traumatismes en raison de certains métiers à risque réservés aux hommes; ajouter à cela le fait que la rupture du ligament patellaire est une pathologie majoritairement masculine [9]. Concernant leurs localisations, les ruptures tendineuses étaient prédominantes au niveau de la pointe patellaire, ceci s’explique par le fait que la pointe de la patella est un site privilégié des tendinites du ligament patellaire. Dans les atteintes à ce niveau, la rupture se produit soit en regard de l’insertion osseuse, soit légèrement en dessous de la patella. Chez les sportifs, cette zone est particulièrement sollicitée par les phénomènes microtraumatiques et la proportion de rupture à la pointe peut atteindre 71% selon Bushnell [10]. Dans ce travail, les ruptures par choc direct sur le genou en dehors des pratiques sportives et lors de la pratique sportive en dehors des chutes étaient prédominantes. Ces résultats sont comparables à celles de la littérature [11-13] et montrent que la survenue de la rupture du ligament patellaire est étroitement liée à un traumatisme de haute vélocité.
Parmi les antécédents pathologiques tendineux, l’utilisation des anti-inflammatoires a été mentionné comme facteurs favorisants la rupture tendineuse. Kasten et al. [14] ont démontré la présence des phénomènes histopathologiques à l’origine des ruptures tendineuses et en particuliers les remaniements hypoxiques dégénératifs. Dans cette série, nous avons trouvé 6 cas de rupture à la suite d’infiltration de corticoïdes locaux, ce qui est loin d’être rare [15]. La technique chirurgicale la plus utilisée était celle de la suture tendineuse renforcée par un cerclage au fil métallique en huit de chiffre décrite par Claude en 1992 [16]. Cette technique utilisée également par Bhargava [17] et Clayton [18], offre une stabilité du genou qui permet une rééducation précoce et une reprise rapide des activités habituelles. La plupart des auteurs sont unanimes pour renforcer la suture tendineuse au fil métallique [2,11,15]. Tous nos patients ont bénéficié d’une immobilisation post-opératoire et d’une rééducation assistée, ce qui semble faire un consensus avec la majorité des auteurs qui préconisent une reprise immédiate de la marche sous couvert des cannes anglaises et une immobilisation précoce dès le premier jour post-opératoire avec une flexion active douce et une extension passive pendant un minimum de 4 semaines [7,14,15]. Dans cette étude, 28,6% (n=4) de complications ont été notées. Plusieurs études retrouvent les mêmes complications dans des proportions différentes : 18,9% pour Bushnell et 27,6% pour Mihalko [19,20]. Nos résultats, évalués sur la base du score de Lysholm avec un recul minimal de 8 mois, étaient satisfaisants dans 92,9 % des cas. Ces résultats sont proches de ceux de Kasten et al. [14] qui ont trouvé dans leur série 90% de résultats satisfaisants. Ceci s’explique par le fait que la prise en charge de cette auteur est proche de la nôtre : réparation au fil résorbable protégée par un cadrage au fil métallique suivi d’une immobilisation de six semaines avant de débuter une kinésithérapie intensive. Dans ce travail, sur les 14 patients, 13 avaient un score satisfaisant et tous avaient repris leur travail.

 

Conclusion

Les ruptures du ligament patellaire sont de bon pronostic lorsqu’elles sont diagnostiquées et opérées précocement. Le diagnostic précoce et une bonne prise en charge chirurgicale avec sutures tendineuses renforcées par un cerclage au fil métallique, accompagné d’un programme de rééducation bien suivie sont des conditions nécessaires pour l’obtention d’un bon résultat fonctionnel et d’une reprise rapide des activités physiques.

Références

1. Saragaglia D, Pison A, Rubens-Duval B. Acute and old ruptures of the extensor apparatus of the knee in adults (excluding knee replacement). Orthop Traumatol Surg Res 2013;99:67-76.
2. Takahashi T, Matsumura T, Ishihara K, et al. Open knee dislocation with a patellar tendon rupture : result of staged surgical repair. SAGE Open Med Case Rep 2019 ;11 :7-12.
3. Foley J, Elhelali R, Moiloa D, et al. Spontaneous simultaneous lateral bipatellar tendon rupture. BMJ Case Rep 2019;12(2):1-9.
4. Juliato RH, Boschi LH, Juliato RF, et al. Bilateral atraumatic ligament rupture-Case report. Rev Bras Orthop (Sao Paulo) 2019;54(2):223-7.
5. Aharram S, Mounir Y, Derfoufi A, et al. Patellar tendon rupture with distal closed fracture of the ipsilateral femur. Pan Afr Med J 2019;32:149-54.
6. Caton J, Deschamp G, Chambat P, et al. Patella infera. A propos of 128 cases. Rev Chir Orthop 1982;68(5):317-25.
7. Lysholm J, Gillquist J. Evaluation of knee ligament surgery results with special emphasis on use of a scoring scale. Am J sports Med 1982;10:150-4.
8. Core M, Anract P, Raffin J, et al. Traumatic Patellar Tendon Rupture Repair using synthetic ligament augmentation. J Knee Surg 2019;8:10-6.
9. Tandberg AN, Grindem H, Wiig C, et al. Knee sliced open by skate blade: complete patellar tendon rupture in an elite long track speed skater. BMJ Case Rep 2019;12(4):14-9.
10. Bushnell BD, Byram IR, Weinhold PS, et al. The use of suture anchors in repair of the ruptured patellar tendon: a biomechanical study. Am J Sports Med 2006;34:1492-9.
11. Greis PE, Holmstrom MC, Lahav A. Surgical treatment options for patella tendon rupture, part I: Acute. Orthopedics 2005;28:672-9.
12. Lee D, Stinner D, Mir H. Quadriceps and patellar tendon ruptures. J Knee Surg 2013;26:301-8.
13. Hilber F, Pfeifer C, Memmel C, et al. Early functional rehabilitation after patellar dislocation. What procedures are daily routine in orthopedic surgery. Injury 2019 ;50(3) :752-7.
14. Kasten P, Schewe B, Maurer F, et al. Rupture of the patellar tendon: a reviews of 68 cases and a retrospective study of 29 ruptures comparing two methods of augmentation. Arch Orthop Trauma Surg 2001;121:578-82.
15. Chen SK, Lu CC, Chou PH, et al. Patellar tendon ruptures in weight lifters after local steroid injections. Arch Orthop Trauma Surg 2009;129:369-72.
16. Claude E, Nichols MD. Patellar tendon injuries. Clinics in Sport Medicine 1992;11(4):73 -8.
17. Bhargava SP, Hynes MC, Dowell JK. Traumatic patella tendon rupture: early mobilization following surgical repair. Injury 2004; 35: 76-9.
18. Clayton RA, Court-Brown CM. The epidemiology of musculoskeletal tendinous and ligamentous injuries. Injury 2008;39:1338-44.
19. Bushnell BD, Tennant JN, Rubright JH, Creighton RA. Repair of patellar tendon rupture using suture anchors. J Knee Surg 2008;21:122-9.
20. Mihalko WM, Vance M, Fineberg MJ. Patellar tendon repair with hamstring autograft: a cadaveric analysis. Clin Biomech 2010;25:348-51.